"Penser et anticiper, hors des postures idéologiques et politiques, une reconstruction qui profitera à tous, citoyens et entreprises"
L'effondrement de l’euro et la dislocation de l’UE menacent un peu plus chaque jour mais le déni pourrait ne pas suffire à conjurer un destin européen qui n’a pas tenu ses promesses. Bien qu'au regard de l'histoire, le rêve européen ne constituera certainement qu’une courte parenthèse, la dérèglementation des échanges et les dumpings auront néanmoins, amplement participé à la destruction d'une importante part de notre industrie manufacturière. C'est pourquoi nous travaillons depuis plusieurs années à l'élaboration d'un modèle économique fédérateur, susceptible de favoriser, le moment venu, la longue et difficile reconstitution de notre tissu industriel, pour à terme, éradiquer le chômage de masse. Publié le 01/05/ 2016
Certes aujourd'hui le carcan des traités de l'UE limite les marges de manœuvre. Cependant, une brèche dans le sacrosaint dogme du libre-échange semble s'ouvrir. En effet, lors du sommet européen de juin 2017, Angela Merkel déclarait : « Nous voulons transformer l'union européenne pour qu'elle réponde aux exigences de la mondialisation. Qu'elle remette de la prospérité aux citoyens, de l'emploi. Avec des lois nationales, si nous pouvons le faire avec des textes simples. S'il faut des règles plus larges, peut-être faut-il modifier les traités ». Aussi, à la veille des élections européennes à haut risque de 2019 et après le Brexit et un scrutin présidentiel français qui a pétrifié de peur la Commission européenne, peut-être serait-t-il opportun d'entamer la réindustrialisation de notre pays même s’il faudrait pour cela, prendre parfois quelques libertés avec les traités européens. Publié le 05/01/2018
Les industries manufacturières ont subi de tels ravages au cours des dernières années, que certaines de nos propositions ne sont plus applicables. Le protectionnisme est impossible dans le cadre de l'UE, aussi convient-il, au lieu de continuer à subir le tsunami de la mondialisation, d’user de la puissance d'une vaste régionalisation. Nous pourrions élargir le spectre de la demande et de l’offre selon une méthodologie stratégique. Des collaborations, des mécanismes de mutualisation, péréquation et des économies d'échelle, pourraient permettre de redynamiser certaines activités industrielles tout en en générant de nouvelles, tertiaires ou industrielles. Nous recréerions ainsi de la croissance et d’innombrables perspectives d’emplois. Initiatrice et organisatrice de cet immense chantier, la France pourrait devenir la locomotive de l’UE. Publié le 12/02/2022
Francis JOURNOT Projet Collectivité Nationale
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"Normes abusives, pénurie de main d'oeuvre... : les obstacles à la réindustrialisation de la France et la fin d'un cycle industriel
Tribune de francis Journot sur Marianne le 11 aout 2022 - Un nouveau schéma économique pour la France est possible, argumente Francis Journot, consultant et entrepreneur, dans une tribune. À certaines conditions…
Nous déplorons le déclin de l’industrie depuis la fin des 30 années glorieuses et il est à craindre que nous ayons atteint le point de non-retour dans la plupart des secteurs industriels. Aussi convient-il maintenant, afin de tracer de nouvelles perspectives économiques, d’analyser les raisons de cette désindustrialisation. Les économies suivent généralement le même cheminement agricole, industriel puis des services. Maintenant, l’économie quaternaire ou numérique se nourrit de services (uberisation) mais aussi d’interdépendances et d’interactions avec les stades primaires et secondaires qui ont structuré les économies de pays. Ainsi, les pays les moins développés dont ceux d’Afrique subsaharienne, ne peuvent enjamber une progression des cycles, de même que les pays anciennement industrialisés se heurtent le plus souvent à un effet cliquet post-industriel qui empêche un parcours inverse.
En effet, l’attrait de l’emploi industriel auprès de populations paysannes puis la tradition au sein de familles ouvrières et l’influence sociale, ont assuré autrefois une abondance de main-d’œuvre qualitative. Les générations se succédaient dans des entreprises souvent réputées et premiers employeurs régionaux qui offraient la sécurité de l’emploi et chez lesquels les salariés étaient fiers de travailler.
Le processus qui nous entraine vers la fin du cycle industriel, s’est surtout intensifié à partir des années 80. La financiarisation a fait voler en éclats un modèle patrimonial et paternaliste incarné par les derniers capitaines d’industrie. Il ne s’agit pas ici d’idéaliser des méthodes et conditions de travail qui étaient souvent rudes mais cette culture fédérait et les français bénéficiaient du développement industriel.
Pour mieux faire passer la pilule des fermetures d’usines et des délocalisations, François Mitterrand faisait le choix d’une société de l’assistanat. Le gouvernement instaurait le RMI en 1988 et avait soutenu l’initiative des Restaurants du Cœur de Coluche en 1985. Cette politique a contenu le risque de révolte ouvrière et favorisé l’acceptation d’une mondialisation ainsi que d’une Union européenne dont les règles mortifères ont fabriqué en France, de nombreux chômeurs et allocataires de minimas sociaux.
Ainsi, dans la France de 2022, de multiples possibilités s’offrent aux jeunes français qui entrent dans la vie professionnelle et ceux-ci boudent généralement l’industrie. Depuis plusieurs décennies, les enfants et petits ou arrière-petits-enfants de ceux qui avaient autrefois quitté la ferme pour l’usine, préfèrent souvent, lorsque la production cesse, rechercher ensuite un emploi dans d’autres secteurs. Apres un chômage de masse endémique durant de nombreuses années, la pénurie de main d’œuvre ou de vocations, affecte l’industrie. Cela illustre l’évolution du travail ainsi que le phénomène des cycles. Aussi, une réindustrialisation massive de notre pays est peu probable. Certes, la fin du cycle industriel français ne signifie pas une absence totale d’industrie ou qu’il faille se resigner à la désindustrialisation. Quelques industries parviennent à maintenir tout ou partie de leur production en France.
Mais le constat du recul de l’emploi industriel manufacturier, est implacable et la faible robotisation de l’industrie française n’explique pas cela. Le gouvernement brandit souvent un chiffre de 4 millions de personnes employées dans l’industrie mais hors emplois de réparation, maintenance, opérations externes, tri, manutention, emballage et expédition, le nombre d’ouvriers qualifiés ou non, occupant un emploi manufacturier de transformation de biens non alimentaires, est maintenant inférieur à 1 million pour 28 millions d’actifs. L’écologisme et la transition vers les véhicules électriques, vont bientôt causer la disparition de plusieurs centaines de milliers d’autres postes en France et en UE.
Quand un pays désindustrialisé qui a perdu la plupart de ses savoir-faire et de ses écosystèmes, relocalise quelques activités robotisées dépendantes de chaines de valeur mondiales avec peu d’emplois à la clé ou lorsqu’une industrie marque une halte pendant quelques années en France tant qu’elle est subventionnée, il est alors exagéré d’évoquer une réindustrialisation. Dans une France aux coûts salariaux élevés et exposée à d’autres formes de dumping, celle-ci semble relever du vœu pieu.
La relocalisation en France d’industries à présent robotisées est souhaitable mais le contribuable doit-il subventionner des entreprises chinoises qui s’installent au cœur de l’Europe pour capter les parts de marché de leurs concurrents français et européens. Cette vision mondialiste s’oppose au modèle de l’industrie forte qui enrichissait la France et profitait à tous. Les plus grands fleurons ont certes souvent bénéficié de larges subventions de l’État français mais participaient en retour, à la création d’écosystèmes disséminés sur la France, à la structuration et à l’enrichissement des territoires, gêneraient des millions d’emplois et des cotisations qui finançaient les services publics etc.
Aujourd’hui, nous ne parvenons que rarement à trouver des biens courants de consommation français (hors agroalimentaire). Des personnalités politiques prétendent vouloir réindustrialiser mais oublient que ce sont les dirigeants d’entreprises qui décident de leur propre politique industrielle et quelques subventions ne convaincront pas. Car de nombreux obstacles s’opposent à une réindustrialisation de la France : écologisme anti industriel, multiplication des taxes et normes écologiques abusives, euro surévalué, environnement fiscal, administratif et syndical peu conciliant, difficulté de trouver des candidats formés, coût salarial et de formation élevé, 35 heures, incompatibilité avec le pouvoir d’achat de consommateurs mais aussi manque d’intérêt pour l’emploi industriel dans une France qui, même si on le regrette, s’éloigne de son cycle industriel etc. De plus, la hausse du prix de l’énergie qui impacte déjà un grand nombre d’entreprises, pourrait décourager des projets de modernisation. Alors rares sont les entreprises françaises qui projettent aujourd’hui de relocaliser leur production en France.
Aucun des programmes présentés lors des dernières élections, n’était susceptible, dans le contexte, de l’Union européenne, d’assurer la pérennité du modèle social français. Une forte croissance pourrait favoriser une baisse des déficits et de l’endettement mais il serait peu aisé d’augmenter celle-ci dans ce cadre. Aussi nous faut-il penser, afin de sortir d’une spirale dangereuse, une stratégie ambitieuse qui soit néanmoins compatible avec les règles européennes. Un nouveau schéma économique qui pallierait, au moins partiellement, le coût de la désindustrialisation de la France, est cependant possible.
Notre pays dispose de l’atout de la francophonie et de liens uniques avec un continent africain aux portes de l’Europe qui pourrait compter 2.5 milliards d’habitants en 2050. Les institutions internationales et l’Agence Française de Développement (AFD), handicapées par leur fonctionnement technocratique et une vision par trop idéologique, échouent en matière industrielle depuis 60 ans. Mais l’extrême pauvreté en Afrique subsaharienne est inquiétante et pour les africains, le temps presse : lors d’une interview réalisée par la BBC le 22 juin 2022 à propos de l’immigration, un jeune subsaharien déclarait "90% de mes amis veulent partir" d'Afrique. Aussi faut-il faut un projet clair doté d’une méthode efficiente. Le programme Africa Atlantic Axis ou Plan de régionalisation de production Europe Afrique, propose depuis 2020, un transfert de chaines de valeurs mondiales (CVM) souvent installées en Chine. Cette stratégie favoriserait le développement de l’Afrique subsaharienne tout en procurant de nouvelles perspectives et de la croissance à nos entreprises industrielles et à l’économie française ou européenne.
Francis Journot est consultant et entrepreneur. Il dirige le Programme industrialisation Afrique subsaharienne ou Plan de régionalisation de production Europe Afrique et Africa Atlantic Axis. Il fait de la recherche dans le cadre d’International Convention for a Global Minimum Wage et tient le site Collectivité Nationale
Francis Journot : «La France doit devenir la locomotive de l'UE en matière d'industrie»
Le Figaro - Tribune par Francis Journot le 24 mars 2022 - De Valéry Giscard d'Estaing à Emmanuel Macron, les gouvernements proeuropéens ont leur part de responsabilité dans la désindustrialisation de la France, explique l'entrepreneur Françis Journot.
En visite au mois de février à l’usine General Electric (GE) de Belfort (ex Alsthom), Emmanuel Macron, en digne élève d’une idéologie dispensée depuis 4 décennies, opposait à nouveau l’industrie d’hier à celle du futur sans comprendre que l’industrie manufacturière, avant qu’on la saccage, formait un tout. Ce gigantesque écosystème à l’échelle du pays qui partageait des technologies, matières et composants mais aussi au sein duquel une armée de millions d’ingénieurs, cadres et ouvriers dont la formation et la transmission de savoir-faire renforçaient les compétences ainsi que la polyvalence tout au long de riches parcours professionnels, favorisait l’ensemble de l’industrie française. Maintenant, la plupart des éléments sont importés et les industries peinent à recruter des personnels qualifiés.
Dans la France encore prospère des années 70, cette idéologie politique a pris le pouvoir et marqué de son empreinte, les orientations d’une industrie qui jusque-là parvenait à préserver d’indispensables équilibres et trouvait sa voie. Des industries manufacturières traditionnelles pouvaient cohabiter avec de nouvelles industries. Le rôle des gouvernements aurait dû se borner à maintenir les conditions utiles au développement des industries et à éviter de signer une multitude de traités de libre-échanges qui ont précipité la disparition de celles-ci.
Mais nous continuons de commettre les mêmes erreurs. Maintenant, d’autres entreprises industrielles sont sacrifiées au nom de la nouvelle idéologie de l’écologie. Les organismes de financement européens mais aussi français dont la Caisse de Dépôts et Consignations (CDC) et sa Banque Publique d’investissement (BPI) ainsi que l’ensemble des banques, orientent les capitaux vers des projets décarbonés auxquels on impose des contraintes et normes abusives qui vont le plus souvent à l’encontre d’une compétitivité acceptable. Ainsi la France continue à se désindustrialiser. L’argument selon lequel l’écologie créerait des emplois en France, s’est révélé fallacieux.
En 2015, les pays les plus pollueurs applaudissaient à Paris, les bonnes résolutions de la Convention pour le climat tout en se gardant bien eux-mêmes de les appliquer. La France pourrait être en 2050, l’un des rares pays à atteindre la neutralité carbone. Mais quel serait le prix à payer si nous renoncions à la croissance ? Accepterons-nous que notre pays s’appauvrisse encore ? Supporterions-nous un doublement du chiffre de 10 millions de pauvres ou un triplement des 3/400 000 sans-abris mais aussi subséquemment, une charge fiscale grandissante qui pèserait sur un nombre de plus en plus réduit d’entreprises et d’individus des classes moyennes et supérieures qui ne pourraient assumer à eux seuls la plus grande part du coût des services publics.
Seuls des utopistes peuvent croire que l’Etat pourra toujours s’endetter pour subvenir aux besoins d’une part croissante de pauvres, instaurer un salaire universel et creuser l’ensemble des déficits indéfiniment. Celui-ci ne peut pas injecter plusieurs centaines de milliards d’euros tous les ans pour créer une croissance artificielle. L’idéologie écologique ne peut constituer une politique économique sérieuse. Le déficit structurel qui a doublé entre 2019 et 2022 en passant de 54 à 115 milliards d'euros selon l’IFRAP, le déficit commercial qui atteint 84.7 milliards et d’une façon générale, la plupart des indicateurs, nous alertent. La France n’a plus les moyens de régresser pour satisfaire à l’écologisme. Il convient certes de produire tout en respectant l’environnement mais la politique écologique de l’UE affaiblit notre pays. On peut comprendre que des pays concurrents souhaitent notre recul économique, mais on regrette que le gouvernement ainsi que les organismes de financement de l’Etat qui sont conscients de la paupérisation galopante de notre société, se prêtent à ces jeux d’influences.
Était-il sensé de bannir si vite, pour obéir à l’UE, une industrie automobile thermique européenne hautement technologique et performante dont l’empreinte écologique n’est pas supérieure à celle des véhicules électriques et de leurs batteries. On peut craindre la disparition en France de 50 000 à 100 000 postes et pourrions aussi assister à la disparition du secteur. Celui-ci pourrait être balayé, comme d’autres industries auparavant, par les importations de véhicules électriques venant de Chine.
Le nucléaire revenu en odeur de sainteté, Emmanuel Macron promet 6 EPR et 8 plus tard. Il faudra cependant reconstituer la filière et attendre au moins 15 ans avant que le premier EPR voie le jour. Mais compte tenu de la trop rapide transition électrique du parc automobile, la fourniture d’électricité que l’énergie renouvelable éolienne terrestre ou solaire ne peut remplacer avantageusement, ne satisfera pas la demande. Alors, sans interroger les français, le président Macron décide de construire 50 parcs éoliens de mer qui vont tuer le tourisme estival hexagonal et bouleverser un peu plus les écosystèmes marins. Enfin, lorsqu’il s’aperçoit que tout cela ne suffira pas pour assurer les besoins des français et des entreprises, il fixe un objectif de réduction de 40 % de notre consommation énergétique d’ici trente ans qui impliquerait une décroissance et toujours moins d’activité industrielle !
Du président pro-européen Valery Giscard d’Estaing jusqu’à Emmanuel Macron plus européiste et mondialiste que tous ses prédécesseurs, les présidents et gouvernements qui se voulaient tous progressistes et modernes, détiennent une importante part de responsabilité dans la désindustrialisation. Avaient-ils conscience, malgré les avertissements de quelques économistes hétérodoxes, de détruire sans retour possible, les cultures industrielles forgées dans les territoires au fil des générations et les écosystèmes sans lesquels il ne peut y avoir d’industrie forte.
Aujourd’hui encore, 3 hauts fourneaux et des fonderies vont s’éteindre définitivement au nom de l’écologisme pendant que le président candidat clame qu’il veut réindustrialiser la France. L’ancien flamboyant ministère de l’industrie est devenu depuis plus de 30 ans, un service de soins palliatifs et de pompes funèbres d’usines, dépourvu de vision d’avenir.
Après avoir encouragé la désindustrialisation en tant que conseiller spécial de François Hollande puis ministre de l’économie, le président Macron n’a pas même nommé de ministre de l’industrie pendant les 17 premiers mois de son mandat. Mais depuis un an, à l’approche de l’échéance électorale, le ministère de l’industrie multiplie les subventions pour donner l’illusion d’une relocalisation industrielle. Ainsi celui-ci annonce la réindustrialisation du pays avec 782 projets qui, on peut le craindre, ne bénéficieront plus de la même sollicitude au lendemain de l’élection. Pour mieux doper les chiffres, des opérations de modernisation d’outils industriels existants ou de simples projets de fabrication promettant d’embaucher 5 personnes, qui auraient été classés autrefois parmi les ateliers, sont désormais assimilés à des relocalisations ou à des créations comme le seraient le retour d’une entreprise multinationale ou l’installation d’une usine qui emploierait plusieurs milliers d’ouvriers.
De même, le nombre de créations d’entreprises dont le gouvernement se vante, est surtout constitué de micro entreprises (64% selon l’Insee) et le revenu mensuel moyen d’un autoentrepreneur avoisine 470 €. D’autre part, la baisse affichée du chômage a bénéficié d’une radiation massive de plus de 700 000 demandeurs d’emploi au cours des 2 dernières années ainsi que cela est souvent le cas à la veille d’une élection présidentielle. Par ailleurs, les demandeurs d’emploi en CDD ne parvenant à travailler que quelques dizaines d’heures chaque mois et les intérimaires, bien que souvent en recherche d’emploi stable, sont rayés de la catégorie A considérée comme le chiffre officiel du chômage. Il n’est donc pas certain que la propagande gouvernementale parvienne encore à duper les français quand elle prétend que la France va bientôt atteindre le plein emploi alors que le chiffre du chômage et de son halo avoisine toujours 9/10 millions depuis plus de 12 ans ou que nous retrouvons la croissance des 30 glorieuses quand en réalité, celle-ci stagne depuis le début des années 2000.
Il est pourtant urgent d’augmenter notre croissance pour financer un trop fort déficit structurel et réduire notre dépendance à la dette. Mais l’antienne des plans industriels qui promettent des résultats dans quelques dizaines d’années et les propositions peu innovantes des candidats, souvent idéologiques et démagogiques ou qui n’ont le plus souvent guère vocation à être appliquées après l’élection, ne semblent guère de nature à pouvoir redresser l’économie française.
Le slogan de la réindustrialisation figure dans tous les programmes présidentiels mais il est peu probable que les dirigeants qui ont délocalisé la production de leur entreprise pour fuir la pression fiscale, administrative, bancaire, syndicale, des salaires peu compétitifs et depuis quelques années, une multiplication des taxes et normes écologiques qui compliquaient toujours davantage leur tâche et les exposaient souvent à la faillite, acceptent à présent, même avec des subventions, de relocaliser leurs activités en France. Aussi devrons-nous leur proposer un autre modèle et des alternatives.
Le protectionnisme est impossible dans le cadre de l’UE et nous subissons la mondialisation. Mais nous pourrions, en usant de la puissance d’une vaste régionalisation, bâtir un paradigme efficient ainsi que précédemment exposé dans le Plan de régionalisation de production Europe Afrique. En élargissant le spectre de l’offre et de la demande selon une méthodologie stratégique, des mécanismes de péréquation pourraient permettre de restaurer de la compétitivité en France et de redynamiser ainsi certaines activités industrielles tout en en générant de nouvelles, tertiaires ou industrielles. Initiatrice et organisatrice de cet immense chantier, la France pourrait devenir la locomotive de l’UE.
Francis Journot est consultant et entrepreneur. Il dirige le Programme industrialisation Afrique subsaharienne ou Plan de régionalisation de production Europe Afrique et Africa Atlantic Axis. Il fait de la recherche dans le cadre d’International Convention for a Global Minimum Wage et tient le site Collectivité Nationale
Réindustrialisation de la France: «Faut-il croire les promesses de relance des candidats ?»
Tribune de Francis Journot publiée sur le FIGARO le 27 janvier 2022 - L'entrepreneur Francis Journot dénonce les choix politiques qui ont précipité le déclin industriel de la France depuis les années 1970. Il ne croit pas en la capacité des candidats à la présidentielle à inverser cette tendance.
Le premier choc pétrolier qui s’est produit au milieu des années 70, a marqué le début du déclin industriel français. Il sera par ailleurs souvent reproché à Jacques Chirac et Valery Giscard d’Estaing d’avoir instauré le regroupement familial alors que chômage de masse faisait son apparition à la fin de cette période des trente années glorieuses. Le changement de paradigme qui prônait les services, le tourisme et les produits à forte valeur ajoutée au détriment de l’industrie manufacturière des biens de consommation plus courants, relevait d’une méconnaissance des mécanismes économiques et sociaux. L’économie d’un pays est un mécano complexe que l’on doit penser dans son ensemble mais on n'a pas tenu compte des interdépendances et de fragiles équilibres. Dès lors, un cercle vicieux s’est enclenché : Chômage, déficits puis relèvement des charges et impôts, faillites, disparition de tissus industriels, déficit commercial, pauvreté et minimas sociaux, recul des services publics etc.
Tantôt par incompétence ou naïveté, parfois par favoritisme ou stratégie excluant une classe ouvrière qui estimait à partir des années 80 que la gauche mitterrandienne et les syndicats l’avaient trahie mais aussi souvent par idéologie mondialiste ou européiste, les présidents et gouvernements qui se succèdent depuis cette période, ont failli à leur tâche qui aurait dû consister à créer avant tout, les conditions susceptibles de favoriser le maintien, la modernisation et le développement de l’industrie. Mais ceux-ci ont livré la France poings et mains liées à sa concurrence en signant une multitude de traités de libre-échange sans en appréhender toute la dimension et les conséquences à terme sur des pans entiers de notre industrie et leurs millions d’ouvriers, cadres et ingénieurs. Pourtant, la désindustrialisation n’était pas une fatalité. La France qui était la première économie de l’un des deux principaux marchés de consommation, aurait pu mieux protéger son industrie manufacturière.
Alain Juppé, premier ministre sous la présidence de Jacques Chirac, mentor d’Edouard Philippe et de Valérie Pécresse, bradait déjà en 1995 des fleurons industriels pour remplir les caisses de l’Etat et ramener le déficit à 3 % du PIB ainsi que l’UE l’exigeait. Mais la privatisation de Pechiney ne rapportait que 3,8 Mrds de francs. Usinor-Sacilor n'était vendu que 10 Mrds alors que la sidérurgie nous avait couté plus de 100 Mrds. Puis la première compagnie maritime française (CGM) était cédée pour 20 millions après que l'Etat ait injecté 1,2 Mrd. Il tentait ensuite en vain de vendre au Sud-Coréen Daewoo, pour 1 franc symbolique, le fleuron technologique Thomson après une recapitalisation de l'Etat de 11 Mrds de francs. Cette politique s’est poursuivie avec les états généraux de l’industrie de 2010 voulus par Nicolas Sarkozy mais dont les priorités définies ont précipité la chute de certains secteurs industriels.
En juillet 2017, l’article « Macron bradera-t-il l'industrie et la France ? » égrenait la liste déjà longue des entreprises sacrifiées par l’ancien ministre de l’économie de François Hollande. Depuis de nombreux autres noms de fleurons industriels ont été ajoutés.
Emmanuel Macron perpétue la curée entamée il y a près d’un ½ siècle pour aujourd’hui satisfaire à l’écologisme et aux exigences de Bruxelles. Pour exemple, la conversion en quelques années vers l’électrique que l’UE impose à l’industrie automobile. Cette mutation va bientôt détruire cent ou deux cent mille emplois en Europe et pourrait faire disparaitre en quelques années ce qui reste de cette industrie en France. Pourtant, l’électricité de notre parc nucléaire qui n’a pas bénéficié des investissements nécessaires, ne pourra pas répondre à l’explosion de la demande. Cela souligne d’autre part, l’irresponsabilité de gouvernements successifs qui ont mis la poussière sous le tapis en préférant respecter au mieux la limite de déficit public de 3 % voulue par Bruxelles au détriment d’une gestion saine garantissant notre sécurité et nos futurs besoins.
La privatisation d’ENGIE et le projet de démantèlement d’EDF (Hercule) alors que la souveraineté énergétique constitue la principale condition pour créer ou maintenir une industrie manufacturière en France, prouvent qu’il n’y a aucune volonté réelle de réindustrialisation.
Aujourd’hui tous les candidats à la présidentielle clament qu’il faut réindustrialiser la France. Même Yannick Jadot qui ne s’embarrasse pas de contradictions et dont le parti prône pourtant la décroissance et une multiplication des normes ou taxes qui font fuir les usines, s’y met aussi. Fin 2021, le candidat écologiste s’engageait « nous allons réindustrialiser la France » devant des caméras invitées et posant aux côtés d’un industriel troyen qui rétorquait sèchement que plus personne ne croit à ces propos politiciens réitérés depuis plus de 30 ans.
Tous deux biberonnés à la politique de Thatcher et adeptes du culte européiste et fédéraliste Valérie Pécresse et Emmanuel Macron, n’ont probablement pas l’intention de réindustrialiser la France d’autant qu’un plan massif serait impossible dans le cadre européen. Faute de pouvoir mener une politique de relance qui ferait croître naturellement l’emploi et le niveau des rémunérations, Valérie Pécresse, nouvelle disciple de Keynes en quête d’électeurs, a d’abord promis une augmentation de 10 % des salaires, pour selon elle, compenser l’inflation. Oui mais voilà, une augmentation des salaires pourrait aussi constituer un redoutable accélérateur d’inflation, créer du chômage car de nombreuses PME seraient alors mises au tapis et enrichirait surtout la Chine car la plupart de nos biens de consommation sont maintenant importés. Certes celle-ci s’est ensuite ravisée et a proposé des réductions de charges mais cela démontre une absence de programme cohérent et structurant.
Emmanuel Macron est entré en fonction en mai 2017 mais l’industrie dont le ministère autrefois prestigieux fut longtemps la clé de voûte de la politique économique, n’a bénéficié d’un secrétariat d’Etat qu’à partir d’octobre 2018. Valérie Pécresse qui a été formée par Jacques Chirac et Alain Juppé puis a travaillé avec Nicolas Sarkozy, poursuivra certainement la politique de ses mentors. On peut déplorer un suivisme aveugle et indigne d’hommes ou de femmes d’Etat.
En cette fin de mandature, les vaines promesses de création d’emplois industriels fusent mais on peut douter que quelques usines modernes dont l’effectif moyen se situerait autour de vingt ou trente personnes, puissent compenser la braderie de groupes comme Alsthom (65 000 salariés), Alcatel (62 000 salariés) ou Technip (37 500 salariés). L’antienne des 30 plans industriels du futur et de la France de 2030 ou 2050, resservie lors de chaque élection, ne trompe plus.
Malgré les circonvolutions et une manipulation des chiffres qui édulcorent la situation économique, Il faut comprendre que la France a quasiment perdu son industrie manufacturière. Il suffit de tenter d’acheter un produit entièrement ou partiellement fabriqué en France pour s’en apercevoir. La prétendue volonté de réindustrialisation ou de relocalisation est davantage un slogan électoral qu’un réel projet. Le ministre de l’économie Bruno Le Maire prétend vouloir rétablir un solde commercial positif en 10 ans mais le dessein d’Emmanuel Macron, depuis son poste de conseiller de François Hollande à l’Elysée en 2012 puis de ministre de l’économie, semble quelque peu différer. Selon une déclaration de l’ex-député LREM Aurélien Taché publiée dans Marianne, « La promesse de Macron d’émancipation par la réussite économique a été broyée par une vision technocratique de l’économie. Et le cerveau de cela, c’est Kohler » (Alexis Kohler est Secrétaire général de la présidence). « Kohler inscrit la France dans un processus de mondialisation néolibérale tel que l’imaginent les cerveaux bruxellois, où les grandes multinationales, pas forcément françaises, se taillent la part du lion. »
Maintenant, la plupart des écosystèmes industriels français sont détruits et la fabrication des produits est le plus souvent dépendante de chaines de valeurs mondiales. Des enseignements auparavant dispensés dans des écoles d’ingénieurs ou autres formations spécifiques ne sont plus disponibles. Des savoir-faire transmis de génération en génération, ont progressivement disparu au rythme des départs en retraite et des fermetures d’usines.
Même lorsque leurs produits sont compétitifs, des PME et ETI de l’industrie peinent à assumer des coûts élevés de formation de plusieurs années sans pour autant avoir la certitude que les employés resteront. Compte tenu de cela, de l’exigence d’une hausse du niveau de qualification, de la difficulté de trouver des candidats mais aussi d’une concurrence exacerbée qui limite les capacités d’investissement dans la formation, le modèle de l’industrie manufacturière des biens de consommation qui procurait des millions d’emplois plus ou moins qualifiés et structurait de nombreux territoires, appartient de plus en plus au passé. Les cruelles images d’ouvriers désespérés devant leurs usines fermées, n’encouragent pas non plus pas une potentielle relève industrielle.
Aussi convient-t-il de mettre en œuvre une stratégie efficiente de développement. Certaines de nos propositions exposées en 2016 sur le Figaro dans une analyse économique comptant une douzaine de pages, ne sont plus adaptées car de nombreux équilibres ont été depuis rompus mais d’autres voies sont toujours possibles à condition d’avoir la volonté d’agir. Aujourd’hui, de nombreux emplois sont encore détruits et le déficit commercial annuel français s’aggrave depuis le début des années 2000. Il est passé de 58.5 Mrds au début du quinquennat de Macron à 100 Mrds d’euros à la fin de 2021. Emmanuel Macron et Valérie Pécresse, englués dans leur dogmatisme et pétris de certitudes, opteront sans aucun doute pour l’immobilisme et se plieront à la politique mortifère dictée par l’Union européenne ainsi que leurs prédécesseurs et eux-mêmes, l’ont toujours fait. On peut craindre qu’ils poursuivent une politique à la petite semaine sans vision d’avenir pour masquer leur impuissance et nous laissent une facture supplémentaire de plusieurs centaines de milliards d’euros.
Francis Journot est consultant et entrepreneur. Il dirige le Programme industrialisation Afrique subsaharienne ou Plan de régionalisation de production Europe Afrique et Africa Atlantic Axis. Il fait de la recherche dans le cadre d’International Convention for a Global Minimum Wage et tient le site Collectivité Nationale
Réindustrialisation : l’«industrie verte» n’existe pas mais l’idéologie verte va achever l’industrie française
L’industrie manufacturière des biens de consommation s’appuyait sur d’innombrables entreprises qui formaient ensemble des écosystèmes industriels complets disséminés sur l’ensemble du territoire français et s’étaient constitués en plus d’un siècle. On peut toujours relocaliser quelques productions dont l’assemblage de pièces importées serait robotisé en France mais on ne peut pas parler de réindustrialisation. Quelques relocalisations ne compenseront pas la fuite d’usines soumises à des normes européennes et françaises sans équivalant ainsi qu’à un coût de l’énergie maintenant excessif.
L'industrie verte est elle possible ?
Tout processus industriel ainsi que l’énergie qui l’approvisionne, impliquent une émission de CO2, une pioche dans les réserves terrestres et une détérioration de l’environnement sur les lieux de production ou lors d’autre d’étapes à plusieurs milliers de kilomètres. Le bilan environnemental et la nocivité des batteries électriques, panneaux solaires ou des éoliennes qui massacrent l’avifaune et condamnent pour toujours des sols fertiles en versant des milliers de tonnes de bétons ou les écosystèmes marins lorsque celles-ci sont implantées en mer, ont été maintes fois dénoncés. Leurs promoteurs ignorent encore comment les recycler et par ailleurs ferment les yeux sur les conditions de travail d’enfants chargés de recueillir pour quelques euros et au péril de leur vie, les ressources minières indispensables. Aussi est-il peu certain que l’énergie dite verte ardemment défendue par Bruxelles et le président Emmanuel Macron, soit moins sale et plus vertueuse que les énergies fossiles.
Une incompréhension du temps long de l’industrie et des processus industriels
Mardi 16 mai 2023, Bruno Le Maire faisait part des ambitions gouvernementales dans le cadre du plan « Industrie verte » : « Nous avons pour objectif de remonter la part de l'industrie dans le PIB de 10 à 15% » et s’interrogeait : « De quoi avons-nous besoin pour construire une usine, avec des technologies dedans et des gens pour la faire tourner ». « D’abord du foncier, ensuite des capitaux et enfin de la formation. ». Quiconque a participé à un processus de mise au point d’un produit industriel un peu complexe nécessitant des milliers ou dizaines de milliers d’heures d’études et le dépôt de nombreux brevets ou connait simplement l’histoire de l’industrialisation française, a dû se désoler à propos d’une vision de l’industrie manufacturière qui peut apparaitre plutôt courte et simpliste.
Parmi les autres mesures du projet de loi « industrie verte » en 13 articles qui sera proposé au parlement cet été, citons un crédit d’impôt « industrie verte » destiné à attirer des capitaux étrangers et pouvant atteindre 45 % des investissements engagés dans la production de batteries, d’éoliennes et panneaux solaires, inscrits dans le Clean Tech Act de Bruxelles. Jamais avare de formules grandiloquentes mais peu en phase avec la réalité, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran n’a pas hésité à déclarer "Après 30 ans de désindustrialisation, nous voyons les usines se réimplanter, les investisseurs étrangers choisir la France. Après les 30 piteuses, il est l'heure des 30 prometteuses"
Pourtant, la désindustrialisation continue
En 2017, la part de l’industrie dans le PIB avoisinait 12.5 %. L’hécatombe industrielle se poursuit avec la perte probable et prochaine de 134 autres fleurons français et la fermeture à terme de plusieurs centaines de leurs sous-traitants situés dans l’hexagone mais aussi bientôt la mise à mort de l’industrie automobile thermique française qui était le dernier des grands secteurs de l’industrie manufacturière des biens de consommation après l’agroalimentaire. Il est à craindre que la décarbonation à marche forcée de l’industrie fasse encore perdre 1.5 ou 2 points de PIB industriel d’ici la fin du mandat de Macron et ne creuse encore les déficits publics. Aujourd’hui déjà, si l’on excepte le secteur agroalimentaire qui pèse un peu moins de 20 % du PIB industriel, la part constituée de produits manufacturés atteint péniblement 8 %. Le chiffre de 15 % promis par Bruno Le Maire semble pour le moins fantaisiste.
La désindustrialisation a fortement contribué à la faillite de services publics
Mais où sont donc Philippe Aghion, le prix Nobel Jean Tirole, Jean Pisani-Ferry et les 40 autres économistes qui ont écrit ou soutenu le programme d’Emmanuel Macron ? La crise du Covid et la guerre en Ukraine ne peuvent totalement expliquer ou exonérer une politique gouvernementale surtout idéologique et mortifère pour la France. 6 ans plus tard, 3 000 milliards d’euros d’endettement, un nombre de chômeurs toujours proche de 10/12 millions depuis 2009 lorsque l’on prend en compte le halo du chômage et des emplois précaires, démotivation et découragement des français, baisse continuelle du nombre de cotisants aux régimes sociaux au rythme de la désindustrialisation, faillite des services publics impuissants face à des urgences sanitaires, à l’idéologisation de l’enseignement, l’insécurité, l’immigration, la pauvreté avec un nombre croissant d’allocataires du RSA et de bénéficiaires des aides alimentaires, toujours plus de sans-abris etc.
Consultant et entrepreneur, Francis Journot dirige le programme pour l’industrialisation de l’Afrique subsaharienne ou Plan de régionalisation et Africa Atlantic Axis. Il est l’initiateur d’International Convention for a Global Minimum Wage et tient le site Collectivité Nationale
Macron céde l'ADIT, N°1 francais et européen de l'intelligence économique, au fonds d'investissement canadien Sagard
L’ADIT ou Agence pour la diffusion de l'information technologique est aujourd’hui le N°1 français et européen de l’intelligence économique. A l’origine, cet établissement public créé par décret en 1992, assurait bon nombre de missions stratégiques. Citons parmi celles-ci, l’analyse des informations provenant des ambassades françaises à l’étranger, l’introduction de l’intelligence économique dans certains services publics, la collaboration avec le ministère des affaires étrangères etc. Son influence dans les politiques de l’Etat dont elle assurait le secrétariat exécutif du Comité pour la compétitivité et la sécurité économique, était primordiale. Mais en 2001, Jacques Chirac privatisait cette structure qui devenait ainsi en 2003, une société anonyme (SA) détenue par l'Agence des participations de l'État (APE).
En 2010, dans la continuité d’une politique de privatisation dont on cherche souvent la pertinence pour l’intérêt public, Nicolas Sarkozy cédait 66 % du capital au fonds français Butler Capital Partners alors que l’agence stratégique démontrait une fois de plus son efficacité la même année en participant au rapatriement des entreprises françaises fuyant Bagdad.
Depuis, ce premier acquéreur majoritaire a cédé ses parts au fonds Weinberg Capital en 2015 qui lui-même les a transmises au fonds français Parquest pour 130 millions d’euros en 2019. Selon l'article "L'Adit, leader de l'intelligence économique, passe sous le pavillon de Sagard" pulblié dans le quotidien Les Echos, ce dernier est entré en négociation avec le fonds canadien Sagard qui propose, avec la bénédiction de l’Etat français (BPI et APE), propriétaire de la minorité de blocage de 34% (golden Share) et du fond Amundi (Crédit agricole), un achat par LBO (Leveraged buy-out) de 350 millions d’euros pour un peu moins de 50 % des parts. Ainsi, la valeur de l’entreprise aura doublé en un peu plus de 2 ans.
Actuellement, le groupe emploie 650 salariés et le chiffre d’affaires de 2018 est passé en 3 ans de 73 à 150 millions d’euros. Son Ebitda qui dépasse 22 millions d’euros, a doublé en moins de deux ans. Le montage financier de rachat par effet de levier ou LBO, pourrait permettre à Sagard d’acquérir l’ADIT en consacrant peu de fonds propres.
Bien que ne connaissant pas les termes de la négociation exclusive, on peut supposer que Sagard va créer une holding ayant vocation à terme à fusionner avec l’ADIT. La holding de Sagard puiserait dans les caisses (cash-flow) de l’ADIT pour rembourser le montant négocié avant d’en prendre le contrôle.
Parmi les dernières acquisitions de l’ADIT citons : l’achat de GEOS qui détient un contrat de sécurité avec l’UE, celui d’Eurotradia international qui conseille Dassault, Airbus, Safran ou Thales mais aussi des parts dans la société militaire DCI qui collabore avec l’armée française etc. Compte tenu du nombre de secrets militaires et d’Etat que l’ADIT détient probablement et d’une éventuelle perte d’un acteur majeur de l’économie, peut-être faut-il s’inquiéter. Par ailleurs, une entreprise créée par décret pour servir une stratégie française, a-t-elle vocation 30 ans plus tard, à dispenser des conseils à des entreprises chinoises souhaitant concurrencer des entreprises installées dans l’hexagone.
Même si le fonds canadien Sagard est originaire d’un pays ami, il n’en reste pas moins une société financière dont la souveraineté et les intérêts de la France ne seront pas les priorités lorsqu’un autre fonds étranger, peut être cette fois-ci hostile, lui rachètera l’ADIT.
L’argument du financement du développement international pour construire un leader capable de rivaliser avec des concurrents Anglo-saxons sera mis en avant mais si le groupe est dépecé par ses concurrents ou si la France perd totalement son contrôle, le contribuable français aura certes financé une structure publique à fonds perdus mais d’autres conséquences sont à craindre comme le risque pour la sécurité de la France. La perte de ce groupe stratégique qui aurait dû rester dans le giron de la France, pourrait aussi desservir de grandes entreprises françaises pour lesquelles cette collaboration est essentielle. On peut par ailleurs s’interroger à propos d’une telle précipitation 2 mois avant l’élection. Des acteurs du dossier craignent-ils que la cession ne puisse avoir lieu si Emmanuel Macron n’est pas réélu ?
Francis Journot est consultant et entrepreneur. Il dirige le Programme industrialisation Afrique subsaharienne ou Plan de régionalisation de production Europe Afrique et Africa Atlantic Axis. Il fait de la recherche dans le cadre d’International Convention for a Global Minimum Wage et tient le site Collectivité Nationale
"Urgence des 500 signatures : sans Zemmour, Le Pen et Mélenchon, l’élection serait une farce"
Tribune de Francis Journot publiée su Marianne le 11 janvier 2022 - Éric Zemmour, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon représentent près de la moitié des intentions de vote au premier tour de l’élection présidentielle mais ne réuniront peut-être pas chacun les 500 signatures exigées, tant la publication du nom des soutiens peut dissuader des maires d’accorder leur signature. Francis Journot, consultant et entrepreneur, plaide pour une mesure exceptionnelle d'urgence rétablissant l’anonymat des élus.
L’esprit de la loi originelle de 1962 détourné
Le Général de Gaulle, préconisait l’anonymat des signataires et le législateur s’est inspiré du secret de l’isoloir pour rédiger la loi de 1962.
Mais on peut penser que le gouvernement Jacques Chirac sous la présidence de Valery Giscard d’Estaing, a détourné l’esprit de la loi originelle quand il a ouvert en 1976 la voie de la publicité des soutiens et du risque de culpabilisation de ceux-ci.
Le Parti Socialiste (PS) et Les Républicains (LR) ont voté en 2016 comme un seul homme, une modification de la loi qui complique un peu plus l’accès à l’élection présidentielle de personnalités politiques parfois plébiscitées par des millions d’électeurs.
Portée par le gouvernement Manuel Valls sous le quinquennat de François Hollande, la loi de 2016 renforce l’influence des 2 partis auparavant majoritaires sur la sélection des autres candidats à l’élection.
La décision a mis complètement fin à l’anonymat des parrainages : « Au fur et à mesure de la réception des présentations, le Conseil constitutionnel rend publics, au moins deux fois par semaine, le nom et la qualité des citoyens qui ont valablement présenté des candidats à l'élection présidentielle ». De plus, les présentations doivent maintenant être adressées par voie postale directement au Conseil constitutionnel par les élus. Auparavant, les candidats collectaient celles-ci et les envoyaient eux-mêmes au Conseil constitutionnel. Désormais, le nombre réel de signatures demeurera incertain jusqu’à leur publication.
Il est peu certain que les partis politiques qui se partagent le pouvoir depuis près d’un ½ siècle, soient aussi démocrates, républicains ou gaullistes qu’ils le proclament. On peut comprendre que le nombre de signatures exigées soit passé de 100 à 500 provenant d’au moins 30 départements (Loi organique 76-528 du 18 juin 1976) afin de décourager des candidatures fantaisistes mais la divulgation de l’identité des soutiens pour empêcher des partis représentatifs d’accéder à la l’élection, témoigne d’un cynisme décomplexé. Nous avons connu d’autres dénis de démocratie dont celui de 2005, lorsque les français ont dit non au traité créant une constitution européenne (TCE) mais que leur refus a été foulé aux pieds par Nicolas Sarkozy en 2008 (Traité de Lisbonne) puis par François Hollande en 2012 (TSCG).
L’Inégalité entre les partis pour le recueil des 500 parrainages, est manifeste
Lorsque le parti politique d’un candidat compte peu d’élus, l’obtention de chaque parrainage est chronophage et onéreuse. La chasse aux signatures auprès d’élus souvent dépendants de subventions nationales ou régionales et donc parfois soumis au chantage de partis installés, est compliquée. Elle nécessite un travail relationnel de plusieurs mois et des milliers de déplacements générant de nombreux frais financiers. Chaque rendez-vous ne débouche pas sur un parrainage et lorsqu’il est enfin promis, celui-ci ne se concrétise pas toujours.
En revanche, quelques heures suffisent au PS, LR ou LREM pour préparer et envoyer un courriel à l’ensemble des élus du parti ou à un réseau affilié. Le surplus de signatures réduit d’autant les chances des autres concurrents d’atteindre l’objectif quand on sait que le nombre d’élus qui accordent des parrainages, plafonne à environ 15 000 parmi 40 000 présentations potentielles.
Ainsi, Emmanuel Macron, François Fillon et Benoit Hamon raflaient à eux seuls 7 500 parrainages en 2017, une soixantaine de petites candidatures totalisaient un peu plus de 6 000 pendant que Marine Le Pen dépassait difficilement 600 et Jean Luc Mélenchon 800. Mais dans le climat actuel, on pourrait voir une diminution du nombre de soutiens. Subséquemment, des candidats bien que représentatifs, pourraient ne pas obtenir les 500 signatures.
Une élection que les français jugeraient faussée ou volée, pourrait mettre le feu aux poudres
Compte tenu des possibles dérives que la loi de 2016 peut favoriser, la démocratie doit-elle se satisfaire d’une élection pervertie. En effet, les partis dits de gouvernement dont les politiques ont fortement déçu les français, généré une abstention massive croissante et fait fuir bon nombre de leurs électeurs, disposent encore du pouvoir d’influencer la composition de l’affiche de l’élection présidentielle.
L’éviction d’Éric Zemmour, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon qui représentent pourtant une part importante de l’opinion, écœurerait leurs électeurs et ferait donc chuter le taux de participation à l’élection présidentielle mais aussi celui des élections législatives. Lors de ces dernières, le taux d’abstention atteignait déjà des records avec 51.3 % au premier tour puis 57.36 % au second. La fracture entre le pouvoir politique et des citoyens ne se sentant plus représentés, pourrait s’accentuer.
Afin que les français ne jugent l’élection volée ou faussée, l’anonymat des signatures accordées à des candidats à l’élection devrait donc être rétabli. Saisi en ce sens le 2 février 2012, le Conseil constitutionnel avait répondu négativement.
Mais au regard de la nouvelle loi de 2016 qui a durci les conditions d’accès à l’élection présidentielle, d’un climat électoral explosif et du risque d’embrasement de la France après une crise des gilets jaunes mise entre parenthèses depuis la pandémie de Covid, il importe à présent de considérer le caractère d’urgence d’une situation inédite. Aussi conviendrait-il dans ce cadre exceptionnel, d’annuler dans la loi organique, la publicité des soutiens aux candidats à l’élection présidentielle.
Evolution de la loi relative à la publicité des parrainages des candidats à l’élection présidentielle
Loi de 1962 : aucune publication du nom des 100 soutiens
Modification en 1976 : publication du nom des 500 premiers soutiens
Modification en 1981 : publication du nom de 500 soutiens par candidat, tirés au sort parmi la totalité
Modification en 2016 : publication complète du nom des soutiens
Francis Journot est consultant et entrepreneur. Il dirige le Programme industrialisation Afrique subsaharienne ou Plan de régionalisation de production Europe Afrique et Africa Atlantic Axis. Il fait de la recherche dans le cadre d’International Convention for a Global Minimum Wage et tient le site Collectivité Nationale
Usine 5G et centres R&D Huawei en France: une honteuse collaboration avec la Chine totalitaire
Bras armé technologique du Parti communiste chinois, Huawei facilite la répression des opposants à la dictature sanguinaire. Ce groupe qui souhaite voir la Chine régner sur le monde, profite de la crise meurtrière pour installer sa 5G. Mais les USA, l’Australie, l’Inde et des pays d’Europe sont défavorables à un réseau contrôlé par ce géant chinois. En juillet 2020, face à la réticence de l’UE, la Chine a menacé de s’en prendre à Ericsson et Nokia. On cherche en vain une cohérence lorsque le gouvernement français exige le retrait des antennes 4G Huawei d’ici 2028 mais en même temps approuve, en se félicitant au passage de l’attractivité de la France, le renforcement dans l’hexagone de la présence de cette société chinoise dont nul n’ignore les méthodes et objectifs.
Le choix de lieux symboliques et stratégiques
Huawei a choisi d’implanter son sixième centre de R&D de l’hexagone au 103 rue de grenelle à Paris. A cette adresse hautement symbolique, trône la célèbre Tour Chappe, siège du télégraphe inventé à la fin du XVIIIème siècle et vestige de l’ère pré numérique. Ce lieu demeura longtemps au centre des communications d’une France qui a fait autorité en ce domaine jusqu’au démantèlement de fleurons. Par ailleurs, la présence au cœur du quartier des ministères, entre l’Elysée et Matignon, d’une annexe du groupe né en 1988 au sein de l’armée populaire de libération chinoise, maintes fois accusé de dumping et d’espionnage, pose questions. En effet, Huawei ressemble davantage à une émanation du PCC au service de son régime dictatorial et de ses ambitions hégémoniques ou militaires qu’à une entreprise réellement indépendante respectant les lois du marché et de la concurrence.
Le groupe chinois franchit encore une étape dans sa conquête des télécommunications européennes. Le 17 décembre 2020, Il faisait part de l’implantation en février 2021 d’une usine d’équipements 5G dans la ville de Brumat située à moins de vingt de kilomètres du parlement européen à Strasbourg. La vice-présidente d’Huawei Catherine Chen a annoncé le 26 janvier 2021 lors d’une conférence de presse au siège de la Région Grand Est que l’usine "pourrait produire la première station mobile courant 2023". On peut s’inquiéter d’une installation au milieu de l’une des plus fortes concentrations d’unités militaires françaises sensibles du pays dont certaines relevant de la Direction du renseignement militaire (DRM) et peu éloignée aussi du Quartier général du corps européen. Par ailleurs, après un bilan français dépassant maintenant 75 000 morts dues au Coronavirus dont la propagation hors de Chine aurait pu être évitée, le cynisme d’Huawei et l’indécence d’élus qui se prêtent à cette opération de communication guidée par Pékin, peuvent choquer. L’arrivée hostile d’Huawei sur les terres européennes de ses deux principaux concurrents Nokia et Ericsson, teste la faiblesse de la France et de l’UE. Notre pays dénonce souvent la signature d’accords bilatéraux entre des pays de l’UE et la Chine qui veut ainsi diviser les 27 mais on voit maintenant au sein de l’hexagone, des élus régionaux séduits par une promesse d’emploi dont on peut douter de la sincérité, prêts à compromettre la sécurité nationale ou des intérêts européens. On peut aussi s’interroger à propos des conséquences de la signature en décembre 2020 de l’accord de principe relatif au Traité d’investissement UE-Chine car Huawei pourrait considérer que le marché européen de la 5G fait partie de la corbeille de mariage ou y verrait au moins la promesse d’un assouplissement de la position de l’UE.
L’espionnage pratiqué par Huawei pour le compte du PCC est depuis longtemps une certitude
Dans son rapport de 2011 « La cyberdéfense : un enjeu mondial, une priorité nationale » l’ancien sénateur du Haut Rhin Jean Marie Bockel accusait déjà Huawei d’espionnage. Longtemps avant l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, un rapport du renseignement américain préconisait le bannissement industriel. Dans une tribune publiée dans le magazine l’express, Jean Marie Bockel déclarait à propos de la conférence d’Huawei à Dubaï : « les représentants d'Huawei ont indiqué que, pour mieux assurer la sécurisation des flux de ses clients, Huawei "analysait" (grâce aux techniques dites de "deep packet inspection"), l'ensemble des flux de communications (courriers électroniques, conversations téléphoniques, etc.) qui transitaient par ses équipements.» puis concluait : « Si les représentants de l'entreprise voulaient démontrer avant tout les capacités de leurs "routeurs" en matière de détection de "logiciels malveillants", ils ont ainsi confirmé les capacités potentielles de ces " routeurs " à analyser, intercepter et extraire des données sensibles, voire à les altérer ou les détruire. ». L’année suivante, le groupe Huawei dépensait 3 millions d’euros en lobbying à Bruxelles pour tenter de faire oublier ces accusations d’espionnage.
Une part importante de la technologie 5G est élaborée en France
Bien que prétendant être à l’origine de nombreuses innovations technologiques, la Chine se contente en réalité le plus souvent d’améliorer des technologies inventées par des entreprises surtout occidentales. L’Europe et les USA forment ses futures élites et lui fournissent les compétences intellectuelles de leurs chercheurs. Au cours d’une interview réalisée il y a plusieurs mois par Europe 1, Zhang Minggang, directeur général adjoint de Huawei, concédait qu’« une partie de la technologie 5G est élaborée en France. » L’entreprise a également récemment déclaré à propos de l’implantation à Brumath : « Avec cette usine implantée au carrefour de l’Europe, Huawei vient enrichir sa présence sur le continent déjà forte de 23 centres de R&D, de plus de 100 universités partenaires, de plus de 3100 fournisseurs et d’une chaîne d’approvisionnement performante ». Pour exemple, le quatrième centre Huawei de R&D en Ile de France, spécialisé dans la recherche fondamentale en calcul et mathématiques, profitera des ressources et expertises de l’Ecole Normale Supérieure Paris (ENS) , de l’Institut Henry Poincaré (IHP) de Sorbonne et du Collège de France au sein d’une région qui héberge 40 % de la recherche française en mathématiques et dans une France dont le nombre de médaillés Fields rivalise, en tête des classements, avec celui des USA.
Généreuses subventions en R&D, mise à disposition des ressources d’universités et de milliers de chercheurs européens, il est peu certain que les contribuables des pays concernés soient heureux de financer l’avancée d’une 5G chinoise qui pour l’heure, favorise la surveillance du peuple chinois et permet ainsi le maintien au pouvoir d’une dictature meurtrière prompte à condamner aujourd’hui les récalcitrants, au camp de travail et à la mort mais qui pourrait bientôt aussi entamer les libertés et la démocratie dans le reste du monde.
Alcatel-Lucent aurait pu renaitre de ses cendres
Compte tenu des atouts de notre pays, une volonté industrielle renforcée par des partenariats stratégiques et financiers, aurait pu permettre à l’ancien numéro un mondial des télécoms Alcatel-Lucent de renaitre de ses cendres mais Manuel Valls et Emmanuel Macron en avaient décidé autrement. En 2014, le premier ministre assurait au fondateur d’Huawei Ren Zhengfei et toujours membre du PCC, le soutien du gouvernement dans son projet d’implantation de quatre nouveaux centres de R&D (après Sophia Antipolis en 2013) et d’intensification de ses partenariats avec des entreprises de haute technologie, PME et start-up du secteur. Il offrait ainsi à la Chine l’opportunité de prendre une avance technologique dans le domaine de la 5G. En 2015, le ministre de l’économie adoubait la cession d’Alcatel à Nokia et enterrait ainsi définitivement toute ambition française en la matière.
Deux décennies d’aveuglement et de complaisance à l’égard de la Chine
Dans notre article « L'emploi industriel? On dirait qu'ils s'en foutent...» publié début 2011 dans Marianne, nous écrivions déjà (Mouvement Rendez-nous notre industrie et association Vêtements made in France) à propos de l’ancien premier ministre Jean Pierre Raffarin, fervent partisan de l’entrée de la Chine dans l’OMC et de la fin de quotas d’exportation chinois au début des années 2000 : « En avril 2004 à Shanghai, au moment ou l’industrie du textile s’apprêtait à perdre encore 17 000 emplois lors de la fin des quotas textiles de janvier 2005, Jean Pierre Raffarin (UMP), alors Premier ministre estimait que la Chine était "un acteur responsable de l’économie mondiale", laissant ainsi entendre qu’elle pourrait auto limiter ses exportations textiles en pleine expansion. (Source : TF1 news 24 avril 2005). 6 ans ½ plus tard, les dizaines de milliers d’ouvrières licenciées ont pu apprécier ! L'ami candide de la Chine, ne devrait ignorer que ce concurrent économique qui a broyé notre industrie avec l’aide des industriels français et la bénédiction des derniers gouvernements, ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Le dévoué VRP de l’empire du milieu entend maintenant nous faire partager la conception des droits de l‘homme du pays de l’esclavage capitalo-communiste et tente de nous convaincre que seule l’Asie sera capable d’offrir un ’avenir aux jeunes générations et aux entreprises françaises. Sans doute ne sommes-nous pas tous prêts à voir la France devenir un pays vassal, même si les dirigeants Chinois pensent déjà que nous sommes un pays faible, prêt à lui obéir et à renier nos valeurs pour obtenir quelques contrats ».
Mais après le sénateur Raffarin, d’autres politiciens sont allés à Pékin pour proposer leurs services. Ainsi, nous avons dû combattre en 2014, deux projets pharaoniques dont l’un prévoyait déjà l’installation d’une usine Huawei : « Nouvelles villes chinoises en France : un scandale industriel annoncé ? ». Nous informions alors plus de 700 députés européens du danger que pourraient représenter pour l’Europe, des structures surtout dédiées à l’importation de biens finis ensuite étiquetés made in France ou Europe. Elles auraient pu causer la perte de millions d’emplois manufacturiers en Europe. Nous avions également saisi la Cour des Comptes à propos de financements disproportionnés de la collectivité et de l’origine parfois trouble de capitaux d’investisseurs.
Projets avortés d’"EuroSity" à Châteauroux dans l'Indre et de "TerraLorraine" en Moselle, concept fantaisiste d’usines de vêtements de luxe à Maubeuge pour lequel l’importateur Jian Chen promettait début 2020 d’investir 200 millions d’euros ou aujourd’hui centres R&D et usine Huawei près de Strasbourg, les gouvernements successifs et des élus locaux semblent vouloir ignorer la duplicité de Pékin depuis 20 ans et facilitent l’installation d’entreprises chinoises dans l’hexagone mais la France et d’autres pays de l’UE dont l’Allemagne, ne pourront pas toujours jouer sur les deux tableaux et il leur faudra choisir entre un avenir démocratique et le danger d’une hégémonie chinoise.
Francis Journot est consultant et entrepreneur. Il dirige le Programme industrialisation Afrique subsaharienne ou Plan de régionalisation de production Europe Afrique et Africa Atlantic Axis. Il fait de la recherche dans le cadre d’International Convention for a Global Minimum Wage et tient le site Collectivité Nationale
Pourquoi la confrontation entre les Etats-Unis et la Chine n'est pas une "nouvelle guerre froide"
Le Figaro/Tribune par Francis Journot, publiée le 8 juillet 2020 - Selon Francis Journot, le duel sino-américain ne s’organise pas autour de véritables blocs, comme autrefois le capitalisme et le communisme.
Francis Journot est consultant, entrepreneur et ancien éditeur de presse professionnelle économique et sociale. Il fait de la recherche en économie dans le cadre des projets International Convention for a Global Minimum Wage et Plan de régionalisation de production en zone Europe Afrique. Il tient le site Collectivité Nationale.
Depuis son accession au pouvoir en 2013, Xi jinping veut imposer le système politique chinois en tant qu’alternative au capitalisme et œuvre pour une bipolarisation du monde. Fin mai, le ministre des Affaires étrangères Wang Yi enfonçait le clou en menaçant les États-Unis d’une «nouvelle guerre froide». Mais on peut penser que l’analogie avec l’expression inventée au lendemain de la deuxième guerre mondiale lors du conflit idéologique qui a opposé les États-Unis à l’URSS, est inappropriée.
L’imposture d’une guerre froide et le projet de suprématie mondiale de la Chine
Xi Jinping projetait dès le début de son mandat de défier les États-Unis. Il promettait devant le comité central «Nous devons nous préparer à une longue et rude période de compétition entre systèmes politiques» (propos extraits du livre Rouge vif de la sinologue Alice Eckman).
Mais la Chine n’est pas l’URSS et l’authenticité d’un discours capitaliste à Davos et communiste en Chine, s’avère très discutable. Par ailleurs, l’impérialisme chinois semble se diriger, si l’on se réfère par exemple à la répression violente des opposants ou au prélèvement forcé d’organes sur des prisonniers politiques, vers une forme de fascisme à la chinoise. Cette cruauté pourrait rappeler celle de l’Allemagne nazie ou évoquer les actes de cannibalisme commis au nom de l’idéologie du communisme pendant la révolution culturelle chinoise. Il n’est guère aisé de définir précisément idéologiquement le système politique de la Chine opportuniste de Xi Jinping mais il convient peu, même si l’URSS n’incarnait pas un modèle enviable de démocratie, si tant est qu’elle en fût une, de l’assimiler à la doctrine d’Andreï Jdanov qui a théorisé la guerre froide. L’idéologue s’opposait au fascisme et vilipendait l’impérialisme américain. Sept décennies plus tard, la Chine commet des actes dignes des régimes fascistes les plus sanguinaires et son impérialisme constitue le plus grand péril pour les démocraties et l’humanité.
L’élection de Donald Trump, souhaitant réduire le déficit commercial proche de 400 milliards de dollars avec la Chine, a servi la stratégie du dictateur chinois.
L’élection à la tête des États-Unis en 2017 d’un président protectionniste souhaitant réduire le déficit commercial abyssal proche de 400 milliards de dollars avec la Chine, a servi la stratégie du dictateur chinois. Celui qui semble vouloir endosser le costume d’empereur du monde a saisi l’opportunité de se mettre en scène dans un face à face qui le place sur un même pied d’égalité que Donald Trump et lui permet ainsi de se targuer auprès de son peuple, d’affronter le dirigeant de la première puissance mondiale. Cette posture favorise son objectif de bipolarisation inspiré du manichéisme de la guerre froide du siècle dernier et relègue les autres pays du monde au deuxième plan. L’agressivité du Parti communiste chinois durant la crise du Covid-19 et la déclaration de son ministre des affaires étrangères, dictée par l’Assemblée nationale populaire chinoise, indiquent que la Chine estime avoir franchi une nouvelle étape. Celle-ci semble désormais ne plus se soucier de l’opinion de pays devenus à ses yeux trop faibles ou dépendants de son économie pour protester.
L’utilisation par Pékin de l’expression «nouvelle guerre froide» vise à faire oublier sa gestion de la crise du Covid-19 au moment où l’opinion mondiale plutôt hostile compte ses morts et considère maintenant majoritairement que l’expansionnisme chinois représente une menace économique et un grave danger. Mais le système politique que la Chine prétend vouloir faire partager pour le bien de tous diffère du modèle marxiste-léniniste de l’URSS politique. Ce dernier emportait l’adhésion d’un nombre important de populations et de pays à travers le monde. Quel peuple souhaiterait aujourd’hui se placer volontairement sous le joug de la Chine ou d’un régime similaire conseillé par celle-ci? Bien que son projet séduise peu, le géant chinois tente néanmoins de multiplier les alliances susceptibles d’augmenter son influence géostratégique. On peut certes comprendre que la Russie souhaite renforcer des liens économiques notamment sur le plan énergétique et participe à des manœuvres militaires conjointes mais on peut douter que celle-ci suive la Chine aveuglement. Dans son voisinage, la Chine semble dresser contre elle une majorité d’Etats comprenant l’inde. Après plusieurs semaines de tensions, le premier affrontement militaire meurtrier depuis 45 ans a eu lieu le 15 juin 2020 à la frontière des deux pays.
Le géant chinois tente de multiplier les alliances susceptibles d’augmenter son influence géostratégique.
Les imposants congrès chinois qui se drapent aujourd’hui d’idéologie, prônent «une destinée partagée pour l’humanité» et pourraient rappeler à certains égards, les grandes heures du communisme, mais la comparaison s’arrête là. L’assimilation du projet chinois à la foisonnante guerre d’idées qui a passionné durant un demi-siècle, semble présomptueuse. On assiste à une tentative de reproduction du conflit USA/URSS, mais on cherche en vain un goût pour la discussion démocratique ou une proximité philosophique de Xi Jinping et des dirigeants chinois avec les fameux bretteurs qui ont animé le débat majeur du XXème siècle autour de questions essentielles et de deux conceptions du monde.
Depuis les dissimulations à propos de la gestion chinoise de la crise sanitaire, la méfiance envers l’arrogant régime chinois s’est généralisée. Aussi, l’installation d’une prétendue «nouvelle guerre froide» à l’initiative de la Chine peut sembler très aventureuse. Certes, quelques pays dont ses alliés le Pakistan ou l’Iran, rêvent d’un monde post-occidental mais rares sont ceux qui préfèreraient le chaos ou le régime dictatorial prôné par la Chine à un système capitaliste qui demeure à ce jour globalement le plus fiable même s’il conviendrait d’en corriger les nombreuses dérives.
Francis Journot est consultant et entrepreneur. Il dirige le Programme industrialisation Afrique subsaharienne ou Plan de régionalisation de production Europe Afrique et Africa Atlantic Axis. Il fait de la recherche dans le cadre d’International Convention for a Global Minimum Wage et tient le site Collectivité Nationale
Réduire notre dépendance
à la Chine, c'est possible!
FIGARO MONDE Par Francis Journot le 08/06/2020
Le Figaro/Tribune par Francis Journot, publiée le 08 juin 2020 - En s’appuyant d’avantage sur son marché régional, l’Europe est capable de réduire significativement sa dépendance à l’égard de l’industrie chinoise, estime le consultant Francis Journot.
Francis Journot est consultant, entrepreneur et ancien éditeur de presse professionnelle économique et sociale. Il fait de la recherche en économie depuis 2013 dans le cadre du projet International Convention for a Global Minimum Wage et tient le site Collectivité Nationale.
Peu de risques de pénuries ou de fortes augmentations des prix
À la faveur d’une crise qui nous rappelle la fragilité de nos existences et d’un confinement qui nous a fait prendre conscience que l’on peut se priver deux mois durant de surconsommer, il apparaît certain que nous serions capables de survivre à une période de transfert de l’industrie chinoise. Certains produits pas toujours indispensables pourraient se raréfier mais rassurons-nous, la plupart des importations continueraient d’affluer car les entreprises et leurs actionnaires n’apprécient guère que les consommateurs désertent les boutiques. Chaque recherche de nouveaux sous-traitants obtiendrait à travers le monde, une multitude d’offres de services compétitives et des centaines de milliers d’ingénieurs voudraient participer à l’élaboration de processus de production. Quant au domaine vital de l’alimentaire, les pays européens sont peu tributaires du reste du monde. Aussi, il est peu certain que nous devrions craindre de réelles pénuries ou une augmentation importante des prix de nos biens de consommation mais nous pourrions en revanche, consommer moins mais mieux et nous réjouir de relocalisations qui sortiraient au fil des mois et des ans, des millions d’européens du chômage et de la pauvreté.
Un nouveau paradigme européen s’appuyant sur une régionalisation élargie de la production et des échanges incluant davantage l'Afrique
Augmentation des salaires et des coûts de fabrication dans les pays émergents ou en développement s’accompagnant d’une baisse des investissements directs, vols de technologies et contrefaçons, coût environnemental du transport et exigence du consommateur pour des produits plus locaux, nous assistons depuis plusieurs années à des phénomènes qui indiquent ou provoquent un recul de la mondialisation certes pas encore manifeste mais la crise du Covid-19 et la hausse du chômage pourraient accentuer une tendance à la régionalisation des échanges. L’Europe pourrait initier un nouveau paradigme européen de régionalisation des chaînes de valeur ou de production dans le cadre de l’UE ou d’une communauté économique moins politique si celle-ci disparaît. Mais la relocalisation d’activités en France ne serait guère aisée. Il faudrait s’exempter d’idéologies sclérosantes dont le postulat élitiste consistant à ne sélectionner que les secteurs dits stratégiques. Celui-ci a justifié la délocalisation d’autres activités et s’est avéré erroné. Les emplois manufacturiers généraient de nombreux emplois indirects et induits dont les cotisations et impôts, finançaient mieux les dépenses publiques, modéraient le coût du travail, permettaient de maintenir un meilleur niveau de formation technique qui profitait à l’ensemble des secteurs dont les plus stratégiques et participaient ainsi à un cercle économique vertueux.
La nouvelle conception des échanges ici proposée, diffère évidemment des préconisations peu réalistes d’autarcie et de fin de la mondialisation émises par l’ancien ministre de l’économie Arnaud Montebourg. Car au delà du slogan «made in France» et du thème de la réindustrialisation régulièrement exploités à des fins politiques par des personnalités en quête de publicité et d’électeurs mais souvent issus des partis de gouvernement dont les politiques économiques ont favorisé la désindustrialisation, subsiste la réalité du coût du travail mais aussi les écueils que représentent un syndicalisme dogmatique très politisé et les innombrables normes qui découragent les industriels. Les mécanismes de mutualisation et de péréquation du Projet Collectivité Nationale.fr seraient susceptibles de favoriser la création d’écosystèmes et d’emplois mais un assouplissement des traités et règlements européens ou nationaux qui alourdissent la gestion des entreprises françaises, serait également souhaitable.
De nombreux obstacles s’opposent à une relocalisation massive des emplois en France et même parfois en Europe
Avec un marché riche de 500 millions de consommateurs, la croissance relocalisable en Europe est énorme. Les pays européens à plus bas coûts connaîtraient le plein emploi mais nous pourrions nous heurter dans d’autres pays à une inadéquation de l’offre d’emplois industriels pour des demandeurs de travail peu séduits par ces débouchés. En France la main d’œuvre qualifiée a quasiment disparu dans beaucoup de secteurs industriels mais aussi dans bon nombre de pays d’Europe. Le coût de formation pour chaque poste avoisinerait souvent 20/50 K€ majoritairement supporté par l’entreprise mais ne garantirait pas que les candidats effectueraient longtemps des travaux souvent jugés pénibles. Aujourd’hui des PME de l’industrie ne parviennent pas à former plus d’un ou deux demandeurs d’emploi par an. Il est peu certain que l’industrie européenne parvienne à recruter tous les effectifs nécessaires. Par ailleurs, le niveau des exportations pourrait s’éroder après quelques années. La Chine va encore réduire les importations pour faire face à un chômage susceptible de fragiliser le pouvoir et les USA montrent une volonté forte de relocalisation depuis 2017. Les entreprises occidentales implantées sur son sol lui ont apporté les technologies qui lui permettront de satisfaire tous les besoins de ses consommateurs. Aussi, de nouvelles perspectives extra-européennes seraient plus difficiles à trouver et chacun des pays européens tenterait de tirer la couverture à lui pour s’approprier les parts de marchés au sein de l’Europe ainsi que c’est déjà souvent le cas aujourd’hui. Le secteur du luxe continuerait à tirer son épingle du jeu mais on peut craindre que des secteurs de pointe confrontés à une concurrence croissante dont celle de la Chine, voient le nombre de commandes diminuer. On pourrait espérer l’émergence de leaders européens dans de nouveaux domaines mais cela prendrait du temps. La France et les pays d’Europe se féliciteraient néanmoins de la réduction des importations et d’une prospérité retrouvée dans bon nombre de secteurs. Mais après un regain d’activité et une baisse du chômage, l’économie pourrait tourner en rond et renouer avec des faibles taux de croissance et d’emploi.
Croissance et emploi en Europe, pauvreté et démographie galopante sur le continent voisin, nous sommes confrontés à de nombreux défis
Alors nous sommes en face de ces défis mais aussi de plusieurs autres pour lesquels nous devrons tôt ou tard tenter de trouver des solutions. Parmi ceux-ci, le phénomène de démographie galopante d’un continent à moins de 150 kilomètres des premières côtes européennes qui pourrait compter deux milliards et demi d’habitants en 2050. Une importante part de ceux-ci tenteraient de fuir la misère et la faim en migrant dans une Europe affaiblie et guère capable de proposer des conditions de vie meilleures. Cependant, les fondements de notre civilisation, politiques et économiques, culturels et religieux n’y survivraient pas. Le chaos social et sécuritaire qui pourrait s’installer pourrait précéder ou surpasser l’effondrement climatique que promettent des écologistes partisans d’une idéologie de la décroissance à laquelle n’adhèrent sans doute pas totalement nos amis africains qui peinent à se nourrir. Aussi peut-être pourrions-nous, afin de résoudre notre problématique de croissance au cours des années à venir mais aussi en même temps contribuer au recul de la pauvreté dans un continent proche qui connaît une démographie exponentielle, réfléchir à un modèle élargissant notre coopération avec celui-ci.
La Chine pervertit plus qu’elle n’enrichit le continent africain
Aujourd'hui, la Chine compte mettre la main sur cet énorme réservoir de matières premières. Mais elle pervertit plus qu’elle n’enrichit ce continent en le submergeant de produits low cost provenant d’Asie et précarise davantage ainsi des artisans ou des petites entreprises qui fabriquaient des produits locaux. Les usines créées appartiennent à des sociétés dépendantes de Pékin dont les contremaîtres chinois dirigent durement des ouvriers comptant parmi les plus mal payés au monde. Ces bas niveaux de rémunération permettent ainsi à la Chine d’inonder les pays occidentaux de produits bas de gamme sans que les peuples africains y trouvent leur compte en matière d’avancées sociales. Mais cette colonisation rampante de plus en plus mal vécue, suscite de l’amertume.
A terme, davantage d’autonomie industrielle
Il est indispensable que l’Afrique se dote des moyens d’assurer la subsistance de sa population tout en prenant garde de préserver sa faune et sa flore. De nombreux ingénieurs souhaitant un essor de l’Afrique et du Maghreb accueilleraient avec enthousiasme ce projet transcontinental de création de co-entreprises au sein de clusters sectoriels. Ces nouveaux outils de production qui s’intègreraient d’abord dans des chaines d’approvisionnement européennes, favoriseraient le développement économique des pays et auraient vocation à leur faciliter l’accès à davantage d’autonomie industrielle. Le coût de l’installation des usines serait assuré par les enseignes ou marques destinataires des productions. Les entreprises, organisées en collectifs, pourraient ainsi bénéficier d’une mutualisation des coûts mais aussi d’une modularisation des productions dans certains secteurs. Ces activités procureraient de nouvelles opportunités locales à de jeunes générations aujourd’hui tentées par l’immigration vers l’Europe. Des fonds jugés inefficients parmi ceux alloués aujourd’hui au développement et au soutien des pays, pourraient être réorientés vers la construction des infrastructures nécessaires qui profiteraient ainsi à tous car il semble plus pertinent d’investir en amont en créant de l’emploi et en générant une augmentation du niveau de vie local plutôt qu’agir continuellement en aval.
En effet, l’assistance certes bienveillante et souvent indispensable renvoie cependant une image que ce continent souhaite effacer pour changer la perception du monde et progresser. Des groupements de sociétés rentables et en croissance attireraient certainement des capitaux mondiaux qui abonderaient ensuite les nouveaux projets et accompagneraient l’expansion du modèle à travers le continent pour en faire peut être un nouvel eldorado.
On peut penser qu'une hausse du niveau de vie en Afrique encouragerait l'éducation des enfants, l'émancipation des femmes et à terme, une réduction de la natalité
Ce partenariat prolifique pour l’Afrique le serait aussi pour l’Europe qui a besoin de nouvelles perspectives. La mise en œuvre du projet réclamerait le concours de nombreuses sociétés expertes en engineering industriel, énergie, construction, numérique, formation dans les nombreux secteurs, ressources humaines etc… Le nombre de postes à cheval sur les deux continents serait considérable. La France a conservé des liens privilégiés avec la plupart des pays et aurait une carte importante à jouer. Subséquemment, le continent africain pourrait à terme constituer pour l’Europe, un nouveau relais de croissance qui comblerait un affaissement de la demande chinoise d’autant que celui-ci compte autant d’habitants que la Chine. Leur pouvoir d’achat n’est pas comparable mais souvenons-nous qu’à l’aube de ce millénaire, le PIB chinois par tête était semblable à celui de la plupart des pays africains qu’elle a aujourd’hui entrepris de coloniser. Il est difficile d’appréhender toute la dimension d’un tel projet de régionalisation tant les implications et possibilités sont multiples en termes d’emplois et de création de richesse. Les prévisions démographiques annoncent un doublement de la population africaine d’ici trente ans mais on peut penser qu’une hausse du niveau de vie encouragerait l’éducation des enfants, l’émancipation des femmes et à terme, une réduction de la natalité. Une augmentation raisonnable et évolutive des salaires mensuels de production variant aujourd’hui le plus souvent entre 35 et 200 euros, pourrait accélérer cette mutation sociologique.
Il serait donc possible de construire une alternative à la dépendance chinoise. Pourquoi se résoudre à un maintien de nos industries en Chine favorisant une hégémonie qui entravera nos libertés et nous exposera certainement tôt ou tard au risque d’une guerre mondiale alors qu’une régionalisation des échanges nous procurerait l’opportunité de consommer moins mais mieux sans pour autant, compte tenu de la concurrence internationale, faire flamber les prix et nous offrirait de surcroît, une dynamisation économique et la création de millions d’emplois au moment où le chômage fait des ravages en Europe tout en permettant au continent voisin d’accéder à davantage de progrès social.
Francis Journot est consultant et entrepreneur. Il dirige le Programme industrialisation Afrique subsaharienne ou Plan de régionalisation de production Europe Afrique et Africa Atlantic Axis. Il fait de la recherche dans le cadre d’International Convention for a Global Minimum Wage et tient le site Collectivité Nationale
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Il faut exclure la Chine de l'OMC et
du Conseil de sécurité de l'ONU
FIGARO MONDE Par Francis Journot le 28/05/2020
Le Figaro/Tribune par Francis Journot, publiée le 28 mai 2020 - Le Covid-19 a rendu manifeste la progression économique et militaire de la Chine sur la scène internationale. Mais pour l’entrepreneur Francis Journot, tant que Pékin ne respectera pas les règles édictées par les institutions internationales, elle ne doit plus y siéger.
Francis Journot est consultant, entrepreneur et ancien éditeur de presse professionnelle économique et sociale. Il fait de la recherche économique depuis 2013 dans le cadre du projet International Convention for a Global Minimum Wage et tient le site Collectivité Nationale.
OMC, OMS ou Conseil de sécurité de l’ONU, la Chine a investi les institutions internationales mais s’est affranchie des règles qui les régissent. L’arrogante dictature auparavant plus adepte de «soft power», entend maintenant tenir tête au monde et le rapport de force semble s’être érigé au rang de principe cardinal de sa politique. On peut dès lors s’inquiéter de son influence économique et de sa puissance militaire croissante.
À la lumière d’une crise sanitaire et diplomatique révélatrice, la crainte déjà présente d’une Chine hostile et belliqueuse qui dominerait le monde et balaierait les démocraties, s’impose désormais avec davantage d’acuité. Aussi convient-il, pendant que cela est encore possible, de tempérer ses velléités d’impérialisme.
Duperie chinoise et angélisme occidental
La Chine, membre de l’Organisation Mondiale du Commerce depuis 2001, n’est plus un pays en développement mais bénéficie toujours des avantages liés à ce statut. Elle demeure néanmoins une économie dirigée ainsi qu’un capitalisme d’État et n’est pas, à proprement parler, une économie de marché. Il aurait été plus pertinent de mettre fin à l’expérience en 2016, à la fin d’une période transitoire durant laquelle elle a impunément pillé des technologies occidentales et trop souvent enfreint les règles de l’OMC, au détriment de sa concurrence qui ne pouvait que difficilement rivaliser avec des entreprises et des productions fréquemment subventionnées par un État chinois interventionniste.
Par ailleurs, la dictature chinoise siège parmi les 5 membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et dispose donc d’un droit de veto. Ce privilège lui permettrait d’empêcher d’éventuelles sanctions à son encontre mais aussi de bloquer le cas échéant, une assignation de Xi Jinping devant la Cour pénale internationale dans le cadre de la gestion de la crise du Covid-19. L’exemple de la mainmise de la Chine sur l’OMS devrait nous alerter car son influence lui a permis de différer l’annonce de la pandémie. La présence et le pouvoir au sein de ces institutions, d’une dictature qui revendique un objectif de domination économique et militaire sur le monde, sont sans doute contre-nature et dangereux.
Le Parti Communiste chinois est un péril pour la liberté, la démocratie et la paix de l'humanité
Son refus d’assumer sa responsabilité dans une crise qui a tué plusieurs centaines de milliers de personnes et son mépris envers l’humanité peuvent faire craindre le pire. Ivre de puissance, Xi Jinping pense certainement que l’intimidation militaire pourrait lui permettre de dominer complètement un occident stupide et corrompu qui a échangé ses technologies et la suprématie de l’économie mondiale contre des morceaux de tissus et de plastique. Certains dirigeants semblent lui avoir fait allégeance mais cette stratégie n’est pas sans risques et pourrait entraîner à terme le monde vers une Troisième Guerre mondiale.
D’abord cantonnée à une fonction défensive, l’armée de la République populaire de Chine est devenue une force de conquête mondiale dont la montée en puissance laisse peu de place au doute quant à ses visées géostratégiques. L’implantation d’une base militaire navale à Djibouti sur la corne de l’Afrique et d’une forteresse dominant l’Océan Indien pouvant accueillir plusieurs gros navires de guerre et peut-être des porte-avions, nous le confirme. L’effectif devrait atteindre 10 000 hommes en 2026. La dictature chinoise n’ignore pas que la conquête du continent Africain et l’invasion économique à travers l’Europe, poétiquement baptisée «routes de la soie», pourraient engendrer des soulèvements de travailleurs sous-payés parfois maltraités qui pourraient rejeter une domination chinoise en Afrique ou de populations européennes bernées et appauvries. C’est pourquoi la Chine devrait souvent avoir recours à la menace et à la répression mais nul ne peut prévoir où s’arrêterait l’escalade de violence.
Les essais nucléaires en grande pompe médiatique sont une démonstration de force supplémentaire adressée au monde.
La Chine possède la deuxième armée derrière les USA mais au rythme auquel s’active son complexe militaro-industriel, premier du monde en nombre d’employés, celle-ci pourrait s’enorgueillir en une ou deux décennies, du titre de première puissance navale militaire. 2 porte-avions et d’autres en construction, un sous-marin supplémentaire chaque trimestre et un destroyer chaque mois rejoignent une flotte capable d’opérer sur toutes les mers, qui compte maintenant près de 700 bâtiments de combat.
Dans un article publié le 12 mai 2020 par le journal de Hong Kong South China Morning Post «La Chine lance son dernier missile nucléaire sous-marin et reçoit un prix scientifique» la Journaliste Liu Zhen commente les tests de missiles nucléaires JL3 qui ont une portée de 12 000 km et qui pourraient atteindre les USA à partir des côtes chinoises. Ils équiperont des sous-marins de nouvelle génération à partir de 2025. Les observateurs militaires chinois ont déclaré que les essais de missiles étaient une réponse à la stratégie de dissuasion du président américain Donald Trump visant la Chine. Mais personne ne peut croire que la Chine fabrique des missiles nucléaires par inimitié envers le président des USA. Les essais en grande pompe médiatique lors desquels les chercheurs ont reçus des prix scientifiques chinois parmi les plus prestigieux, sont une démonstration de force supplémentaire adressée au monde.
Un tel effort d'armement a rarement ou jamais été vu en temps de paix
Le budget de l’armée chinoise de 250 milliards de dollars en 2018, compte tenu de son augmentation constante (7,5 % en 2020) devrait avoisiner la moitié de celui des USA au cours des années à venir. Si l’on considère que ce budget militaire chinois qui profite d’une main d'oeuvre à plus bas coûts, permet de financer comparativement la fabrication d’un volume beaucoup plus important de matériels que les USA, il apparaît alors clairement qu’un tel effort d’armement a rarement ou jamais été vu en temps de paix d’autant que les inégalités sont grandes et que le chômage touchait déjà 22 % de la population active chinoise avant l’épidémie de Covid-19. Cette préparation effrénée à une mobilisation de l’armée nous rappelle immanquablement la période de réarmement de l’Allemagne nazie à partir de 1933 qui a précédé et tramé la Seconde Guerre mondiale.
Un géant aux pieds d’argile
Ce pays d’un milliard et demi d’habitants a bénéficié de la croissance procurée par les occidentaux et plusieurs centaines de millions de chinois ont ainsi pu sortir de la misère. L’objectivité impose de reconnaître que les entreprises et les consommateurs occidentaux ont bénéficié de coûts de production plus bas mais il faut en revanche admettre que ceux-ci ont payé le prix fort d’une concurrence déloyale avec la désindustrialisation, le chômage et la précarité, la désertification et le recul des service publics etc...
Mais les deux principaux marchés de consommateurs détiennent toujours les clefs d’un pouvoir économique sur la Chine. Ils sont responsables de cette situation et c’est à eux qu’il appartient de prendre les décisions susceptibles de freiner les folles ambitions d’une dictature communiste violente dirigée par un président mégalomane dont le parti unique lui permet de se maintenir au sommet probablement contre le gré de sa population. Une remise en question au plan international de la légitimité de Xi Jinping et de sa politique pourrait affaiblir l’autorité du Parti communiste chinois.
Les USA et l’UE doivent exiger l’éviction des institutions Internationales
Bien que soucieuse des intérêts de l’Allemagne, pays européen le plus dépendant de la Chine avec un volume d’échanges de 200 milliards en 2019, l’UE doit aussi faire la distinction entre diplomatie et soumission. Elle ne peut ignorer le danger de l’expansionnisme chinois et renvoyer dos à dos les USA et la Chine en arguant qu’il s’agit là d’une nouvelle Guerre froide entre deux grandes puissances qui ne la concerne guère. Car, ne nous trompons pas, le géant chinois ne nous épargnerait pas pour autant ensuite et chacun se souviendrait alors du manque de clairvoyance de l’UE.
Mais les prémices d’une guerre larvée, jalonnée de menaces à peine voilées contre l’UE et ses pays membres sont déjà là et cela devrait nous ouvrir les yeux. Pour exemples, Pékin a exigé que l’UE atténue la responsabilité chinoise dans le rapport à propos de la gestion du Covid-19 et tenté récemment d’empêcher un contrat de modernisation des frégates de Taiwan signé avec une entreprise française : «Nous exhortons à nouveau la France à respecter le principe d’une seule Chine et à annuler le projet de vente d’armes à Taiwan pour éviter de nuire aux relations sino-françaises.»
Il est indispensable qu'une entente historique entre la présidente de la Commission européenne et le president des USA s'instaure au plus vite
Il serait juste que la Chine participe au financement de la reconstruction économique mondiale. Aussi, le moins que puisse faire la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen à l’égard des 27 pays membres qui déplorent une centaine de milliers de décès et une perte importante d’emplois, serait, conjointement avec le président des États-Unis Donald Trump, d’exiger de la Chine une réparation du préjudice subi par l‘ensemble des pays.
D’autre part, il est indéniable qu’une éviction de la Chine de l’OMC et du Conseil de sécurité de l’ONU, pourrait modérer cette puissance hors de contrôle et ainsi préserver pour longtemps le monde du danger d’une offensive militaire chinoise. Aussi serait-il indispensable qu’une entente historique entre la présidente de la Commission européenne et le président des USA s’instaure au plus vite afin d’en réclamer la mise en œuvre auprès des deux organisations internationales. Au cours d’un entretien fin avril 2020 avec Laure Mandeville, journaliste spécialiste des États-Unis au Figaro, le Secrétaire d’Etat adjoint américain aux affaires européennes Philip T. Reeker déclarait: «Face à la Chine, nous allons nous unir» . En voici maintenant l’occasion.
Alors certes, l’inclination de l’Union européenne pour une mondialisation et un libre-échange extrêmes peut faire douter d’un tel changement de politique mais si l’on pense que les populations n’accepteront pas en plus du chômage croissant, l’austérité qu’elle prévoit de leur imposer pour payer la catastrophe économique causée par la Chine, la Commission devrait comprendre qu’il lui faudra changer son logiciel idéologique avant de devoir affronter une colère qui provoquerait la fin de l’UE ou d’être confrontée à une guerre que sa politique permissive à l’égard de la Chine aura favorisée et dont elle serait hautement responsable.
Francis Journot est consultant et entrepreneur. Il dirige le Programme industrialisation Afrique subsaharienne ou Plan de régionalisation de production Europe Afrique et Africa Atlantic Axis. Il fait de la recherche dans le cadre d’International Convention for a Global Minimum Wage et tient le site Collectivité Nationale
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Les USA et l’UE doivent exiger
de la Chine une réparation
du préjudice subi
FIGARO MONDE Par Francis Journot le 23/04/2020
Le Figaro/Tribune par Francis Journot, publiée le 23 avril 2020 - Malgré l’ampleur de la propagande chinoise, les Occidentaux doivent tirer au clair la responsabilité de la Chine dans la propagation du virus, estime Francis Journot. Il faudrait alors conclure un accord pour qu’elle contribue financièrement à la réparation de l’économie mondiale.
On peut condamner beaucoup de décisions de dirigeants d’Etats dépassés par une crise à la fois sanitaire, financière et sociale sans précèdent ou leur reprocher d’avoir tardé à réagir. Mais à leur décharge, le régime chinois a menti et favorisé la propagation éclair d’un coronavirus qui aurait pu être éradiqué lorsqu’il ne touchait que quelques malades et n’aurait jamais dû sortir de la région de Wuhan et de Chine. Compte tenu de cette gestion criminelle, les USA et l’UE, ses principaux marchés de consommateurs, seraient fondés à exiger, ensemble, un montant global permettant de réparer au moins une part du préjudice mondial.
Un comportement criminel envers la population chinoise et l’ensemble de l’humanité
Censure de la parole médicale et de la presse pour dissimuler le danger de la contagion et le nombre de morts, la dictature chinoise a voulu éviter qu’un virus n’entache l’image de la Chine. Obsédé par son rêve de domination absolue de l’économie mondiale, Xi Jinping a délibérément mis ses concitoyens et l’humanité entière en danger. Dans l’article « La mort d'un médecin spécialiste du coronavirus provoque un tollé en Chine » publié le 7 février 2020 dans le New York Times, la journaliste Li Yuan décrivait la vaste campagne de protestation en Chine après la mort du Docteur Wenliang, arrêté par les autorités chinoises pour avoir lancé l’alerte fin décembre. Elle notait que la machine de propagande du Parti communiste n’était pas parvenue à contrôler le déferlement de messages de chinois furieux.
Selon l’enquête du 13 mars 2020 réalisée par Joséphine Ma du journal de Hong Kong South China Morning Post qui a eu accès à des documents gouvernementaux confidentiels « Le premier cas confirmé de Covid-19 en Chine remonte au 17 novembre ». La journaliste n’exclut pas la possibilité d’un précédent cas avant mi-novembre.
Xi Jinping ne pouvait avoir oublié l’épidémie de SRAS dont la gestion par son prédécesseur, fut également décriée. Ce coronavirus avait tué 800 personnes en 2002/2003. Son mode de transmission interhumain et le type de complication étaient proches mais aussi son origine attribuée à la chauve-souris qui l’aurait transmis à des mammifères vendus sur des marchés d’animaux vivants. Par ailleurs, les autorités n’ont pas appliqué la loi qui interdit depuis 2003, le commerce et la consommation d’animaux sauvages. Dans son article du 14 avril 2020 publié par le Washington Post, le chroniqueur Josh Rogin préfère pointer du doigt le laboratoire de Wuhan qui étudie les coronavirus de chauves-souris. Mais quel que soit le point de départ de l’épidémie, le chef d'Etat chinois a certainement été informé du caractère contagieux du coronavirus. Il était donc probablement conscient du risque de pandémie mortelle mondiale au moment où il était encore possible de juguler la propagation du virus qui n’affectait, selon les documents consultés par le South China Morning Post, que 9 patients en novembre et 27 à la mi-décembre 2019. Pourtant, celui-ci a préféré maintenir la fête du Nouvel an chinois qui devait avoir lieu le 25 janvier. Les préparatifs ont brassé une forte population et une carte interactive des déplacements dans la région de l’épicentre situé à Wuhan, publiée par le New York Times "How the Virus Got Out", nous indique que 7 millions de voyageurs ont quitté la ville avant le confinement ordonné le 23 janvier 2020. On ignore combien parmi eux ont ensuite propagé le virus chinois principalement en train à travers la Chine et en avion aux quatre coins du monde.
Interrogée le 7 avril 2020 par la chaine de télévision TF1, la journaliste, sinologue et écrivaine Ursula Gauthier estimait que le nombre de décès dus au Covid-19 dans toute la Chine, officiellement de 3291, doit être multiplié par 30 soit au moins 97 000 et le chiffre de 81782 contaminés, multiplié par 15 soit 1.21 million. Lors d’un entretien accordé le 4 avril au journal régional Ouest France, la présidente de Solidarité Chine Marie Holzman, universitaire spécialiste de la Chine, expliquait que les informations qui filtrent au travers de la diaspora, citent un chiffre de 60 000 morts. Au moment où les USA et l’Italie paient le plus lourd tribut en termes de décès, Xi Jinping accuserait, selon l’association, des athlètes américains de passage en octobre à Wuhan ou des Italiens, d’avoir importé le virus.
Le pouvoir chinois nie sa responsabilité dans la mort de ces centaines de milliers de personnes et espère que les inversions et la manipulation de la vérité habituellement opérantes en Chine, fonctionneront aussi à l’extérieur. Alors le monde est pour l’heure sous le choc, plus occupé à se protéger, à sauver ses entreprises et ses emplois ou à enterrer ses morts mais la rancœur et l’hostilité envers Xi Jinping et la Chine pourraient ensuite se révéler vives.
La dictature chinoise devra tôt ou tard présenter des excuses publiques pour calmer la colère des familles de victimes décédées comprenant aussi beaucoup de citoyens chinois. Le nombre de décès a certainement dépassé 300 000 (les USA, l’Italie, l’Espagne, la France et le royaume Uni enregistrent à eux-seuls 120 000 morts. Peut-être 100 000 en Chine et probablement plus de 100 000 dans les 180 autres pays qui regroupent 5.5 milliards d’habitants). Le chiffre pourrait rapidement grimper à un demi-million si l’on en croit les estimations inquiétantes concernant la propagation dans des pays peu équipés en matière sanitaire dont le moyen orient et l’Afrique.
Les proches des victimes pourraient former, au cours des mois à venir, une action collective pour homicides, qui pourrait amener des dirigeants chinois à s’expliquer devant une cour pénale internationale. Plusieurs grands cabinets d’avocats seront certainement sur les rangs pour organiser une «class action» internationale hors normes pouvant obtenir une condamnation au versement de plusieurs centaines de milliards d’euros de dommages et intérêts.
Une crise dont il est difficile d’appréhender le coût
En France, l’augmentation de la dette de 59 % (700 Mds d’euros) au cours des 6 années qui ont suivi la crise de 2008, l’affaiblissement de l’industrie et la prédation d’opérateurs étrangers, les fermetures d’entreprises, la perte d’un million emplois et de marchés abandonnés définitivement au profit d’autres pays dont la Chine qui a vu alors son PIB par tête augmenter de 60 %, nous démontrent que la dernière crise mondiale a couté à l’hexagone, selon les éléments et effets négatifs pris en compte pendant la décennie, l’équivalent de 70 % à près d’une année de PIB de 2008. On peut craindre, que le coût de la crise du Covid-19 soit encore plus élevé.
La Banque Centrale Européenne (BCE), dirigée par Christine Lagarde et les Etats semblent avoir pris la mesure de la gravité du nouveau drame. Cependant, bien que considérables, les sommes mobilisées pour soutenir les économies nationales, exprimées en pourcentages des PIB respectifs, qui atteignent 20% en Italie, 19% en Allemagne, 17% en Grande Bretagne et 15 % en France, pourraient ne pas suffire. On ignore combien de temps durera la crise et on ne parvient pas non plus à cerner le contour des ravages et implications. On peut craindre que de nombreux pays voient leur dette s’envoler et atteindre un niveau insupportable. Si des mesures d’austérité étaient ensuite instaurées afin de satisfaire au Traité de Maastricht qui recommande une limite de déficit public n’excédant pas 3% du PIB, pourraient alors s’ajouter à la crise sanitaire et économique, des troubles sociaux généralisés et ingérables qui précipiteraient l’explosion de l’UE.
Ursula Von der Leyen et Donald Trump doivent, ensemble, exiger de la Chine, une réparation au moins partielle du préjudice
Faut-il, par crainte de l’affronter, ignorer la responsabilité de la Chine et choisir de faire payer les populations en leur recommandant de travailler plus ainsi que le préconisent certains responsables politiques qui ont déjà oublié le mouvement des gilets jaunes dans une France au bord de la révolution, qui par ailleurs, comptait bon nombre de soignants désormais applaudis. Même si le sujet d’une augmentation des impôts est pour l’instant évité, les peuples européens ne sont pas dupes et savent qu’on leur présentera l’addition. L’antienne d’une vertueuse austérité ferait ensuite son retour.
Faire payer la Chine et sauver l’UE ou faire payer les européens et condamner l’UE à l’éclatement, telle est la question que devra maintenant se poser la Présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen. En effet, la Commission européenne a compris qu’elle est à la croisée des chemins et sait qu’elle ne peut courir le risque suicidaire de provoquer, après le départ de la Grande Bretagne, le mécontentement qui précèderait un référendum en Italie, en Espagne ou en France car cela scellerait définitivement le destin de l’UE. Ursula Von der Leyen marche sur des œufs et a présenté les excuses de l’UE à l’Italie pour son impuissance à la secourir. Un récent sondage indiquait que près de la moitié des Italiens, pourtant auparavant plutôt europhiles, voterait maintenant pour une sortie de l’UE.
Si l’on pense qu’il sera difficile de soutenir longtemps l’économie et de financer sa reconstruction, il nous faut alors être pragmatique et mettre le géant asiatique à contribution. Celui-ci doit maintenant remplir un devoir à deux titres : Son entière responsabilité dans l’irruption de la crise actuelle mais aussi sa position hégémonique et abusive en matière industrielle acquise de façon discutable en s’appropriant hautes technologies et savoir-faire parfois en violation des droits internationaux et au détriment de ses concurrents. Cela lui a ainsi permis de monopoliser la croissance et de se placer au premier rang des pays riches en deux décennies.
Il serait donc juste que la Chine prenne sa part dans la réparation de l’économie mondiale. Cela pourrait revêtir la forme d’un compromis intervenant directement entre, d’une part, l’UE et les USA qui représenteraient aussi les intérêts des autres membres de la communauté internationale éligibles à une indemnisation au prorata de leur contraction économique et du préjudice subi et d’autre part, la Chine. Cet acte pourrait constituer un cadre opportun pour toutes les parties. D’abord pour les USA parce que les familles américaines endeuillées, au chômage ou ruinées attendent du président Donald Trump, à six mois de l’élection présidentielle, une condamnation de l’attitude du pouvoir chinois et la promesse d’une réparation financière. Ensuite, pour les instances européennes qui n’ignorent pas que l’existence de l’UE ne tient plus qu’à un fil et savent que les populations européennes qui, après avoir payé un lourd tribut humain, n’accepteraient pas de nouvelles contraintes budgétaires. Et enfin, pour la Chine car cet accord qui lui offrirait la possibilité de s’amender, serait susceptible de faire diminuer le ressentiment envers elle, des populations des 185 Etats touchés par le Covid-19. Xi Jinping doit renoncer à son rêve de domination mondiale et penser au peuple chinois car on peut deviner qu’en l’absence d’excuses aux familles des victimes et d’un geste d’apaisement tel que celui ici proposé, la présence de la Chine et la préservation de ses intérêts, mais surtout la sécurité de ses ressortissants, pourraient être remises en question dans de nombreux pays.
Le virus de Wuhan pourrait coûter à l’ensemble des pays, si l’on se réfère aux précédentes expériences de crises, l’équivalent d’une année de PIB mondial (85 000 Mds d’euros en 2019) ou davantage si l’on partage l’analyse d’experts financiers qui évoquent une crise comparable à celle de 1929. Une évaluation précise du coût de la crise du Covid-19 ne pourra être réalisée qu’après 6/7 ans. Mais un versement de 15 000 Mds d’euros permettrait de commencer à réparer le préjudice. La Chine peut réunir ce montant car elle dispose de 4200 Mds de dollars de réserves de changes ou bons du trésor rapidement mobilisables, peut emprunter des capitaux et céder de grandes entreprises à forte valeur ajoutée, des droits de propriétés ou autres biens. Cette contribution qui équivaudrait à une année de PIB chinois serait donc supportable et raisonnable parce qu’elle ne constituerait, si l’on retient une hypothèse de coût mondial de la crise (hors coût humain) de 70 000/100 000 Mds d’euros, qu’une faible part du montant du préjudice. Mais de nombreuses interrogations demeurent : subirons-nous plusieurs vagues de Covid19 ? Vaccin ? Nombre de défaillances d’entreprises et taux de chômage ? 1 demi-milliard de nouveaux pauvres selon Oxfam, troubles politiques et sociaux etc.) Une annuité de 3000 Mds d’euros pendant 8 ans assurerait une continuité dans la réparation des ravages économiques infligés au monde. Certes, ce niveau de participation au soutien de l’économie, se révèlerait sans doute insuffisant, mais il permettrait néanmoins d’atténuer la violence de cette crise. Francis JOURNOT
Francis Journot est consultant et entrepreneur. Il dirige le Programme industrialisation Afrique subsaharienne ou Plan de régionalisation de production Europe Afrique et Africa Atlantic Axis. Il fait de la recherche dans le cadre d’International Convention for a Global Minimum Wage et tient le site Collectivité Nationale
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Un salaire minimum mondial
pour réduire les inégalités
Tribune de Francis JOURNOT publiée sur Marianne le 16 mars 2020
Afin de réduire les inégalités, le collectif «Patriotic Millionaires » propose une taxation des plus riches qui toutefois ne semble pas faire l'unanimité. Un projet de salaire minimum mondial raisonnable et intégrant les réalités économiques, pourrait-il convaincre davantage ?
Dans une lettre intitulée Millionnaires against pitchforks signée à Davos par 121 personnalités, le collectif « Patriotic Millionaires » exhorte ses amis millionnaires et milliardaires du monde entier, à exiger des impôts plus élevés et plus équitables afin de réduire des « inégalités extrêmes et déstabilisatrices ». L’initiative est généreuse mais il est peu certain que celle-ci permette seule de faire diminuer significativement la pauvreté et les effets négatifs de la production low-cost sur l’environnement. Par ailleurs, les appels à la responsabilisation, fussent-ils les plus sincères, sont rarement écoutés. Aussi devrions-nous tenter une autre approche pour atteindre ce but car la philanthropie recommandée est évidemment louable mais les travailleurs pauvres souhaitent pour leur part surtout un peu plus d’équité dans la rémunération de leur labeur.
Le projet International Convention for a Global Minimum Wage, né en 2013 et publié alors sur Marianne, pourrait apporter des solutions. Raisonnable et évolutif, il prône le pragmatisme et préconise de réintroduire des équilibres en amont des mécanismes économiques. Celui-ci pourrait constituer aujourd’hui, l’unique voie pour, à la fois, réduire les inégalités dans le monde et les ravages de la surconsommation sur l’environnement. Ce salaire minimum mondial qui comporterait plusieurs niveaux pour la prise en compte des disparités économiques, pourrait être mis en œuvre dans la plupart des pays en moins de 7 ou 8 ans.
Premières tentatives
Au lendemain de la première guerre mondiale, le salaire minimum mondial s’est érigé en priorité et fut l’un des premiers chantiers de l’OIT créée en 1919 sous l’égide du Traité de Versailles. Des chercheurs ont très certainement rapidement identifié les pistes évidentes de prime abord, d’un salaire minimum mondial basé sur une proportion du salaire ou du revenu médian de chaque pays (50 ou 60 % souvent cités) et du minimum vital (Living Wage) plus ou moins proche. Mais on peut penser que les économistes de l’OIT ont pris conscience de certains risques avant la convention de 1928. En effet, la prise en compte d’un salaire médian, élevé ou faible, dans le calcul d’un salaire minimum local, ne garantit pas qu’un Etat puisse être ensuite en capacité de faire face dans certains cas, à une augmentation de rémunération de ses fonctionnaires ou que le taux d’inflation que pourrait provoquer une généralisation du salaire minimum soit contenu et n’aggrave guère des situations de pauvreté. Le danger de générer des troubles et la faillite de certains Etats, a certainement tempéré les velléités de progrès social et incité à la prudence. Aussi la Convention concernant l'institution de méthodes de fixation des salaires minima, laissait champ libre aux États signataires: “Chaque Membre qui ratifie la présente convention a la liberté de déterminer les méthodes de fixation des salaires minima ainsi que les modalités de leur application“. 99 pays ont ratifié une convention qui n’a pas empêché les inégalités de croître. Le salaire minimum mondial n’a jamais vu le jour et sommeille depuis.
Echec du salaire minimum européen
L’idée d’un salaire minimum européen n’a pas été spécifiquement théorisée pour l’Union européenne par quelque émérite chercheur ou par un groupe d’élus, mais s’est simplement inspirée des travaux de l’OIT. Ce projet politique a fait son apparition au cours des années 90 afin de valoriser l’Europe sociale chère à ses pères fondateurs mais se heurte depuis aux disparités structurelles des 27 pays de l’Union européenne. On peut néanmoins comprendre que les gouvernements des pays européens à plus bas coûts, à l’instar de leurs concurrents plus lointains, hésitent à augmenter les salaires et à s’exposer ainsi à une diminution de leur avantage compétitif. Aussi, est-il indispensable, dans le contexte de mondialisation, d’inclure cette problématique dans un processus plus large de salaire minimum mondial.
Un concept structuré de salaire minimum mondial s’appuyant sur des ressources financières concrètes
Afin de convaincre les pays concernés, il conviendrait de proposer un projet clair, réaliste et économiquement structurant. Si l’on considère que la question du financement du salaire minimum mondial demeure pour les Etats l’un des principaux points d’achoppement, il faut nous résoudre à intervenir uniquement sur les salaires susceptibles de bénéficier de ressources le permettant soit d’abord ceux des travailleurs produisant des articles destinés à l’exportation. Pour exemple, une augmentation différenciée, progressive et programmée sur plusieurs années de salaires mensuels actuellement de 25 € en Ethiopie, 90 € au Bangladesh, 170 € au Vietnam ou 300 € en Bulgarie, n’impacterait le prix de vêtements vendus le plus souvent aux consommateurs européens ou américains, que de quelques dizaines de cents voire de quelques euros sur des pièces plus chères. Un calendrier s’appuyant sur des analyses complètes, préparerait les conditions qui permettraient ensuite la signature d’accords internationaux. L’UE et des institutions internationales pourraient partager leurs données ou collaborer plus largement à partir d’une méthodologie commune. Des partenariats avec des départements de recherche d’universités prestigieuses pourraient également permettre d’enrichir ces contenus. Le positionnement du curseur sur des objectifs de salaires minimums qui pourraient apparaitre peu ambitieux mais que peu de pays pourraient par conséquent refuser, ne serait certes pas de nature à changer instantanément les conditions de vie des 300 millions de travailleurs pauvres qui vivent avec moins de 1.7 euro par jour (source OIT) ou de ceux qui reçoivent à peine plus. En revanche, cette augmentation de rémunération qui toutefois, ne concernerait d’abord qu’une part des secteurs d’activité et des populations, sécuriserait cette mutation et permettrait surtout de mettre enfin sur les rails, un projet de salaire minimum mondial qui devrait compter 5 à 7 niveaux de compatibilité.
Un projet non idéologique
Inégalités et « living wage » font partie des luttes ou sont des thèmes de prédilection d’ONG qui reçoivent chaque année une manne financière de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Mais les actions locales ne peuvent que très partiellement résoudre ces problématiques car l’économie mondialisée nous impose d’abord de réfléchir à une autre échelle. Les sujets du salaire minimum mondial et des inégalités sont hélas le plus souvent exploités à des fins politiques, idéologiques ou pécuniaires. Ils constituent pour des medias anglo-saxons ou français des contenus tendant à témoigner de leur humanité voire de leur engagement. Mais la publication contre-productive de propositions idéologiques et peu réalistes dont parfois le manichéisme n’a rien à envier au communisme, fournit des arguments aux détracteurs de cette cause ainsi décrédibilisée et immobilisée. Ces leaders d’opinions dont on peut regretter la légèreté en ce domaine, desservent finalement ceux qu’ils prétendent défendre.
Apres 7 ans ou 10 si l’on compte les travaux connexes précédents, le projet International Convention for a Global Minimum Wage, remarqué dès 2013 par des universitaires américains, bénéficie maintenant d’un réseau mondial de près de 7 000 experts pour la plupart vraisemblablement favorables au projet ou au moins à une réflexion sur les propositions émises. Ils sont majoritairement titulaires d’un doctorat d’économie ou de finance et plusieurs centaines d’entre eux souhaitent participer aux études. On trouve parmi ceux-ci, bon nombre de chercheurs et professeurs qui enseignent dans des universités américaines de l’Ivy League (Harvard, Yale, Columbia, Cornell…) ou à Stanford, Berkeley, au MIT et dans d’autres écoles prestigieuses à travers le monde mais aussi près de deux mille économistes travaillant dans des institutions internationales telles que l’ONU, l’OMC, la Banque Mondiale, le FMI, le Forum Economique Mondial ou l’OIT ainsi que des dirigeants et financiers de grandes entreprises, banques ou fonds d’investissement qui savent comme nous tous que l’accroissement des inégalités peut être dangereux.
Une offre de salaire minimum difficilement refusable
Alors quel dirigeant de pays à bas coûts, intra ou extra européen, pourrait s’opposer publiquement à une convention offrant l’opportunité à ses concitoyens travaillant pour l’exportation vers les grands marchés de la consommation principalement occidentaux, de bénéficier graduellement de meilleures rémunérations et conditions de vie qui mécaniquement, s’étendraient au fil des années à l’ensemble des travailleurs et profiteraient ensuite à la population entière sans pour autant affecter sensiblement la compétitivité si les augmentations sont alors coordonnées à l’échelle mondiale. Compte tenu du caractère sectoriel, celles-ci ne feraient pas bondir l’inflation. Le pacte ne contraindrait pas non plus les gouvernements à augmenter leur dépense publique puisque le projet ne repose pas sur une utopique et soudaine majoration générale des salaires. Les ressources de l’environnement et l’habitat naturel seraient moins sollicités. Une génération tentée par l’immigration découvrirait de nouvelles opportunités et choisirait parfois de participer à l’expansion locale. La surnatalité aggrave l’insécurité alimentaire qui touche aujourd’hui près d’un milliard de personnes dans le monde. Aussi, les mesures favoriseraient souvent l'éducation des enfants, l'émancipation de femmes et à terme, une réduction de la natalité et de la pauvreté. Ainsi que les signataires de la lettre Millionnaires against pitchforks préviennent : « il faut agir avant qu’il ne soit trop tard ».
Francis Journot est consultant et entrepreneur. Il dirige le Programme industrialisation Afrique subsaharienne ou Plan de régionalisation de production Europe Afrique et Africa Atlantic Axis. Il fait de la recherche dans le cadre d’International Convention for a Global Minimum Wage et tient le site Collectivité Nationale
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Industrie : les chinois à... Maubeuge,
faut-il s'en inquiéter ?
Tribune de Francis JOURNOT publiée sur Marianne le 31 janvier 2020
Après les projets pharaoniques avortés d’«EuroSity » à Châteauroux, dans l'Indre et de « TerraLorraine » en Moselle qui auraient pu s’apparenter à de véritables petites villes chinoises, une plateforme chinoise d’importation textile et maroquinerie de 150 000 m2 devrait bientôt s’implanter à Maubeuge.
Aujourd’hui, les ingrédients de la même recette sont réunis pour une troisième tentative d’implantation en France d’une zone d’importation de produits chinois qui seraient éventuellement labélisés « made in France » puis exportés vers les autres pays d’Europe ou à travers le monde : Une société ou un homme d’affaire chinois qui promet, avec la bénédiction de Pékin, un investissement de 150 ou 200 millions d’euros ainsi que la création de centaines d’emplois au milieu d’entrepôts s’étalant sur 15 hectares ou davantage et surtout, les indispensables élus locaux qui veulent y croire. Le Conseil municipal de Maubeuge a voté le 25 novembre 2019, un protocole d’accord pour le projet "Espace Vent Oriental".
Jian Chen, PDG d’une importante entreprise chinoise d’import-export, s’est installé au Portugal dès la fin des années 80 pour débuter sa carrière d’importateur de produits chinois à destination de l’Europe. Aujourd’hui, son projet qui concerne les industries du textile et de la maroquinerie, prévoit la création de trente petits ateliers qui travailleraient chacun pour une marque différente avec une identité propre sur une parcelle de 15 hectares à Maubeuge. L’investissement serait de 150 millions d’euros et 300 emplois devraient être créés.
Quels produits, quel marché ?
L’homme d’affaires préconise des vêtements de qualité mais le maire de Maubeuge Arnaud Decagny a évoqué plutôt du haut de gamme et le député du Nord (LREM) Christophe Di Pompeo qui porte le projet depuis deux ans, a renchéri avec le terme de luxe lors d’un reportage diffusé sur TF1. L’ambition de créer une trentaine de marques spécifiques apparaît peu raisonnable lorsque l’on sait que l’élaboration de chaque univers spécifique nécessiterait de nombreuses années de travail et que le coût de création ou de relance d’une seule marque de luxe peut atteindre 200 millions d’euros. Cependant, l’étiquette «made in France» pourrait permettre de faire l’économie de ces investissements et suffirait peut-être à créer la valeur ajoutée souhaitée.
Le dirigeant chinois a d’abord mis en avant l’importance du réseau de son entreprise AC Winexpo qui compte 15 000 magasins en Chine mais dans une interview sur Europe1, le maire de Maubeuge Arnaud Decagny qui connait probablement ses réelles intentions, nous livre une autre stratégie : une sorte de "de showroom chinois" serait installé et "à l’intérieur de ce projet, il y aura des ateliers de confection, pour créer ou finaliser les modèles." Et cet investisseur souhaite s'appuyer sur le savoir-faire français en matière de textile haut de gamme, pour distribuer ses produits partout en Europe.». Par ailleurs, l’édile qui n’ignore sans doute pas que la région ne dispose plus de ces savoir-faire, ajoutait pourtant : « L'intérêt, c’est que ce soit des locaux qui soient embauchés pour travailler dans ces ateliers".
Un recrutement impossible de 300 couturières de confection « Haut de gamme »
En 2009, dans son rapport commandé par le ministère de l’industrie "Un plan pour la façon française", Clarisse Perrotti Reille prévenait : "La filière de la façon comptait 6 000 employés fin 2008 et perd jusqu'à 1 000 emplois par an." 10 ans plus tard, le salon professionnel du Made in France au Carreau du Temple ne compte parmi les 130 exposants qu’une trentaine de façonniers du tricotage et de la confection. La multiplication des marques Made in France observée lors du salon public MIF à la Porte de Versailles avec 225 stands consacrés à l’habillement, peut donner l’impression d’un dynamisme Industriel exceptionnel mais celles-ci s’appuient le plus souvent sur les ateliers existants et ne créent que rarement des emplois de production en interne. Un nombre réduit d’ateliers fournit la plupart des nouvelles marques « made in France ».
Le gros des bataillons de couturières qui transmettaient les savoir-faire, est aujourd’hui à la retraite et la moitié de celles qui travaillent encore aujourd’hui, cesseront leur activité au cours des 8 prochaines années. Compte tenu de la croissance du secteur du luxe, Il est peu certain qu’il soit aisé de trouver sur le territoire français des couturières formées à la confection de haute façon, prêtes à quitter l’emploi qu’elles occupent chez des enseignes prestigieuses ou des entreprises de travail à façon pour rejoindre à Maubeuge, un encadrement chinois peu expert en ce domaine.
Le recours à la formation maintenant envisagé par le Pôle emploi de Maubeuge peut sembler offrir une alternative mais à une époque déjà lointaine où de nombreuses écoles existaient, quand les gestes et les savoir-faire étaient patiemment transmis dans des centaines d’ateliers, la maitrise de l’ensemble des étapes de confection d’un vêtement de haute-façon exigeait de longues années d’apprentissage pour atteindre l’excellence. Aujourd’hui, certains de ces savoir-faire ont disparu. Pour exemple, celui de la fabrication d’un costume haut de gamme qui nécessitait cinq années de formation s’est évaporé avec la fermeture en 2007 de la dernière usine, située à Poix du Nord. Actuellement, des ateliers qui disposent encore de savoir-faire, peinent à recruter un effectif supplémentaire de quelques personnes. Il est certes possible de former rapidement plusieurs centaines d’employées qui apposeraient des étiquettes sur des sacs, renforceraient des coutures et des boutonnières de vêtements « Made in China » ou participeraient occasionnellement à la confection d’articles mais pourrait-on dès lors encore parler de fabrication française de bonne qualité, haut de gamme ou luxe.
Volume d’importation d’articles d’habillement et de maroquinerie
Le projet d’origine qui prévoit un effectif de 300 couturières qualifiées installées dans 30 ateliers, ne nécessiterait qu’une superficie de 10 000 m2 et la production journalière ne pourrait atteindre, selon la nature et la finition des produits, que quelques m3 ou dizaines de m3 d’articles haut de gamme ou luxe. On peut alors s’interroger à propos de l’acquisition d’une surface de 150 000 m2 soit plusieurs centaines de milliers de m3, susceptible d’accueillir le contenu d’une dizaine de milliers de containers pouvant déverser plus de 100 000 palettes de vêtements et maroquinerie. Mais si le projet s’oriente finalement vers un recrutement de centaines de couturières débutantes dont la tâche consisterait, à « finaliser» une cinquantaine ou une centaine de milliers de vêtements et de sacs chaque jour, on comprend mieux la nécessité d’une telle surface.
Un danger pour les filières de la fabrication française
Un afflux sur le marché mondial, de dizaines de millions de sacs et vêtements provenant de Chine, estampillés ensuite « Made in France » et présentés comme des articles haut de gamme ou de luxe puis vendus à bas prix, désorienterait un peu plus les consommateurs. Cette concurrence déloyale envers les derniers façonniers et les enseignes qui fabriquent encore une part ou la totalité de leur production en France, pourrait déstabiliser un peu plus une filière de la haute façon déjà réduite comme peau de chagrin. Les conséquences d’une dévalorisation de l’image de savoir-faire français ne se limiteraient pas à un affaiblissement du leadership de la France en matière de mode. La réputation de l’ensemble des filières de la fabrication française en souffrirait et à terme, de nombreux emplois seraient fragilisés et des métiers pourraient encore disparaitre.
Quel bénéfice pour Maubeuge et la région ?
On peut douter que la culture chinoise du travail, les méthodes, les cadences et la productivité soient exportables et puissent séduire plusieurs centaines de maubeugeoises. Aussi, les dirigeants chinois devraient alors multiplier les demandes d’autorisation de visas de travail pour accueillir des compatriotes mais il leur faudrait probablement élargir leur recherche aux travailleurs des pays de l’est voire de la Turquie et du Maghreb ou d’ailleurs. Le bénéfice en termes d’emplois pour la région pourrait s’avérer minime mais en revanche le prix à payer pour les Maubeugeois pourrait être lourd. Le ballet de dizaines puis de centaines de camions et portes-containers polluerait considérablement l’agglomération. Mais peut-être faudrait-il aussi déplorer la dégradation de dizaines de kilomètres de voiries et routes dont l’entretien et les travaux de réparation seraient à la charge des contribuables de Maubeuge et du département. Un aménagement des routes d’accès et la construction d’infrastructures plus adaptées s’avèreraient rapidement indispensables mais la facture que la collectivité devrait acquitter, se chiffrerait alors en dizaines de millions et pourrait se révéler supérieure à l’investissement finalement consacré à l’installation d’entrepôts et de quelques locaux d’activité.
Dans le cadre d’«EuroSity » à Châteauroux, dans l'Indre, l’agglomération de Châteauroux avait prévu d’investir 91 millions sur 15 ans en achat de terrains, voieries et rénovation. Le département de l’Indre devait mobiliser 15 millions d’euros pour les routes d’accès mais la promesse d’un investissement chinois de 200 millions d’euros ne s’est jamais concrétisée. De même, le financement de 150 millions d’euros, destiné à la première phase du non moins pharaonique projet « TerraLorraine » n’est guère parvenu jusqu’en Moselle.
Francis Journot sites Vêtements made in France et www.collectivite-nationale.fr
Précédents articles à propos d’«EuroSity » à Châteauroux et de « TerraLorraine » en Moselle: https://www.marianne.net/societe/nouvelles-villes-chinoises-en-france-un-scandale-industriel-annonce
https://www.marianne.net/debattons/tribunes/nouvelles-villes-chinoises-en-france-deux-ans-plus-tard-ou-en-est-leur
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Il est temps d’en finir avec la fable du salaire minimum européen
Nathalie Loiseau, Tête de liste du parti présidentiel francais LREM aux élections européennes
Le Figaro/Tribune par Francis Journot, publiée le 14 mai 2019 - Francis Journot, initiateur du projet «International Convention for a Global Minimum Wage», explique pourquoi il est illusoire de croire au «salaire minimum européen» en arguant que le projet est incompatible avec les disparités structurelles des 28 pays de l’Union européenne. Il milite pour un salaire minimum mondial sous d’autres modalités.
La théorie d’un salaire minimum européen ou mondial selon une proportion du salaire médian de chaque pays, s’est toujours révélée peu convaincante et rares sont les économistes qui apportent encore aujourd’hui leur caution. L’Organisation Internationale du Travail (OIT) a renoncé depuis plusieurs décennies à l’instauration de ce modèle. La Commission européenne évite maintenant ce sujet qui fâche des pays membres et préfère évoquer une notion plus générale de « convergence économique et sociale européenne » ou l’objectif non moins sibyllin de « socle européen des droits sociaux ».
Mais le président français Emmanuel Macron, certainement à court d’idées progressistes, a réveillé ce vieux serpent de mer. Pourtant, le projet est incompatible avec les disparités structurelles des 28 pays de l’Union européenne et s’avérerait hasardeux. Les candidats se livrent maintenant à un véritable concours et les recommandations varient quasiment du simple au double: Nathalie Loiseau, tête de liste du parti présidentiel LREM, souhaite un SMIC Européen correspondant à 50 % du salaire médian de chaque pays de l’UE et un expert en politiques sociales enseignant à l’ENA et affilié à LREM, préconise, dans un tribune sur Libération, 40 à 50 %. Les listes Génération S de Benoit Hamon, PC menée par Ian Brossat ainsi que EELV de Yannick Jadot optent pour 60 %. Raphaël Glucksmann, tête de liste Place publique et PS veut 65 % tandis que Manon Aubry de LFI surenchérit avec 75 %.
Les candidats n’ont, semble-t-il, pas jugé utile de procéder à des simulations ou peut-être ont-ils préféré la simplification démagogique à la rigueur des chiffres. En effet, au lieu de la hausse de niveau de vie souhaitée et de la convergence visée, nous pourrions assister au contraire, selon le taux préconisé, à une baisse dans la moitié des pays, des salaires à minimas dont certains comptent déjà parmi les plus faibles d’Europe ou souvent, à une augmentation du différentiel entre les rémunérations minimums. De plus, si l’on considère que la dépense publique dans les pays de l’UE est en moyenne, proche de 50 % du PIB dont une part importante est représentée, selon la structure propre et l’externalisation des services, par le coût des emplois publics ou privés, il apparait alors que cette mesure pourraient générer dans certains Etats, une flambée du déficit public et par ailleurs, leur ferait parfois franchir la limite autorisée de déficit public de 3 %. Le risque d’inflation que l’on peut rencontrer lors d’une hausse du salaire minimum, n’est pas non plus anticipé. Cependant, l’inquiétude n’est pas de mise puisque ce projet n’obtiendrait probablement jamais l’unanimité requise au sein de l’UE et sera enterré jusqu’à la prochaine élection européenne mais le traitement fantaisiste de ce sujet économique majeur peut consterner.
Cette idée de salaire minimum européen qui a fait son apparition au cours des années 90, brandie pour valoriser l’Europe sociale chère à ses pères fondateurs, n’a pas été spécifiquement théorisée pour l’Union européenne par quelque émérite chercheur ou par un groupe d’élus, mais simplement empruntée à l’Organisation Internationale du Travail. Mais à une époque où l’UE ne comptait que 12 à 15 pays membres dont les niveaux de vie étaient globalement proches et le rythme des nouvelles adhésions, raisonnable, l’option était envisageable (France, Allemagne de l’Ouest, Italie, Belgique, Luxembourg et Pays Bas lors de la création de la CEE en 1958, Danemark, Irlande et Royaume Uni en 1973, Grèce en 1981, Espagne et Portugal en 1986, Allemagne de l’Est en 1990, Autriche, Finlande et Suède en 1995). Cependant, le nombre de pays membres a doublé aux cours des deux décennies suivantes et l’homogénéisation de l’Union européenne par ce moyen, apparaît maintenant utopique. On peut néanmoins comprendre que les gouvernements des pays européens à plus bas coûts, à l’instar de leurs concurrents plus lointains, hésitent à augmenter les salaires et à s’exposer ainsi à une diminution de leur avantage compétitif. Il conviendrait d’en tenir compte dès l’élaboration d’un projet de salaire minimum.
Aussi, est-il indispensable, dans le contexte de mondialisation, d’examiner le sujet du salaire minimum en Europe, sous un prisme plus large. Apres 6 ans de travaux et près d’une décennie, si l’on inclut les sujets connexes qui ont initié cette réflexion, le projet « International Convention for a Global Minimum Wage », susceptible de réintroduire des équilibres en amont des mécanismes économiques internationaux, bénéficie maintenant à travers le monde, d’un réseau de plusieurs milliers d’économistes majoritairement expérimentés et titulaires d’un doctorat en économie. Le concept intègre les réalités économiques et s’appuie sur des paramètres fondamentaux (flux financiers, capacité budgétaire des États, nature des échanges, activité industrielle etc..) pour proposer un calendrier consensuel et pragmatique. Il pourrait constituer aujourd’hui en ce domaine, la seule proposition viable et de nature à faire reculer les inégalités mais aussi les dégâts du consumérisme sur l’environnement au moment où la principale réponse actuelle semble être la multiplication de taxes « climat » aussi inéquitables qu’inefficientes mais surtout exigées par des partis et des ONG d’une écologie politique et idéologique. Mais l’instrumentalisation des thèmes du salaire minimum ou de l’écologie, est contre-productive et s’exerce au détriment d’approches économiques plus objectives et de solutions rationnelles.
Francis JOURNOT est l’initiateur du projet International Convention for a Global Minimum Wage
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«Plaidoyer pour un salaire minimum mondial»: lettre ouverte à Jean Claude Juncker
Le Figaro/Tribune par Francis Journot, publiée le 11 avril 2019 - Francis Journot, initiateur du projet «International Convention for a Global Minimum Wage», publie une lettre ouverte en faveur d’un «salaire minimum mondial». Celui-ci pourrait permettre de réduire les dégâts du consumérisme sur l’environnement, pense-t-il.
La Direction Générale de l’’Emploi et des Affaires Sociales de la Commission européenne, chargée de répondre à mon récent courrier, rappelle le cadre du « Socle Européen des Droits Sociaux » proclamé le 17 novembre 2017 à Göteborg et le principe relatif aux salaires qui prévoit principalement que « des salaires minimaux appropriés doivent être garantis, à un niveau permettant de satisfaire aux besoins du travailleur et de sa famille..». Cependant, celle-ci n’ignore guère l’impossibilité d’instaurer un salaire minimum européen dans le cadre juridique actuel défini par les traités et déplore: « la compétence pour fixer les salaires et les salaires minimaux incombe principalement aux États Membres » et « toute proposition pour un cadre européen pour les salaires minimaux devrait être approuvée par les États Membres ». Aussi, si l’on ajoute à cela, l’hostilité de la probable future chancelière allemande Annegret Kramp-Karrenbauer (AKK), envers le modèle basé sur un pourcentage du salaire médian, dernièrement proposé par Emmanuel Macron ou par l’UE précédemment, auquel, sont également opposés bon nombre de pays membres, on peut alors considérer que vous ne disposez aujourd’hui en la matière, d’aucune solution effective et il apparait urgent de changer de méthode.
L’Organisation Internationale du Travail (OIT) tente d’installer un salaire minimum mondial depuis sa fondation en 1919 et L’UE essaye en Europe depuis 20 ans. L’ONU dénonce le consumérisme et le saccage de l’environnement. La Banque Mondiale, le FMI, l’OMC et le Forum Economique Mondial déclarent s’inquiéter de la montée des inégalités. Aussi convient-il de conjuguer les actions. Cependant, les institutions internationales et l’UE sont prisonnières de protocoles trop lourds et les marges de manœuvres sont réduites. Citons pour exemples, la structure tripartite de l’OIT ou le principe de l’unanimité des membres de l’UE. Alors comment le mettre en œuvre ?
Le projet « International Convention for a Global Minimum Wage »
Dans un monde globalisé, la concurrence entre les pays à bas coûts est évidemment mondiale et il nous faut donc appréhender ces problématiques dans leur ensemble. On ne peut augmenter unilatéralement les salaires dans l’UE sans risquer d’affecter l’économie de certains de ses pays membres. Mais au moment où chacun regrette les dégâts du consumérisme sur l'environnement et la montée des inégalités, les États du monde entier pourraient, dans le cadre d'un consensus mondial, être enclins à faire ensemble, un pas vers un modèle plus vertueux. Il faudrait pour cela, que nous leur proposions un calendrier réaliste s’appuyant sur des études personnalisées.
Le positionnement du curseur sur des objectifs de salaire minimum qui pourraient apparaitre peu ambitieux mais que peu de pays pourraient par conséquent refuser, ne serait certes pas de nature à changer instantanément les conditions de vie des 300 millions de travailleurs pauvres qui vivent avec moins de 1.7 euro par jour (source OIT) ou de ceux qui reçoivent à peine plus. En revanche, cette augmentation de rémunération qui toutefois, ne concernerait d’abord qu’une part des secteurs d’activité et des populations, sécuriserait cette mutation et permettrait surtout de mettre enfin sur les rails, un projet de salaire minimum mondial qui sommeille depuis près d’un siècle. Sans celui-ci, le SMIC européen ou plus vraisemblablement, l’instauration de salaires à minima européens notamment dans l’industrie manufacturière des biens de consommation, s’avèrerait compliquée voire irréalisable.
Il conviendrait donc de créer une structure dédiée plus agile et de droit privé, capable de mutualiser volontés et compétences, mais dûment mandatée par l’UE et des institutions internationales pour préparer les conditions qui permettront ensuite la signature d’accords internationaux. Une stratégie s’appuyant à la fois sur l’expertise économique et une communication pertinente, pourrait favoriser l’installation d’un salaire minimum mondial comprenant 5 à 7 niveaux de compatibilité. En continuité des travaux déjà effectués et des pistes pressenties depuis 2013 dans le cadre du projet « International Convention for a Global Minimum Wage », plus de 200 chercheurs pourraient procéder aux analyses des paramètres économiques de chacun des pays concernés. Parmi ceux-ci, travailleraient de nombreux experts reconnus, déjà rompus à ces problématiques et appartenant souvent à notre important réseau mondial qui compte maintenant près de 4 000 économistes (majoritairement titulaires d’un doctorat d’économie (Ph.D economics). Leurs homologues de l’UE et des institutions internationales partenaires pourraient partager leurs données ou collaborer plus largement à partir d’une méthodologie commune. Les rôles de l’OIT et de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) pourraient s’avérer déterminants. Des départements de recherche d’universités prestigieuses pourraient enrichir ces contenus. Les rapports complets compteraient parfois plusieurs centaines de pages d’analyses par pays et des projections dont le traitement et l’interprétation exclusivement techniques et non partisans, en garantiraient l’objectivité. Ceux-ci serviraient ensuite à l’élaboration des calendriers équitables proposés aux Etats. Ils devraient permettre de limiter au mieux les risques de dysfonctionnements économiques et de contenir les phénomènes d’inflation.
L’autre aspect essentiel de notre mission consisterait à expliquer ce sujet méconnu et complexe au plus grand nombre. Pour réussir, le salaire minimum doit être perçu par l’ensemble des pays, comme une opportunité de progrès social et économique, parfois même comme une protection. Pour exemple, en Europe, les pays de l’Est comprendraient qu’en l’absence de nouvelles règles, les « nouvelles routes de la soie » pourraient laminer leurs industries sans pour autant extraire de la pauvreté d’autres populations lointaines. En effet, les salaires ouvriers chinois ont considérablement augmenté mais l’industrie chinoise a maintenant souvent recours à une main d’œuvre située hors de ses frontières et payée parfois 40 euros pour 200 heures mensuelles. Une augmentation salariale de l’ensemble des ouvriers travaillant pour l’exportation vers les grands marchés de consommation, pourrait générer le plus souvent, une montée en qualité de la fabrication et des matières utilisées. Cette hausse de la valeur ajoutée qui compenserait une diminution des volumes d’exportation ferait aussi reculer le consumérisme. Parmi les moyens de communication et de pédagogie déployés, figureraient la tenue de 100 à 200 conférences dans le monde en 2 à 3 ans, une information en temps réel de la progression du projet, une multiplication des tribunes dans la presse internationale et plus généralement, l’utilisation des outils les plus efficaces.
A l’heure où nous soucions tous de l’avenir de l’humanité et de la disparition de la biodiversité, le « salaire minimum mondial » pourrait rééquilibrer des mécanismes économiques et ainsi permettre de réduire les ravages du consumérisme sur l’environnement.
Francis Journot est l’initiateur du projet International Convention for a Global Minimum Wage
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Salaire minimum européen prôné par Macron, un slogan creux et sans lendemain ?
Le Figaro/Tribune par Francis Journot, publiée le 11 mars 2019 - Alors que dans sa lettre aux Européens Emmanuel Macron a préconisé un SMIC européen, Francis Journot pense que cette proposition est inconcevable, et explique que c'est seulement à l'échelle mondiale qu'il est possible d‘imaginer un tel dispositif.
Dans son manifeste « pour une renaissance européenne » publiée le 4 mars dans les 28 pays de l’UE, Emmanuel Macron préconisait « un salaire minimum européen, adapté à chaque pays et discuté chaque année collectivement ». 22 pays disposent déjà d’un salaire minimum variant de 260 à 2 000 euros qui ne garantit pas toujours des conditions de vie décentes et les minimas conventionnels de pays dépourvus de SMIC offrent parfois à leurs travailleurs des revenus acceptables. L’hétérogénéité des salaires au sein de l’UE est donc indéniable. Oui mais voilà, le slogan « salaire minimum européen » qui est apparu au cours des années 90 pour annoncer une nouvelle Europe sociale et qui est maintenant recyclé par Emmanuel Macron, ne constitue pas pour autant un projet à part entière. Il n’y aura pas plus de salaire minimum européen que de salaire minimum asiatique ou africain. Dans un monde globalisé, il est indispensable d’appréhender ces problématiques dans leur ensemble. La concurrence entre les pays à bas coûts est mondiale. Aussi, rares seraient les pays qui tolèreraient une ingérence économique au nom d’une homogénéisation des salaires dans l’UE, susceptible d’amputer non seulement leur compétitivité envers et auprès de leurs voisins européens mais aussi d’augmenter leur différentiel de coût salarial avec des pays plus éloignés (citons pour exemple l’Ethiopie avec parfois des salaires mensuels de 40 euros pour près de 200 heures travaillées). Ce samedi 9 mars, la nouvelle présidente de la CDU Annegret Kramp-Karrenbauer et peut-être future chancelière d’une Allemagne qui compte bon nombre de ses sous-traitants dans des pays à plus bas coûts de l’Est, a évidemment exprimé son désaccord.
En revanche, au moment où chacun s’inquiète de la montée des inégalités et des dégâts du consumérisme sur l’environnement, les Etats pourraient, dans le cadre d’un consensus mondial, préconisé dans le concept « International Convention for a Global Minimum Wage », être davantage enclins à faire ensemble, un pas vers un modèle plus vertueux.
Au lendemain de la première guerre mondiale, le salaire minimum mondial fut l’un des premiers chantiers de l’OIT (Organisation internationale du travail), créée en 1919 sous l’égide du Traité de Versailles. Des chercheurs ont très certainement rapidement identifié les pistes les plus évidentes de prime abord, d’un salaire minimum mondial basé sur une proportion du salaire ou du revenu médian de chaque pays (50 ou 60 % souvent cités) et du minimum vital (Living Wage) plus ou moins proche. Ces propositions qui ont fait école sont reprises depuis, par les défenseurs du salaire minimum mondial ainsi que par Emmanuel Macron aujourd’hui. Mais on peut penser que les économistes de l’OIT ont pris conscience de certains risques avant la convention de 1928. En effet, la prise en compte d’un salaire médian, élevé ou faible, dans le calcul d’un salaire minimum local, ne garantit pas qu’un Etat puisse être ensuite en capacité de faire face dans certains cas, à une augmentation de rémunération de ses fonctionnaires ou que le taux d’inflation que pourrait provoquer une généralisation du salaire minimum soit contenu et n’aggrave guère des situations de pauvreté. Le danger de générer des troubles et la faillite de certains Etats, a certainement tempéré les velléités de progrès social et incité à la prudence. Aussi la Convention concernant l'institution de méthodes de fixation des salaires minima, laissait champ libre aux États signataires: “Chaque Membre qui ratifie la présente convention a la liberté de déterminer les méthodes de fixation des salaires minima ainsi que les modalités de leur application“. 99 pays ont ratifié une convention qui n’a pas empêché les inégalités de croître. Le salaire minimum mondial n’a jamais vu le jour et sommeille depuis.
Le projet International Convention for a Global Minimum Wage a été publié pour la première fois en 2013 et bénéficie maintenant d’un réseau mondial de 3000 économistes vraisemblablement favorables à une réflexion dont de nombreux chercheurs et professeurs de prestigieuses universités américaines (Harvard, Stanford, Yale, le MIT, Columbia, Berkeley et de nombreuses autres) mais aussi plusieurs centaines d’économistes travaillant dans des institutions internationales telles que l’ONU, l’OMC, le FMI ou l’OIT. Ce projet qui pourrait constituer la seule alternative viable en matière de salaire minimum mondial ou européen, a été adressé le 19 février 2019, au président de la Commission européenne Jean Claude Juncker. La proposition soulignait la difficulté de créer un salaire minimum européen hors d’un cadre plus large de salaire minimum mondial et suggérait que l’UE prenne part dans la réalisation de cet ambitieux objectif aux côtés d’institutions internationales. Le président Juncker a chargé le directeur général de la Commission en charge de l’Emploi et des Affaires sociales, M. Joost Korte, d’étudier les points soulevés. Ce concept mesuré comportant plusieurs niveaux de compatibilité, offrant une progressivité sécurisante et reposant sur de multiples paramètres, permettrait de réduire considérablement les risques de dysfonctionnements économiques que l’on pourrait redouter lors de l’installation d’un salaire minimum.
Le thème du salaire minimum européen prôné par Emmanuel Macron est certes surtout destiné à séduire des électeurs soucieux de progrès social, mais il est peu certain que le choix d’un modèle de salaire minimum qui s’avère depuis près d’un siècle, impossible à mettre en œuvre, soit judicieux.
Francis JOURNOT - International Convention for a Global Minimum Wage
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Ford, Ascoval: «Quand Macron et Le Maire découvrent les dégâts de leur propre idéologie»
Le Figaro/Tribune par Francis Journot, publiée le 4 mars 2019 - Après le refus de Ford d'accepter l'offre de reprise de son usine de Blanquefort, Francis Journot, ardent défenseur de la cause industrielle, dénonce l'angélisme du gouvernement qui, selon lui, s'indigne des dégâts liés à une idéologie qu'il continue de chérir.
A propos de la fermeture du site de production de Blanquefort (Gironde), le gouvernement a jugé l’attitude de Ford indigne, celle de l’Etat néerlandais après sa montée à 14 % du capital d’Air France/KLM inamicale et s’est estimé trompé lors de la reprise avortée d’Ascoval. Mais les reproches et la posture protectionniste envers les Pays-Bas peuvent toutefois étonner si l’on songe à l’énergie par ailleurs déployée par le ministre de l’Economie Bruno Le Maire au cours des dernières semaines pour privatiser les fleurons français très profitables Aéroports de Paris (ADP), la Française des jeux (FDJ) et ENGIE. Il est également permis de douter d’une réelle préoccupation d’Emmanuel Macron pour le patrimoine industriel. Le jeune Secrétaire général adjoint de l’Elysée qui envisageait la vente du stratégique pôle énergie du fleuron industriel Alstom (65 000 salariés) à l’américain General Electric (GE) dès 2012, commandait alors discrètement un rapport au cabinet AT Kearney de Chicago en octobre. Puis favorisait lors de son passage à Bercy en tant que ministre de l’Economie, la cession du leader mondial des télécoms et réseaux Alcatel-Lucent (62 000 salariés) au norvégien Nokia et la fusion du spécialiste de l’ingénierie pétrolière et gazière Technip (37 500 salariés) avec le texan FMC mais le siège déménageait à Londres.
Depuis le début du quinquennat de l’ancien président de la république François Hollande, 1 millier d’usines comptant souvent plusieurs centaines d’ouvriers ont fermé et laissé de nombreux territoires exsangues. 1.5 à 2 millions d’emplois industriels directs, indirects et induits ont disparu en 10 ans. La fermeture des sites de production Ford et Ascoval pourrait mettre au chômage 1 200 personnes et impacter encore trois fois plus d’emplois indirects et induits. Les 750 salariés des Fonderies du Poitou retenaient leur souffle ce jeudi 28 février en espérant un repreneur. Ces sujets s’invitent inopportunément dans l’actualité à moins de 3 mois des élections européennes mais le gouvernement ne changera pas sa politique économique pour autant. Cette dernière semble consister maintenant, à défaut de soutenir l’industrie française, à surtout encourager au moyen de subventions, une multiplication des FUSAC (fusions et acquisitions) pourtant souvent prédatrices, d’acheteurs étrangers. Certes, cela augmente l’investissement en France et permet de prétendre que l’élection d’Emmanuel Macron a généré une hausse de l’attractivité, mais ces aventures se soldent souvent par des fermetures d’usines. On peut en effet s’interroger à propos de l’angélisme de responsables politiques qui, après avoir introduit le loup dans la bergerie, s’indignent ensuite. Mais on ne peut alors empêcher les investisseurs d’estimer qu’en l’absence d’aides suffisantes, le maintien de l’activité sur le site français n’est plus économiquement justifié ou de disposer librement dans leurs pays respectifs, des brevets, marques et savoir-faire acquis dans l’hexagone.
34 plans industriels et Usine du futur pendant la campagne d’Emmanuel Macron ou aujourd’hui plan d’accompagnement du renouveau industriel local pour 124 territoires, les projets de relance de l’industrie annoncés à grand renfort médiatique s’avèrent généralement peu efficaces. Faiblement financés, ils entretiennent surtout l’illusion d’une volonté industrielle destinée à masquer l’impuissance gouvernementale. Pour exemple, le dernier programme annoncé fin 2018 qui affiche l’ambition de couvrir 30 % du territoire et 48 % des emplois industriels, est doté de 1.3 milliard d’euros quand un plan structuré d’envergure qui comprendrait un investissement annuel de 10 à 15 milliards d’euros serait indispensable pour réindustrialiser et éradiquer un chômage de masse qui touche à des degrés divers, près de 10 millions de personnes. Si l’on considère qu’un bénéficiaire de minimas sociaux et un chômeur indemnisé coûtent respectivement à la collectivité, selon les dépenses connexes prises en compte, environ 10/12 000 et 30/32 000 euros (DPE) par an en moyenne, il apparait alors certain qu’il serait plus avisé de financer massivement l’activité au lieu de l’inactivité pour ainsi renouer avec un cercle économique vertueux. Certes, nous devrions pour cela prendre quelques libertés avec les règles de Bruxelles mais la Commission européenne n’ignore pas non plus qu’un affaiblissement continu de la deuxième économie de la zone euro conduira immanquablement à une mise en danger de l’ensemble de la construction européenne.
Les déficits budgétaires, la baisse du pouvoir d’achat, le chômage de masse et l’extrême pauvreté, la désertification et le recul des services publics ainsi que l’augmentation de la dette ne sont que les conséquences de choix politiques et économiques entamés il y a plusieurs décennies, préconisant l’abandon d’une industrie pourtant hautement structurante dans les territoires au profit des services. Le Grand Débat aurait pu constituer une chance historique de générer une union nationale autour d’un nouveau projet mais Emmanuel Macron reste fidèle à cette vielle ligne idéologique.
Francis JOURNOT Projet Collectivité Nationale
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Après 40 ans d’échec, les conférences climat
doivent changer de stratégie !
Le Figaro/Tribune par Francis Journot, publiée le 31 janvier 2019 - La première COP climat a été organisée par l’ONU à Genève en 1979. Cette même année a aussi vu l’aboutissement du cycle de Tokyo dans le cadre du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers institué en 1947). Cette étape déterminante du premier traité de libre-échange de l’histoire a induit une accélération sans précédent de la production à bas coût et du consumérisme mais aussi de ses effets pervers sur l’environnement. Certes, nous ne parviendrons pas à réparer ces dégâts mais après l’échec des COP au cours des 40 dernières années, nous devons néanmoins tenter à nouveau de concilier libre-échange, diminution de la pauvreté et sauvegarde de l’environnement.
Défiance et green washing à la COP 24
En décembre 2018, la COP 24 devait permettre de finaliser les accords de Paris de 2015 mais si l’on en juge par l’absence de la plupart des 138 chefs d’Etats et de gouvernements qui étaient attendus et un résultat décevant, on ne peut que constater de la défiance envers la stratégie climatique. Mais les accords de Paris ont-ils encore un sens lorsqu’ils sont boudés par la première puissance mondiale et foulés aux pieds par la deuxième, obsédée par le maintien d’une haute croissance et surtout avide d’opportunités industrielles comme celles des batteries électriques, des panneaux solaires et des éoliennes dont elle possède maintenant les monopoles. Les autres pays ne sont pas davantage vertueux. L’Allemagne, première économie de l’UE continue, comme de nombreux autres pays, d’investir dans le secteur du charbon qui constitue à l’échelle mondiale 44% des émissions de gaz à effet de serre. Cette industrie en a profité pour faire son green washing et la conférence était parrainée par le polonais JSW, 1er producteur de charbon d’Europe.
L’industrie textile a également souhaité améliorer son image car elle occupe la deuxième place au rang des industries les plus polluantes derrière celle du pétrole et a contribué, depuis l’avènement de la fast fashion ou mode jetable, à des centaines de catastrophes écologiques. Elle rejette chaque année 500 000 tonnes de microfibres dans les océans et a encore recours à des conditions de travail proches de l’esclavage avec des salaires parfois inférieurs à 50 ou 100 euros. Représentée par 43 groupes de la mode, celle-ci a signé une charte pour la diminution d’ici 2050, de ses émissions de GES. Mais le nombre de vêtements et accessoires fabriqués a cependant doublé en 15 ans pour atteindre maintenant le chiffre de 100 milliards d’articles par an et 10 % des émissions de CO2. Ces chiffres pourraient encore doubler au cours des 20 ou 30 prochaines années selon l’ONU Environnement : «Si rien ne change, d'ici 2050, l'industrie de la mode consommera un quart du budget carbone mondial ».
Pourquoi les COP climat ne peuvent réussir
Le nombre élevé de pays climato septiques et l’influence économique de plusieurs d’entre eux, vouent irrémédiablement ces sommets mondiaux à l’échec. Le titre même de Conférence sur le climat qui présuppose une origine anthropique et le contenu des accords de Paris focalisé sur le réchauffement du climat, sont contre productifs. Ils occultent les divisions et relèguent au deuxième plan, la question des autres problématiques environnementales qui pourtant, pourrait plus aisément rassembler. Le rapport alarmiste du GIEC, n’a pas permis de réduire le camp du scepticisme et l’opiniâtre Secrétaire Général de l’ONU Antonio Guterres a dû prolonger de 28 heures la dernière COP pour obtenir au forceps quelques engagements non contraignants. La fracture ne s’estompera pas lors des prochaines COP et peut-être convient-il aussi de rompre avec une vision idéologique et manichéenne qui encourage une opposition « Nord Sud ». L’industrie s’est surtout développée à partir du début du XXème siècle mais les dommages causés à l’environnement l’ont été principalement au cours des quatre ou cinq dernières décennies.
Aussi, des Etats estiment que dans un contexte de guerre économique permanente exacerbée par la mondialisation promue par le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) puis l’OMC, il est peu cohérent de leur reprocher maintenant d’avoir suivi ce modèle économique qui était, il y a 40 ans, également plébiscité par des pays émergents ou en développement, même si certains en ont ensuite beaucoup plus profité que d’autres. A la fin du cycle de Tokyo en 1979, 102 pays signataires adhéraient à ce choix de société qui préconisait la course à la croissance et promettait la prospérité. Les accords portaient alors sur 300 Mds de dollars d’échanges au lieu de 40 Mds lors du cycle précédent. Certes, chacun souhaitait bien légitimement pour son pays, le développement et le recul de la pauvreté, mais le risque de conséquences désastreuses dont le saccage de l’environnement, la destruction de la biodiversité et une augmentation des émissions de CO2, était déjà connu. 60 autres Etats les rejoignaient au cours de décennies suivantes. Il est peu surprenant que les pays développés du Nord jugés maintenant par les accords de Paris, grands responsables du réchauffement climatique devant à ce titre financer la transition énergétique des pays du Sud à hauteur de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, ne se précipitent pas à ces réunions mondiales ou rechignent à faire des chèques d’autant qu’une part importante d’entre eux ne se sent pas responsable du climat. Il serait plus consensuel de rebaptiser les COP. Un contenu moins idéologique n’entretenant plus de confusion entre les divers sujets, comportant de nouvelles propositions et proposant un nouvel éclairage sous l’angle des thématiques moins clivantes et concrètes du risque démographique, de la dévastation de l’environnement et de la disparition des espèces que nul ne pourra contester, recrédibiliserait ces conférences tout en permettant de lutter plus efficacement contre les émissions de GES.
Transition énergétique et voitures électriques : solutions pérennes ou illusion ?
On peut regretter que des partis politiques et des ONG de l’écologie se soient emparés du thème du réchauffement climatique pour en faire leur cheval de bataille et un outil d’influence sur les politiques intérieures. Celui-ci phagocyte maintenant le débat environnemental. Les propositions qui semblent davantage dictées par une idéologie politique que par un intérêt pour l’humanité, apparaissent souvent peu réalistes. Elles sont loin de faire l’unanimité lorsqu’elles réclament toujours plus de taxes énergétiques à l’encontre des consommateurs et des entreprises. Le discours prône la fermeture de centrales à énergies fossiles mais aussi dans certains pays celle de centrales nucléaires qui pourtant fournissent une électricité peu carbonée. Mais disposons-nous aujourd’hui des outils nécessaires à une transition ? Certes les énergies fossiles sont polluantes et les déchets nucléaires difficiles à stocker mais les énergies solaire et éolienne ne peuvent actuellement constituer dans les pays développés, compte tenu de leur caractère intermittent, que des solutions complémentaires. L’adoption progressive de ce modèle économique dont la pertinence n’a jamais été démontrée, pourrait cependant provoquer une hausse importante du prix de l’énergie. Il convient également d’être réservé à propos du gain écologique mondial que pourraient procurer des automobiles apparemment plus propres mais dont l’électricité serait en réalité souvent issue du charbon, fioul ou gaz dans des pays frontaliers ou non. Les émissions diminueraient dans les métropoles de pays disposant de centrales nucléaires mais la pollution traverse les frontières. On peut aussi craindre le risque écologique d’un remplacement anticipé en quelques années, d’une part importante d’un parc comptant près d’un milliard de voitures en état de marche, au regard de l’extraction des matières premières nécessaires, des émissions de GES qui seraient générées par la production de milliards de tonnes de matériaux, la gestion des déchets automobiles et des nouvelles batteries électriques que nous ne savons pas encore recycler et d’un ballet de porte-containers qui participeraient également à la pollution de l’environnement. L’arrivée sur le marché de l’occasion de dizaines de millions d’automobiles supplémentaires par an souvent ensuite exportées (actuellement 4 à 5 millions de véhicules européens sont exportés vers l’Afrique chaque année), contribuerait à l’asphyxie de nouvelles villes.
Quand le prétexte de l’écologie sert la fiscalité
La taxe carbone qui s’inspire du principe pollueur payeur apparu en 1972, se révèle inefficiente. Les groupes internationaux parviennent souvent à s’en exonérer et elle alourdit surtout le fardeau d’entreprises locales et de consommateurs de 21 pays dont 17 situés en Europe sans pour autant parvenir à réduire le consumérisme. En France, la révolte des « gilets jaunes » s’est amorcée à la suite d’une hausse annuelle prévue de 3.7 Mds d’euros de la fiscalité sur les carburants présentée pour financer la transition énergétique. Mais parmi les 37.7 milliards d’euros qui devaient être collectés en 2019 au titre de la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) 7.2 Mds soit 19.1% seulement était affecté à la transition. On ne peut s’étonner que des automobilistes qui peinent déjà à payer leur nourriture et l’énergie vitale, se soulèvent lorsque le gouvernement veut les contraindre à s’endetter pour l’acquisition de voitures électriques ou de nouvelles chaudières.
Pénuries et boulversements économiques
L’environnement paie un lourd tribut pour chaque article produit et on peut facilement imaginer, compte tenu de la démographie, que les ressources de notre planète vont s’épuiser rapidement. Si on prend le cas d’un simple tee-shirt, l’emprunte carbone avoisine 10 kilos de la production à la destruction, la culture de son coton peut exiger 3 000 litres d’eau et son parcours peut atteindre plusieurs dizaine de milliers de kilomètres. Dans le domaine des métaux, « 99.9 % des ressources théoriques resteront inexploitables » selon les physiciens Robert Underwood Ayres et Brian Skinner (MIT). La diminution rapide des réserves depuis 50 ans, la criticalité ou les prévisions de raréfaction au cours des prochaines années et décennies, d’une vingtaine de métaux rares et précieux aujourd’hui indispensables à la production exponentielle de l’industrie électronique, peuvent faire redouter un futur impact sur une économie mondiale très numérisée et de plus en plus automatisée. L’économiste et mathématicien Nicholas Georgescu-Roegen prévenait déjà en 1979 «C’est une illusion de la pensée linéaire, de la mythologie moderne du progrès et du développement de croire cette abondance sans conséquences écologiques et sans limites.» Les pénuries bouleverseraient notre quotidien et pourraient causer un chaos bien plus rapidement que le réchauffement climatique. Des Etats, populations et entreprises, subiraient les effets de krachs financiers à répétition et les conflits se multiplieraient. Nous devons économiser nos réserves pour retarder ces dommages mais en revanche, peut-être échapperons nous à un futur de science-fiction, déshumanisé et peuplé de machines.
Créer des mécanismes économiques pour consommer moins mais mieux
Rien ne semble pouvoir modérer la surconsommation. Les marches et les pétitions climat, qui, bien que médiatisées, ne mobilisent qu’une part infime des populations. Elles n’influent guère sur un modèle du libre-échange dérèglementé qui favorise la production low-cost et une offre imposée à laquelle les consommateurs se conforment généralement. La taxe carbone est refusée par la plupart des pays. Un rétablissement des barrières douanières tarifaires ou non est à court terme peu envisageable si l’on pense aux chaines d’approvisionnement de produits souvent made in world et à d’éventuelles chutes soudaines de croissance qui déstabiliseraient l’économie de nombreux états. Quant aux COP, elles échouent depuis 40 ans. Alors sommes-nous dans une impasse ? Pourtant, il nous faut impérativement, afin de réduire les dégâts, penser des solutions économiques pragmatiques, rapidement opérationnelles et surtout, capables de rassembler. En économie mondialisée les solutions sont surtout globales et la taxation en aval a montré ses limites. Nous pourrions, afin de réduire notre consommation de produits jetables ou obsolescents, user en amont de la production, de mécanismes économiques susceptibles de guider les entreprises industrielles vers une revalorisation de leur production. Si l’on choisit l’exemple de la mode, lorsque le coût de main d’œuvre est insignifiant, les matières utilisées sont souvent de qualité médiocre. Ces produits à bas coûts, revendus en tant que bas et moyen de gamme mais parfois haut de gamme, d’abord proposés à fort coefficient, sont souvent ensuite bradés ou couramment détruits. Une augmentation du coût salarial pourrait générer un nouveau regard, une valorisation des produits et un recul du jetable.
Par conséquent, un salaire minimum mondial offrant 5 à 7 niveaux de compatibilité avec les économies des pays concernés, d’abord sectoriel, progressif et spécifique à la production principalement destinée à l’exportation vers l’UE et les USA, génèrerait une montée globale en qualité des articles et recréerait des équilibres sans pour autant impacter durement les prix payés par les consommateurs occidentaux si l’on considère aussi qu’il n’est pas rare qu’un article soit actuellement vendu 10 ou 20 fois son prix de revient sorti d’usine et que la concurrence effrénée dans l’industrie manufacturière des biens de consommation, régulerait les prix. Compte tenu d’une hausse des salaires qui ne concernerait qu’une part des populations et d’une augmentation de la valeur ajoutée des produits qui pourrait compenser une diminution des volumes, la nature et la structure de croissance des pays producteurs muteraient plus ou moins selon les secteurs d’activité occupés mais les états ne devraient pas déplorer de brusques bouleversements économiques. Le projet International Convention for a Global Minimum Wage initié en 2013, bénéficie d’un réseau mondial de 2 000 économistes vraisemblablement favorables à une réflexion sur les propositions émises. On trouve parmi ceux-ci, bon nombre de chercheurs et professeurs qui enseignent dans les universités américaines de l’Ivy League (Harvard, Yale, Columbia, Cornell…) ou à Stanford, Berkeley, au MIT et dans d’autres écoles prestigieuses mais aussi plusieurs centaines d’économistes travaillant dans des institutions internationales telles que l’ONU, l’OMC, la Banque Mondiale, le FMI, le Forum Economique Mondial ou l’OIT. Le salaire minimum mondial pourrait marquer le début d’une riche réflexion économique si elle est en outre éthique et philosophique. Cela pourrait constituer un point de convergence entre l’OMC attachée à la politique de libre-échange mais plus que jamais consciente de ses effets pervers depuis que les appels à un changement de paradigme se multiplient et l’ONU en quête de solutions capables de ralentir les ravages exercés à l’encontre de la planète et de réduire les inégalités.
Francis JOURNOT International Convention for a Global Minimum Wage
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Rapport environnemental de l’ONU : réponse au Secrétaire général Antonio Guterres
Le Figaro/Tribune par Francis Journot, publiée le 31 octobre 2018 - Le dernier rapport environnemental de l’ONU recommande aux gouvernements de modifier leurs modèles économiques et vous tirez la sonnette d’alarme "Si nous ne changeons pas d'orientation d'ici 2020, nous risquons des conséquences désastreuses pour les humains et les systèmes naturels qui nous soutiennent". Mais il convient cependant d’être réalistes. Les chefs d’Etats souhaitent davantage de croissance, les entreprises n’aiment pas les contraintes et les consommateurs changent peu leurs habitudes. Depuis la première COP co-organisée par l’ONU à Genève en 1979 jusqu’aux accords de Paris en 2015, les politiques menées en faveur de l’environnement s’avèrent inefficientes.
Certes, le principe pollueur-payeur apparu dès 1972 peut sembler fondé mais l’écologie punitive qui recommande systématiquement une taxation ne saurait constituer une politique environnementale pertinente et ne peut que diviser les nations d’autant que son application est inégale est désordonnée. L’accélération de la dégradation environnementale est l’une des conséquences de la dérégulation du commerce mondial et des échanges prônée par des organisations internationales qui promettent maintenant l’apocalypse. Il nous faut sortir de l’impasse idéologique. Apres 23 COP Il est temps de tirer des conclusions et d’adopter un autre regard. Seule une politique juste pourrait être comprise. Dans un contexte de mondialisation, les solutions doivent être parfois globales.
"L’économie du low-cost favorise le consumérisme et constitue une anomalie écologique, économique et humanitaire"
Pour renouer avec une consommation plus qualitative et durable, Il nous faut donc intervenir en amont sur les mécaniques économiques qui génèrent cette situation. Les réglages opérés pourraient permettre d’initier naturellement et en souplesse un nouveau modèle économique. L’une de nos nombreuses tâches consisterait à trouver des points d’équilibre entre les différents impératifs.
Nous devrions alors déterminer le niveau de salaire minimum mondial le plus approprié pour chacune des 5 à 7 catégories qui regrouperaient l’ensemble des pays concernés avec parfois une progression différée. Le montant fixé qui ne concernerait les premières années que les travailleurs produisant des biens et services destinés à l'exportation vers les Etats-Unis et l'UE, devrait être suffisamment élevé pour réduire la pauvreté sans pour autant provoquer des désordres économiques. Un niveau raisonnable permettrait d’influer progressivement sur la culture du jetable. Ce travail, bien que nous ayons déjà effectué des estimations, nécessiterait plusieurs centaines d’études complètes et de consultations spécifiques à chaque pays. Il serait complexe et considérable mais indispensable car de nature à sécuriser le changement de paradigme et à garantir aux Etats et aux entreprises mais aussi aux consommateurs, une transition progressive dans les meilleures conditions. Tous les paramètres économiques et sociaux importants devraient être pris en compte et les divers scénarios objectivement envisagés. Une grande part des analyses et le travail préparatoire seraient effectués au sein d’une structure dédiée installée en Europe et aux USA. A partir d’une méthodologie commune, des études et projections économiques seraient réalisées par des départements de recherche économique d’universités qui souhaiteraient s’associer à ce projet historique. Afin que nos travaux soient achevés en moins de deux ans, nous pourrions également avoir recours à plusieurs cabinets internationaux spécialisés et des associations reconnues d’économistes. Par ailleurs, dès l’application des premières mesures, un observatoire interne analyserait les évolutions.
Subséquemment, à la lumière d’une nouvelle lecture économique et philosophique, d’autres solutions complémentaires et comparables à celle du salaire minimum mondial, se dessineraient. Notre monde pourrait ainsi se transformer progressivement et positivement. Nous consommerions probablement moins mais mieux. Une production artisanale ou locale pourrait à terme, plus souvent concurrencer des produits industriels moins durables et des dizaines de millions de familles pourraient en vivre. La question de la surpopulation trouverait des réponses car le salaire minimum mondial favoriserait l’éducation des enfants, l’émancipation de femmes et ainsi une réduction des taux de natalité.
On peut regretter que l’OIT n’ait jamais réussi en un siècle à instaurer un salaire minimum mondial qui aurait certainement modéré la surconsommation et le saccage de l’environnement lors de la multiplication des traités de libre-échange et de la suppression de quotas d’importation. Aussi, depuis 5 ans, nombreux sont ceux qui, à travers le monde, suivent l’évolution du projet International Convention for a Global Minimum Wage. Des universitaires américains ont manifesté leur intérêt dès les premières publications. Aujourd’hui notre réseau compte déjà plus d’un millier d’économistes, chercheurs et professeurs en économie qui enseignent majoritairement dans des universités prestigieuses des USA et semblent pour la plupart favorables au projet ou au moins, à une réflexion sur nos propositions.
Le programme n’obéit à aucun dogme et pourrait fédérer. Il répond aux problématiques exprimées par l’ONU ou formulées à Davos par les patrons des plus grandes entreprises qui s’inquiétaient en 2018 pour la deuxième année consécutive des possibles conséquences de la "fracture mondiale" et de "la montée des inégalités“ mais aussi à des conclusions du rapport publié par la NASA en 2014 qui soulignait le risque de voir notre civilisation industrielle disparaitre si nous ne combattons pas "L'exploitation non durable des ressources et la répartition de plus en plus inégale des richesses". Notre projet pourrait constituer aujourd’hui l’une des rares, voire l’unique proposition économique globale, pragmatique et structurante, susceptible de réduire à terme, à la fois les dégâts environnementaux et des inégalités.
Francis JOURNOT - International Convention for a Global Minimum Wage
Trop d'aides sociales... ou pas assez d'emplois ?
FIGARO ECONOMIE Par Francis Journot Publié le 14/06/2018
Le Figaro/Tribune - Francis Journot répond au discours de politique sociale d'Emmanuel Macron. Selon lui, si la dépense sociale pèse tant, c'est que la France manque cruellement d'emplois. Il juge qu'une politique industrielle ambitieuse serait plus efficace qu'une baisse des aides sociales.
Mais qu'est-ce qu'Emmanuel Macron et son gouvernement, leurs prédécesseurs ou les énarques qui gèrent la France depuis plusieurs décennies, n'ont pas compris en matière économique? Lorsque le nombre de cotisants et de contribuables imposables baisse, le poids de la dépense publique pèse d'autant plus sur la collectivité. Pourtant, le chef de l'État poursuit sa politique d'abandon de l'industrie menée lors du précédent quinquennat, alors qu'il était le plus proche conseiller de François Hollande à l'Élysée et ensuite Ministre de l'Économie.
Le prestigieux ministère de l'Industrie, qui fut longtemps la clé de voûte de la politique économique hexagonale, ne dispose plus d'aucun pouvoir maintenant. Qui sait mieux que les victimes de cette politique suicidaire, qu'un pays qui se désindustrialise déplore ensuite une augmentation du déficit commercial, du chômage et de la précarité, de la dépense publique et de sa dette? Dès lors, faute de production suffisante de biens de consommation, les relances keynésiennes n'ont plus aucune efficience et les marges de manœuvre sont réduites.
Emmanuel Macron incarne mieux que quiconque, et jusqu'à la caricature, la politique de pompier pyromane adoptée depuis plus de quatre décennies par nos gouvernements. Celui qui pourrait devenir le citoyen le plus coûteux pour l'argent de la République, si l'on tient compte de son parcours et de son espérance de vie, exhume maintenant à son tour le débat à propos des aides sociales et de l'assistanat. Afin de prendre toute la mesure de l'incongruité du discours, il convient d'imaginer un instant le sentiment d'injustice que peuvent ressentir des ouvriers ou cadres de 30 à 60 ans qui ont perdu leur vie sociale dans des régions parfois exsangues, entendre maintenant le chef de l'État, les ministres et les députés LREM dont beaucoup n'ont jamais été soumis à une quelconque obligation d'efficacité ou de résultats pour conserver leur emploi et toujours vécu sur le denier public, leur expliquer avec condescendance que le coût de l'inactivité est trop élevé mais que le gouvernement va «responsabiliser les gens pour qu'ils sortent de la pauvreté».
L'assistanat n'est pas un problème en soi, car toute société compte en son sein un petit pourcentage de personnes qui ont besoin plus que d'autres de recevoir un appui de la collectivité et cela pourrait s'apparenter à du keynésianisme. Si les aides sociales généraient des achats de biens de consommation produits en France, les dix milliards d'euros de RSA ne coûteraient, compte tenu d'une dynamisation induite du tissu industriel et des créations d'emplois, quasiment rien. Mais puisque nous avons opté pour une économie mondialisée, les aides dynamisent surtout les importations et nos dépenses sociales s'accroîtront irrémédiablement jusqu'à l'effondrement de notre modèle. Il nous faut à présent intégrer ce paramètre ou prendre quelques libertés avec la politique de libre-échange de l'Union européenne et réindustrialiser. À l'approche de l'élection européenne à haut risque de 2019, nous pourrions imposer, compte tenu du lourd tribut que notre industrie a déjà payé, un plan de relance tel que celui que nous avons proposé l'an passé à Bercy et à l'Élysée.
Mais Emmanuel Macron, encore ivre du pouvoir que les Français lui ont confié, semble davantage s'amuser de ses mises en scène et des effets de sa communication sur l'opinion des Français. «Les aides sociales coûtent un pognon de dingue»: ces propos émis lors de la diffusion, à minuit, sous les ors du raffiné salon vert de l'Élysée, dans un improbable teaser présidentiel, ne sont pas de très bon goût.
En effet ce discours démagogique tend à créer une confusion entre la dépense sociale d'une part, d'un montant total de 714 Mds d'euros représentant 33 % du PIB en 2016, principalement alimentée par 600 Mds de cotisations vieillesse et santé ; et d'autre part les minima sociaux dont l'emblématique RSA qui plafonne à 10 Mds d'euros par an et constitue une dépense équivalente à 0.5 % du PIB. Mais dans le pays d'Europe qui s'est le plus désindustrialisé et dont le chômage impacte à des degrés divers près de dix millions de personnes, le chiffre n'apparaît pas si disproportionné. Les postures politiciennes pointant du doigt les conséquences sont inopérantes et il convient de s'attaquer prioritairement aux causes de la pauvreté.
Francis Journot - Site Collectivité nationale
Derrière l'abstentionnisme européen,
un rejet profond de l'UE
FIGARO POLITIQUE Par Francis Journot Publié le 04/06/2018
LeFigaro/Tribune - Pour Francis Journot, l'abstention massive aux élections européennes de 2014 révèle le manque d'adhésion au projet européen, et pose sérieusement la question de la représentativité du Parlement de Strasbourg.
En mai 2019, les électeurs des 28 pays membres de l'Union européenne désigneront les 705 parlementaires chargés de les représenter. Mais on peut redouter, au regard de l'importance des divergences et crises qui secouent l'Europe, une désaffection des urnes, supérieure à celle observée lors de la consultation de 2014. 20 pays parmi les 28 membres de l'UE affichaient alors un taux d'abstention supérieur à 50 %. En France 56,5 %, en Allemagne 53 % et 55,3 % en Espagne mais aussi des taux supérieurs à 60 % dans 13 pays membres dont au Royaume Uni qui, par ailleurs, tire maintenant sa révérence. Dans 7 États le taux était supérieur à 70 % et atteignait jusqu'à 87 %. Un taux d'abstention supérieur à 50 % peut invalider une élection dans certains pays et un taux de 60 ou 70 % compromet généralement l'exercice du pouvoir, cependant, les instances européennes ne semblent guère s'inquiéter du danger démocratique que constitue le défaut de représentativité du parlement européen. Pourtant les conséquences sur la vie des ressortissants de chacun des pays qui composent l'UE sont importantes. Des mouvements politiques estiment que les parlements nationaux s'apparentent maintenant à de simples chambres d'enregistrement de lois édictées à Bruxelles et considèrent que l'économie des pays membres est de plus en plus régentée par l'UE. Dans un article publié le 23 mai dans le Figaro, la journaliste Marie Théobald expliquait que l'UE pourra désormais conclure certains accords sans l'aval des Parlements nationaux.
Alors cette élection a-t-elle encore un sens démocratique, et faut-il voir à travers cette désertion seulement un désintérêt pour des questions paraissant éloignées des préoccupations quotidiennes, ou au contraire, un vrai plébiscite contre la politique de Bruxelles? En France, le taux de participation atteignait 69,7 % lors du référendum pour le traité de Maastricht en 1992 et 69,34 % à l'occasion du traité établissant une constitution pour l'Europe (TECE) en 2005. Que l'on soutienne ou non la politique européenne et que l'on juge celle-ci responsable ou non de l'appauvrissement des populations européennes, il convient de concéder que la mondialisation à marche forcée et la désindustrialisation, la précarisation de l'emploi et la hausse perpétuelle du chômage ainsi que l'obligation d'accueil de populations extra-européennes à laquelle plusieurs pays s'opposent fermement, ont eu raison du rêve européen. Par ailleurs, bon nombre de Français et de Néerlandais (63 % d'abstention au Pays-Bas) qui ont dit non à la constitution européenne lors du référendum de 2005, boudent les urnes depuis que le texte remanié et rebaptisé Traité de Lisbonne, a été ratifié contre leur volonté.
Les taux d'abstention dans les 28 pays membres sont en moyenne 2 ou 3 fois plus élevés lors des élections européennes. On peut deviner que les inconditionnels de l'UE ou les électeurs qui bénéficient de la politique économique européenne actuelle ont conscience de l'enjeu. Ceux-ci, lorsque leur route n'a pas été déviée par quelque empêchement, ont certainement accompli pour la plupart leur devoir citoyen de bonne grâce. Il est également probable que la puissance de l'UE n'a pas non plus échappé aux électeurs les moins informés, qui néanmoins ont certainement vu les images fortes diffusées dans le monde entier, de peuples voisins croulant sous le poids de mesures d'austérité imposées par la Commission Européenne. Les victimes de la politique néolibérale de libre-échange qui nourrissent un ressentiment à l'endroit de l'Union européenne se sont sans doute peu rendues aux urnes et il est vraisemblable que celles-ci ont fourni le gros des rangs du boycott.
Aussi est-il permis de penser que l'abstention de 57,39 % des électeurs inscrits en 2014, exprimait majoritairement l'opinion d'Européens plutôt hostiles à la politique de l'UE dont de nombreux partisans d'une dissolution, parfois trop révoltés pour voter. Ont-ils déserté les urnes pour mieux signifier leur profond désaccord avec la gouvernance d'une association politico-économique dont certains parmi eux contestent la légitimité? On peut supposer que ceux-ci ne se reconnaissaient pas parmi les partis classés eurosceptiques qui ont totalisé un peu plus de 36 % des suffrages exprimés. Les plus résignés ont peut-être jugé ces divers courants politiques impuissants face au pouvoir de l'UE.
En revanche, à la veille de 2019, la question de la représentation des populations au parlement européen se pose maintenant plus que jamais.
Francis Journot Site Collectivité nationale
Environnement : un salaire minimum mondial
pourrait réussir là où les COP ont échoué
FIGARO ECONOMIE Par Francis Journot Publié le 07/02/2018
Le Figaro/Tribune - Francis Journot fait le constat de l'échec des COP, qui n'ont pas su endiguer les effets dévastateurs de la mondialisation des échanges sur le climat. Selon lui, l'instauration d'un salaire minimum mondial réduirait les dégâts environnementaux de la culture du «jetable».
L'impasse des COP
Le dérèglement climatique paraît indéniable mais, est-ce un processus cyclique naturel de réchauffement du climat contre lequel nous ne pouvons guère ou peu lutter, ou au contraire une conséquence directe de l'industrialisation depuis 200 ans, que l'écologie punitive prônée par les COP (Conferences of Parties) entend combattre? Entre idéologie et incertitudes scientifiques, chacun semble s'être déjà forgé une opinion. Bien que divisés, 154 chefs d'États souriaient devant les caméras du monde entier au cours de la 21ème conférence sur le climat, réunie en 2015 à Paris. Mais deux ans plus tard, la deuxième phase de négociation ne réunissait qu'une vingtaine d'entre eux à la COP 23 de Bonn. Les pays émergents ou en développement ne veulent pas se voir imposer des freins économiques et des chefs d'États de pays développés craignent que de nouvelles réglementations et taxes envers les entreprises et les contribuables affaiblissent leurs pays (les USA déploraient en 2016 un déficit extérieur de 478 milliards de dollars avec la Chine).
Une accumulation de taxes ne saurait constituer une politique environnementale
Peut-on sérieusement vouloir davantage de libre-échange, et en même temps affirmer lutter pour la préservation de l'environnement ? En quelques décennies, l'homme a davantage dégradé son environnement naturel qu'en deux millénaires ; et si l'on adhère au postulat formulé par les COP selon lequel le réchauffement climatique lui incombe aussi, il apparaît alors qu'une rationalisation du libre-échange serait plus efficace que l'instauration de taxes carbone et de transition énergétique. Celles-ci pèsent en aval surtout sur le budget d'automobilistes qui n'aspirent qu'à aller travailler, de foyers modestes qui consomment les produits jetables et sans cesse renouvelés que la mondialisation met dans leur panier, sur la facture d'énergie de gens qui parfois ne disposent pas d'un revenu suffisant pour se chauffer en hiver ou sur les bilans des derniers manufacturiers qui délocaliseront finalement leur production de biens de consommation dans un pays sans taxation carbone mais dont le transport augmentera les émissions de gaz toxiques.
Empiler des taxes et réglementations environnementales peu opérantes, s'épargner une réflexion économique globale et prétendre arbitrer les responsabilités ou devoirs de chacun des pays mais selon des critères propres tenant plus du dogmatisme que du pragmatisme, relève d'une incompréhension du monde cynique et s'apparente à du racket fiscal mais ne saurait permettre de façonner une vraie politique environnementale. Peut-on sérieusement vouloir davantage de libre-échange, et en même temps affirmer lutter pour la préservation de l'environnement? En février 1992, des chefs d'États européens signaient à Maastricht le traité fondateur de l'Union européenne devenue depuis, conformément à ses traités, la zone de libre-échange la plus ouverte aux importations, puis recommandaient au mois de juin de la même année au sommet de la terre de Rio une meilleure gestion de la planète. Maintenant, plus de 70 000 cargos sillonnent les mers et rejettent 1 milliard de tonnes de CO2 par an.
De même, l'OMC affirme que la protection de l'environnement figure parmi ses objectifs fondamentaux mais a supprimé les quotas d'importation textile en 2005. Depuis, cette industrie est montée sur la deuxième marche des secteurs les plus polluants, juste derrière l'industrie pétrolière. D'après un rapport publié le 28 novembre 2017 intitulé «Redesigning fashion's future», l'équivalent d'un camion poubelle chargé de textile est incinéré ou jeté chaque seconde. Le gaspillage des vêtements à peine portés avoisinerait 500 milliards de dollars par an et les 500 000 tonnes de microfibres rejetées à la mer chaque année, représenteraient l'équivalent de 50 milliards de bouteilles en plastique.
Les dernières COP réclament un financement annuel de 100 Mds de dollars, supposé permettre de mener des actions en faveur d'un ralentissement du réchauffement. Lors du One Planet Summit, le commissaire européen Valdis Dombrovskis surenchérissait: «Pour limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2 degrés, l'Europe a besoin de 180 milliards d'euros par an d'investissements supplémentaires.» Le programme qui égrène de nouvelles mesures fiscales en faveur du climat et le marché florissant des green bonds pourraient davantage évoquer auprès des contribuables une folle financiarisation, et le danger d'une «bulle verte», plutôt qu'un combat concret pour l'environnement.
L'illusion du low-cost
Le low-cost constitue une anomalie écologique, économique et humanitaire. Des populations sont paupérisées pendant que d'autres connaissent des conditions de travail proches de l'esclavage. Lorsqu'une ouvrière rémunérée quelques dizaines d'euros, assemble plusieurs centaines ou milliers de vêtements, le coût de revient varie souvent entre un euro pour un tee-shirt et quelques euros pour d'autres vêtements ou un peu plus selon le positionnement marketing de l'enseigne ou de la marque. Mais la surexploitation ou l'absence de respect des normes exigent ensuite un assainissement des rivières, une reforestation, la réintroduction d'espèces, mais aussi des soins pour des travailleurs malades.
Associer le précepte «consommer moins mais mieux» à un mécanisme économique
Le défi qui consiste aujourd'hui à ralentir le tourbillon de la surconsommation peut être relevé en agissant sur les modes de consommation et de production. Certes, nous devons réapprendre à consommer mais on peut craindre que la recommandation «consommer moins mais mieux» ne suffise guère. Les consommateurs n'ont pas toujours le choix et doivent le plus souvent se contenter d'une offre low-cost obsolescente et jetable imposée par les marques et les grandes enseignes. C'est surtout en amont que nous pourrons recréer des équilibres. Aussi nous faut-il concevoir les mécanismes économiques qui, à terme, produiront l'effet recherché.
Avant la délocalisation massive de l'industrie manufacturière des biens de consommation, les coefficients multiplicateurs appliqués au prix de revient étaient à peu près semblables chez l'ensemble des commerçants de chaque profession. Compte tenu d'un salaire minimum et traditionnellement, d'une bonne qualité de confection, le prix de vente final correspondait généralement à la valeur réelle du bien et la consommation était régulée. Aujourd'hui, le prix de vente est déterminé selon le prix psychologique du marché (le montant que le consommateur est prêt à débourser). Il n'est plus rare de payer un article 10 ou 20 fois son prix de revient sorti d'usine. Certes, les taxes douanières participaient auparavant à une modération de la production mondiale et il faut admettre qu'il se révélerait difficile de restaurer la transparence et l'équilibre antérieurs dans le contexte actuel de libre-échange dérégulé. Il serait cependant possible d'œuvrer dans ce sens en guidant les entreprises vers une revalorisation des produits qui ferait ensuite considérablement diminuer les gaspillages et la surconsommation.
Quand le coût de la main d'œuvre est très bas, les industriels sont moins attentifs à la qualité de conception et de fabrication d'articles, qui, subséquemment, sont peu durables mais trouvent néanmoins le plus souvent acquéreur ou sont détruits. Un salaire minimum mondial encouragerait une diminution de la production de produits jetables. Celui-ci devrait être spécifique à l'exportation et des pays seraient regroupés par catégories salariales. Les chefs d'États de pays émergents en percevraient la dimension humaine et philosophique mais aussi économique. Les avantages et bénéfices d'un salaire décent, source de nouvelles recettes fiscales et de développement financé par une plus forte contribution des donneurs d'ordres, pourraient les convaincre. La simplification de l'engagement et de la mise en œuvre dans les pays respectifs faciliterait une application globale et rapidement opérationnelle. À terme, le salaire minimum mondial générerait un effet macroéconomique positif sur le niveau de vie de populations entières. Cependant, compte tenu d'une part salariale toujours mineure, le nouveau salaire n'affecterait que modérément le prix acquitté par le consommateur.
La convention internationale pour un salaire minimum mondial par groupes de pays et spécifique à l'exportation
La convention internationale pour un salaire minimum mondial que l'on aurait pu aussi baptiser convention internationale pour la dignité humaine et la préservation de la planète, s'affranchirait des traités internationaux de commerce et de libre-échange, en vertu d'un principe de légitimité et de hiérarchie des priorités.Organisée sous l'égide des deux grands marchés de consommateurs (USA et UE), elle serait, afin d'en privilégier l'efficacité, indépendante des organismes existants (pour exemple, la gestion calamiteuse de la convention de 1928 pendant 90 ans par l'OIT peut faire douter de l'utilité d'un partenariat). Au terme des accords signés, la convention deviendrait une entité permanente veillant à leur application. Aujourd'hui, des États ferment les yeux sur les conditions de travail en pensant servir l'intérêt national mais ces salaires indécents maintiennent surtout des populations entières dans la misère, et des pays entiers dans le sous-développement.
Il conviendrait donc de lier l'exportation vers les USA et l'UE à l'engagement des chefs d'États, au cours de la Convention internationale pour un salaire minimum, de légiférer ensuite dans leurs pays respectifs, en faveur d'un salaire minimum mondial rémunérant les ouvriers et employés qui produisent des biens et services à destination de ces deux grands marchés de consommateurs. Chaque gouvernement devrait désormais s'enquérir du respect des nouveaux droits dans les entreprises nationales sous-traitantes et étrangères installées sur son territoire. Les salariés lésés pourraient solliciter l'organisme international dédié et des pénalités précéderaient une remise en question des importations en provenance du pays.
Le salaire minimum mondial pourrait ne concerner au début que 2 à 3 filières manufacturières parmi celles dont la production et le transport comptent parmi les plus polluants. De même, l'augmentation des salaires s'étalerait sur 2 voire 3 années afin que les changements s'effectuent sereinement. Une réflexion à propos d'un salaire minimum agricole concernant les produits non transformés aurait aussi lieu. Celle-ci prendrait en compte le différentiel de marge plus réduit du secteur. Le nouveau salaire agricole (à condition qu'il ne soit guère inférieur au salaire minimum déjà en vigueur dans le pays) pourrait donc se situer plus ou moins à mi-chemin entre le salaire médian et le salaire minimum manufacturier réservé à l'exportation de la même catégorie. Le salaire agricole pourrait aussi englober des activités d'extraction minière. Les économies et salaires sont parfois interdépendants et il serait donc indispensable de veiller à ne pas accentuer des désordres économiques. Pour exemple: une augmentation de 30 % du salaire de l'ouvrier manufacturier chinois travaillant pour l'exportation garantirait mieux le maintien des emplois également revalorisés, occupés chez les sous-traitants de plus en plus nombreux sur tous les continents.
Un faible risque d'inflation et de déstabilisation des économies
Les hausses de taux d'inflation dans les pays émergents ou en développement pourraient se révéler mesurées car l'augmentation ne concernerait pas les travailleurs œuvrant pour la production locale et n'affecterait donc que peu les prix locaux. Néanmoins, la progression sociale et économique s'étendrait au fil des années, naturellement et plus ou moins progressivement, selon la structure de chaque pays. Le risque de voir leurs industries déménager ailleurs se pose peu. Les donneurs d'ordres ne partiraient pas précipitamment du Bangladesh, de l'Éthiopie ou du Vietnam d'autant que les coûts salariaux ne seraient pas inférieurs ailleurs. Il est aussi peu probable que les industries de main-d'œuvre retournent soudain dans des pays qui ont perdu leurs savoir-faire et leurs capacités productives.
Le salaire minimum ne ferait pas grimper inconsidérément les prix dans les enseignes occidentales car ceux-ci doivent tenir compte de la capacité d'achat des clients et d'une concurrence féroce. Dans le domaine de l'habillement, plus de 40 % des vêtements sont vendus soldés ou en promotion. Seraient principalement impactés le rythme hebdomadaire des collections «fast fashion», les campagnes publicitaires récurrentes ainsi que le nombre et la surface des magasins pharaoniques installés sur les avenues les plus prestigieuses. Le salaire minimum appliqué à une part de la population active d'un pays constitue un concept sans précédent et il n'existe pas d'exemple spécifique. Alors citons l'augmentation historique du salaire minimum français, décidée lors des accords de Grenelle en 1968. Celui-ci effectuait un bond de 35 %, le revenu minimum agricole progressait de 55 % et d'autres salariés voyaient au cours des mois ou des années suivantes leur rémunération croître de 100 % ou davantage, mais le taux d'inflation restait relativement stable jusqu'au choc pétrolier d'octobre 1973. Si l'on examine le cas plus récent de la Chine, bien que nous devions aussi tenir compte des dumpings, on observe que la multiplication du salaire moyen par 300 % en moins de dix ans, n'a pas généré une flambée des prix des produits exportés et vendus dans les rayons des grandes enseignes.
Francis JOURNOT - http://www.international-convention-for-minimum-wage.org
FIGARO SOCIETE Par Francis Journot Publié le 21/11/2017
Le Figaro/Tribune - Francis Journot dénonce l'esclavage de plusieurs dizaines de millions de femmes et d'hommes rémunérés quelques dizaines ou un peu plus d'une centaine d'euros par mois. Il défend un salaire minimum mondial, qui initierait une transition vers un changement de paradigme.
Dérégulation des échanges et déséquilibres économiques, surproduction et destruction de l’environnement, conditions de travail proches de l’esclavage et immigration, chômage et précarisation dans les pays développés : La mondialisation heureuse et la cohésion européenne sont restées à l’état de slogan. Le 17 novembre 2017, lors du sommet social européen de Göteborg, le président français Emmanuel Macron a exhumé le thème du salaire minimum européen sans toutefois intégrer les paramètres inhérents à une économie mondialisée. Pourtant, l’instauration d’un salaire minimum européen pourrait passer par celle, conjointe, d’un salaire minimum mondial. Le salaire spécifique aux exportations est une option qui devrait être maintenant envisagée.
Comment créer un salaire minimum européen ?
Le projet de salaire minimum européen unique ou selon le revenu médian de chaque pays n’a jamais abouti lorsque l’UE ne comptait que 15 membres et 25 ans après Maastricht, on peut douter d’une éventuelle adhésion des 28 pays. Un salaire que les états pourraient difficilement assumer dans leurs administrations ou que les entreprises produisant pour la population locale ne pourraient guère payer à leurs salariés, n’a bien évidemment aucune chance de voir le jour, même en deux étapes, zone euro puis UE, ainsi que le préconise le président de la commission européenne Jean Claude Juncker. De plus, une augmentation unilatérale des salaires européens désindustrialiserait et appauvrirait un peu plus une Union européenne qui déplore un déficit extérieur de 170 milliards de dollars avec la Chine, comparable à celui des USA qui dépassait 478 milliards de dollars en 2016 avec ce même pays. Au sein des pays de l’UE, seule l’Allemagne tire son épingle du jeu. Celle-ci remporte le jackpot avec un excèdent mondial record de 293 milliards de dollars dont 257 avec la Chine. La première économie de l’UE profite à la fois d’un yen et d'un yuan sous-évalués qui lui permet d’importer des pièces à bas prix mais aussi d’une main d’œuvre de sous-traitants des pays voisins dont les salaires comptent parmi les plus modestes d’Europe.
Les pays européens aux plus bas salaires de l’UE ne renonceront pas à leur avantage compétitif à moins que l’augmentation n’affecte guère leurs économies respectives. Mais pour cela, il serait alors indispensable que l’ensemble des autres pays à bas coûts augmente également les salaires en concurrence soit ceux des ouvriers et employés produisant des biens et services ensuite exportés vers les grands marchés de consommateurs.
Convention internationale pour un salaire minimum spécifique à l’exportation
Il conviendrait donc de soumettre l’exportation vers les deux grands marchés de consommateurs, à l’engagement des chefs d’états, au cours d’une convention internationale pour un salaire minimum, de légiférer ensuite dans leurs pays respectifs, en faveur d’un salaire minimum mondial rémunérant les ouvriers et employés qui produisent des biens et services destinés aux USA et à l’UE.
Son montant qui pourrait se situer entre 250 et 350 € les premières années, serait déterminé au terme d’un vote de la convention. Certes une part des salaires manufacturiers chinois se situe déjà dans cette fourchette mais les ouvriers travaillant chez les sous-traitants de plus en plus nombreux en Asie, en Afrique ou en Europe (hors pays de l’UE) en profiteraient. Ambitieux pour les uns, trop modeste pour d’autres, ce pas constituerait néanmoins un indéniable progrès social pour plusieurs dizaines de millions de femmes et d’hommes rémunérés quelques dizaines ou un peu plus d’une centaine d’euros par mois pour travailler parfois dans des conditions proches de l’esclavage.
De même la création au sein de l’UE d’un salaire minimum européen qui pourrait avoisiner 600 €, accélérerait la réalisation de l’Europe sociale souhaitée par Bruxelles mais qui jusque-là a échoué. La hausse salariale satisferait les ouvriers des 10 pays de l’UE dont le salaire minimum est proche ou inférieur à 400 € sans pour autant menacer les économies des états. En effet, il est peu probable que les industries de main d’œuvre maintenant délocalisées dans des pays à plus bas coûts reviennent instantanément dans des pays qui ont perdu leurs savoir-faire et leurs capacités productives.
Pour exemple, la fabrication d’articles textiles bas ou moyen de gamme ne coûterait le plus souvent que quelques centimes ou dizaines de centimes d’euro en plus. En revanche l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés de l’industrie et des services exportés s’étendrait mécaniquement à l’ensemble des populations des pays concernés et pourrait générer des marchés à plus forte valeur ajoutée parfois plus locaux et respectueux de l’environnement.
Apres l’échec de toutes les conférences sur le climat, il faut changer de stratégie
Lorsqu’une ouvrière rémunérée mensuellement 30 ou 100 €, assemble plusieurs centaines ou milliers de vêtements chaque mois, on considère souvent que le coût de fabrication est insignifiant mais il n’en va pas de même pour l’impact sur l’environnement car le textile est la deuxième cause de pollution derrière l’industrie pétrolière. En instituant un salaire minimum, le vêtement abandonnera progressivement son statut de produit jetable.
Un salaire de 300 € ne ferait pas obligatoirement grimper les prix dans les grandes enseignes. Ceux-ci sont généralement fixés en fonction du pouvoir d’achat des pays consommateurs et de leur concurrence. Seraient principalement impactés, le rythme hebdomadaire des collections «fast fashion», les budgets publicitaires, la surface des magasins pharaoniques installés sur les avenues les plus prestigieuses et les marges bénéficiaires. Auparavant chaque article avait un coût de fabrication qui valorisait le produit. Désormais, H&M brule chaque année, selon des journalistes danois, 12 tonnes de vêtements.
Le modèle de libre-échange débridé qui favorise une production plus quantitative que qualitative et déplace des centaines de millions de tonnes de marchandises d'un bout à l'autre de la terre, devra être repensé. Selon Le Gardian, les 15 plus gros porte-conteneurs polluent autant que la totalité du parc automobile mondial. Aujourd’hui, près de 100 000 cargos sillonnent les mers. La conférence sur le climat qui a eu lieu à Paris en 2015 a sensibilisé le monde aux enjeux climatiques mais à l’instar des précédentes réunions, ne permettra pas de réduire la surproduction notamment chinoise. Le premier pollueur mondial avait déjà fait échouer la conférence de Copenhague en 2009 et ne cache pas son ambition de dominer l’économie mondiale avant de songer à réduire ses émissions dont le pic ne sera atteint qu’en 2030 mais jugeait la contribution climatique des pays développés fixée à 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, très insuffisante. Un marché de dupes ne fait jamais longtemps illusion et l’échec semble une fois de plus, inévitable.
Certes, le salaire minimum mondial ne résoudrait pas toutes les problématiques. Néanmoins, il initierait une transition vers un indispensable changement de paradigme. Consommer moins mais mieux pourrait en constituer l’un des objectifs.
Nous avons demandé ce mois-ci à un groupement spécialisé d’avocats réputés de la Côte Est des Etats-Unis de transmettre notre proposition de convention internationale pour un salaire minimum mondial au gouvernement américain. Le président Donald Trump pourrait permettre l’aboutissement de ce projet qui représenterait un important progrès social et environnemental pour l’humanité mais le voudra-t-il ?
Francis JOURNOT
International convention for minimum wage.org
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Lettre au Président de la République
pour enfin réduire le chômage de masse
FIGARO ECONOMIE Par Francis Journot Publié le 05/09/2017
Le Figaro/Tribune - La réduction du chômage ne se fera ni grâce à la Loi Travail, ni grâce aux nouvelles technologies( «industrie de demain»). Pour Francis Journot, le retour au plein-emploi doit se faire par la réindustrialisation de la France, et estime que plusieurs conditions sont réunies pour y arriver.
Face à la mondialisation, les missions de réflexion et les actions gouvernementales n’ont pas permis de juguler la désindustrialisation et le chômage de masse en France. Il nous faut désormais explorer de nouvelles voies plus adaptées, ambitieuses et innovantes, tout en renouant avec des fondamentaux de l’économie pour enfin mettre en œuvre une vraie stratégie industrielle française. C’est pourquoi je vous propose, après plusieurs années de recherche, le projet baptisé Collectivité nationale. Apres le Brexit et à l’approche des élections européennes de 2019, les instances de Bruxelles pourraient se montrer conciliantes. Ainsi, nous connaîtrions une hausse significative de l’activité et de l’emploi, une augmentation des recettes de l’Etat et une diminution des déficits.
L’impasse économique de la France
Confrontées au dumping des pays à bas coûts, les industries manufacturières hier pourvoyeuses de nombreux emplois, continuent de disparaitre. Le déficit du commerce extérieur ne cesse d’augmenter depuis le début des années 2000 et bat un nouveau record. Il atteint 60 Mds dont 48.4 Mds pour l’industrie manufacturière. Aujourd’hui notre consommation enrichit surtout des concurrents économiques dont la Chine qui fait son marché parmi nos fleurons nationaux ou ce qu’il reste de notre industrie manufacturière. La théorie de la «destruction créatrice» de l’économiste Joseph Schumpeter, ne s’est hélas guère vérifiée en France. Il est peu certain que la création de quelques startups, suffise à pallier l’hécatombe industrielle et la disparition de plusieurs millions d’emplois. Désormais, le poids de l’impôt et des cotisations est grandissant et repose sur un nombre de plus en plus restreint de salariés et d’entreprises qui subséquemment, sont de moins en moins compétitives. Le coût du chômage, des minimas sociaux et des dépenses connexes affecte l’économie. Les déficits et la dette augmentent sans cesse.
Le projet «Collectivité nationale»
Aussi pour briser ce cercle vicieux et tenter de rééquilibrer l’économie française, il nous faut d’abord rompre avec le postulat dichotomique d’industrie d’hier et de demain. En effet, la santé économique de la France et ses indicateurs dont la balance commerciale, ne font guère la distinction. Nous devons produire une part plus importante des biens et services que nous consommons et le défi consiste à penser un modèle économique permettant une diminution importante de leurs coûts de production et de commercialisation.
Afin de réorganiser l’industrie, il convient de bâtir une structure économique investie de missions d’intérêt public dont certaines s’apparenteraient à celles anciennement dévolues au ministère de l’Industrie ou à la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR).
Outil de la collectivité rompu aux ingénieries industrielles et financières, acteur industriel dynamique et investisseur avisé doté d’une vision panoramique, l’entité économique dédiée, s’attèlerait à la difficile tâche de création ou de renforcement de filières industrielles.
Aux côtés des organes de financement de l’économie, les 7 pôles de développement de filières et le pôle financier favoriseraient en toute cohérence, la création et le développement d’entreprises industrielles, artisanales et jeunes pousses innovantes en synergies. Filières textile-habillement et cuir, luxe. Filières du bois et meubles, habitat, électroménager. Filières loisirs, sports, jouets. Filières environnement et développement durable, énergie. Filières produits chimiques, pharmacie, parapharmacie, cosmétologie. Filières robotique, machines-outils, équipements, transports. Filières numérique, logiciels et applications, télécommunications, informatique, IA ainsi que nouveaux GAFAM.
Les entreprises partenaires mais indépendantes, profiteraient de mécanismes de péréquation, d’une mutualisation des moyens et d’une pondération des coûts : modèle de gestion adapté, intranet, moyens de production partagés pour une modularisation et des économies d'échelle, R&D, formation, outils de logistique, de commercialisation et de distribution en France et dans le monde etc. Pour exemple, le salaire d’un ouvrier manufacturier chinois rivalise maintenant avec celui de certains européens. La société chinoise TPV qui a repris en 2012 l’activité téléviseurs de la marque Philips produit ces derniers en Pologne. Les solutions proposées permettraient de compenser le coût de production supérieur de 30 à 50 % en France d’un téléviseur ou de nombreux autres produits.
Le groupe devrait donc se doter d’un socle financier solide et croissant, renforçant ainsi ses capacités d’intervention en faveur d’entreprises externes, dans des métiers certes parfois gourmands en main d’œuvre et moins profitables mais non moins vitaux en termes de réduction de chômage, des déficits et de rééquilibrage de la balance commerciale. Un chiffre d’affaire interne annuel de 15 à 25 Mds d’euros après quelques années, apparait indispensable. Il serait principalement réalisé dans des secteurs à haute valeur ajoutée de l’industrie, finance et services. Des activités relèveraient quelquefois de la dépense publique. Outre la coordination financière de l’ensemble, pourraient figurer parmi les fonctions du pôle financier, des activités assurantielles et bancaires avec la création ou la reprise d’une compagnie d’assurances, d’une banque et d’un fonds d’investissement. La structure aurait vocation à se développer rapidement pour atteindre en moins d’une décennie, une taille financière critique de 150 à 200 Mds, qui lui permettrait de corriger au mieux des déséquilibres économiques ou monétaires.
Le rôle ou l’esprit du projet Collectivité nationale pourrait rappeler à certains égards mais avec un statut différent, celui de la Caisse d’amortissement des dettes créée en 1800, devenue ensuite Caisse de dépôts et consignations (CDC). La dépense annuelle d’investissement de l’Etat dans le dispositif (dotations, subventions, prêts etc.) que l’on doit considérer comme un investissement générateur de croissance, avoisinerait 10 Mds d’euros, aujourd’hui empruntables à taux quasiment nul. Le groupe serait régi par le droit privé et sa création, financée sur fonds propres. Mais surtout abondé en fonds publics, il aurait légitimement vocation à devenir à terme, propriété de la collectivité nationale sans devenir pour autant une entreprise publique ou d’Etat dont le type d’administration pèserait, au détriment de la réactivité, sur les processus de décision. Néanmoins, celle-ci détiendrait, après l’inscription de son statut dans la constitution et conformément à ses prérogatives en tant que personne morale de droit public, un droit de regard qui devrait garantir durablement, quel que soient les futures influences politiques ou tentations, la pérennité de l’édifice.
Un allègement de 50 % sur les cotisations des emplois de production
Les derniers plans ponctuels comme le plan de relance de 2009, le grand emprunt ou le CICE ont déjà couté près de 150 Mds aux contribuables mais n’ont pas produit les résultats escomptés. Selon les rapports de la Cour des Comptes, les 20 Mds d’euros consacrés en moyenne chaque année, n’auraient permis de créer ou de sauvegarder au gré des ans et plans, que quelques dizaines de milliers d’emplois et parfois moins de dix mille. Ces résultats ne représentent qu’une très faible proportion d’une population active de 18.5 millions de travailleurs dans le secteur marchand ou des 6.6 millions d’inscrits à Pole emploi et l’éradication du chômage nécessiterait plusieurs centaines d’années.
Ainsi que l’expérience nous l’enseigne, une baisse mal ou peu ciblée, bien qu’exorbitante, peut répondre à des aspirations mais crée peu d’emploi. Aussi il est à craindre que la conversion envisagée du CICE en abaissement général et permanent de 6 points de cotisations patronales et salariales, soit peu opérante sur l’emploi.
Pour être efficiente, une réduction du montant des cotisations doit être ciblée et lisible. Les effets d’une diminution de 50 % des cotisations salariales et patronales (dégressive à partir de 3600 euros brut) appliquée aux emplois de production en France (150 métiers des onze principaux secteurs de l'industrie manufacturière dont artisanat de production), seraient démultipliés car les postes industriels qui auraient été créés, génèreraient ensuite le plus souvent trois ou quatre fois plus d’emplois. Consubstantielle au projet Collectivité nationale, la mesure en renforcerait l’efficacité.
De nombreuses entreprises industrielles ou artisanales verraient le jour et la restauration des marges sauverait des entreprises en difficulté. Une meilleure compétitivité de l’industrie gonflerait les carnets de commandes et nous pourrions tabler sur la création ou la sauvegarde de plusieurs centaines de milliers d’emplois directs, indirects et induits chaque année. Le coût de cet allègement qui pourrait, selon les critères d’éligibilité définis, se situer en 30 et 45 Mds s’avérerait cependant nul si l’on considère les économies ensuite réalisées. La suppression du CICE d’abord judicieusement destiné à l’industrie (rapport Gallois) mais ensuite détourné de sa cible, ferait économiser 20 Mds par an. Selon les chiffres de la DARES, le montant annuel des dépenses pour l’emploi (DPE) a franchi en 2014, la barre des 100 Mds d’euros.
Le nouveau dispositif remplacerait d’autres exonérations inefficientes et la diminution du nombre d’allocataires indemnisés participerait également à une importante réduction de la facture de l’Etat. De même, de faibles cotisations convaincraient des entreprises de privilégier la formation en leur sein et d’occasionner ainsi d’autres économies dans le budget aujourd’hui mal exploité de la formation professionnelle dont le montant atteint 34 Mds. Le message simple mais fort que constituerait une baisse de 50 % des charges dans l’industrie, convaincrait des entreprises qui hésitent ou renoncent actuellement à former et à recruter. Des banques prêteraient plus facilement aux artisans et industriels. Des investisseurs seraient davantage disposés à engager des capitaux dans les entreprises locales.
Cela pourrait marquer la naissance d’un pacte national d’adhésion à un projet fédérateur de reconstruction, propice à une réconciliation avec la politique gouvernementale, auquel pourraient souscrire bon nombre de français. Jeunes ou moins jeunes en quête d’avenir professionnel, élus locaux luttant contre la désertification de leurs territoires, industriels souhaitant augmenter la part de leur production en France ou consommateurs, accueilleraient avec bienveillance un programme industriel sans équivalent depuis plusieurs décennies.
Angela Merkel prête à céder du terrain ?
Le projet initial, publié en mai et juin 2016 sur le site du Figaro, était bâti sur l’hypothèse, d’une reconstruction de l’industrie française dans un contexte de disparition de l’euro et de l’UE mais maintenant réadapté car une brèche dans le sacrosaint dogme du libre-échange prôné par l'UE, semble s’être récemment ouverte et peut-être convient-il de s’y engouffrer sans attendre.
Apres le Brexit et un scrutin français qui lui a donné des sueurs froides, Angela Merkel déclarait pendant le dernier sommet européen, probablement en accord avec les dirigeants de l’UE : Nous voulons transformer l'union européenne pour qu'elle réponde aux exigences de la mondialisation. Qu'elle remette de la prospérité aux citoyens, de l'emploi. Avec des lois nationales, si nous pouvons le faire avec des textes simples. S'il faut des règles plus larges, peut-être faut-il modifier les traités».
La France n’a plus de stratégie industrielle depuis longtemps. Elle est ainsi devenue, parmi tous les pays d’Europe, le pays qui s’est le plus désindustrialisé. Maintenant, le poids de l’industrie dans le PIB allemand est deux fois plus important que celui de la France et l’excédent commercial de l’Allemagne atteint 252 Mds d’euros. Mais Angela Merkel pourrait céder du terrain.
Avec un tel excèdent et un PIB de 3 000 Mds d’euros qui consacrent le règne sans partage de l’économie allemande sur l’Europe, la Chancelière prend conscience du risque d’isolement de son pays et de l’hostilité de partenaires européens qui jugent que l’Allemagne est impérialiste. Aussi on peut penser qu’Angela Merkel veuille atténuer l’image embarrassante de toute puissance allemande tout en continuant néanmoins, à peser de tout son poids sur la politique européenne. Elle aurait besoin pour cela, d’une France moins affaiblie pour donner l’illusion d’un couple solidaire. Aussi, elle ne s’opposerait guère, du moins pas ouvertement, à un programme français de réindustrialisation.
Certes, la chanceliere doit contenter son électorat et réclame le respect du déficit public et une reforme Hartz en France même si elle n’ignore sans doute pas que la politique de Gerhard Schröder a joué un rôle moins important dans la compétitivité allemande que le recours massif à la main d’œuvre des pays à bas coûts d’Europe ou l’importation de pièces à plus bas prix pour la fabrication de machines-outils et de véhicules haut de gamme sans concurrence réelle dont les clients aisés acceptent généralement de payer le prix, quel que soit le taux de change de l’euro.
Un calendrier propice au retour d’une stratégie industrielle française
Evidemment, nous devrions, pour parvenir à nos fins, nous autoriser quelques libertés dans l’interprétation de certains articles dont celui qui interdit les aides d’Etat susceptibles de fausser la concurrence (article 107 du TFUE). Néanmoins, certaines dispositions semblent compatibles : «Promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou remédier à une perturbation grave de l'économie d'un Etat membre » ou « Favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ». La France est la deuxième économie de l’UE et la survie de cette dernière dépend de la situation de la France, actuellement proche de l’explosion sociale. On peut donc considérer que le programme collectivité nationale constituerait un projet d’intérêt européen susceptible de répondre à ces préoccupations. Par ailleurs, ainsi que l’a déjà fait Angela Merkel, nous pourrions, hors du cadre de l’UE, installer des mesures nationales tendant à corriger des abus ou à protéger notre industrie. Le 12 juillet 2017, la chancelière faisait voter un décret permettant d'empêcher la vente d'entreprises stratégiques allemandes à des investisseurs extra-européens.
Le retour d’une stratégie industrielle française ne ferait guère l’unanimité mais avant l’élection européenne à haut risque de mai 2019, la Commission européenne pourrait se montrer accommodante. De plus, le projet de réindustrialisation créerait un grand nombre d’emplois en France mais aussi dans l’ensemble de l’espace européen car bon nombre de fabricants français, compte tenu de la disparition de fournisseurs ou de savoir-faire mais aussi pour réduire les coûts et ainsi élargir leur clientèle, doivent aujourd’hui couramment réaliser une part des opérations dans d’autres pays de l’UE.
Cependant, quel que soit la position de l’UE, la finalité d’une action, dans l’hypothèse d’une mise en œuvre du projet en janvier 2018, n’interviendrait pas avant trois années soit au plus tôt 2021 ou trois ans après les élections de mai 2019. Bruxelles ne pourrait pas alors exiger le démantèlement de la structure au service de la collectivité et l’abandon d’une stratégie industrielle qui aurait généré après 3 ans ou 5 ans, un ou deux millions d’emplois directs, indirects et induits. Entre temps l’euro et l’UE auraient peut-être déjà succombé à leurs crises mais nous aurions ainsi gagné un, deux ou trois ans de reconstruction de l’industrie et de baisse du chômage.
Monsieur Macron, ni la loi travail, même si certains de ses aspects sont pertinents, ni l’antienne idéologique de l’industrie de demain, martelée depuis plusieurs décennies, ne permettront de résoudre les problématiques économiques françaises. La désindustrialisation n’est pas une fatalité et le modèle économique «Collectivité nationale» démontre que nous avons le choix. Une politique d’austérité affaiblirait notre pays mais une nouvelle stratégie industrielle non parcellaire, pragmatique et volontaire permettrait d’enrayer le chômage de masse et le déclin de la France.
Francis Journot Site Collectivité nationale
FIGARO ECONOMIE Par Francis Journot Publié le 07/07/2017
Le Figaro/Tribune - Pour Francis Journot, le nouveau pouvoir en place n'a pas de véritable ambition industrielle et « l'élection d'Emmanuel Macron peut faire craindre le pire » pour l'industrie française.
Le sens de l'État et de l'intérêt général semble de moins en moins peser dans les choix politiques. Notre pays est depuis quatre décennies, progressivement privé de ses prérogatives et dépossédé d'intérêts stratégiques mais l'élection d'Emmanuel Macron peut faire craindre le pire.
Une absence de vision et d’ambition industrielle
Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’est peu exprimé à propos de stratégie industrielle. Aussi faut-il se référer à la période durant laquelle il occupait successivement les postes de Secrétaire général adjoint à l’Elysée et de ministre de l’Economie et de l’Industrie. Mandaté par le gouvernement, le cabinet américain McKinsey élaborait 34 plans industriels. Le programme mutait ensuite vers 10 solutions de la nouvelle France industrielle, puis l’Usine du Futur et enfin l’industrie du Futur que des start-up pourraient générer. Néanmoins, on peut penser que ces plans industriels sans lendemain, faiblement financés mais annoncés à grand renfort médiatique, étaient surtout destinés à entretenir l’illusion d’une volonté industrielle.
Les dirigeants n’ont probablement pas attendu les recommandations de l’ancien inspecteur des Finances pour envisager de moderniser leurs usines mais en suggérant un manque d’anticipation des entreprises, la responsabilité gouvernementale en matière de désindustrialisation était ainsi atténuée. Il n’est pas certain que l’homme pressé ait réellement appréhendé la complexité et le temps long du développement industriel ou les conséquences de la disparition de géants technologiques parfois centenaires.
Dans une tribune publiée en septembre 2011 dans "Marianne", nous interrogions, " Le PS veut-il vraiment réindustrialiser la France ? ". Mais au lendemain de l’élection de François Hollande, le profil des plus proches conseillers dont celui du poulain de Jacques Attali, ne nous permettait plus d’espérer raisonnablement une politique de réindustrialisation même si la nomination d’Arnaud Montebourg au ministère de l’Economie, pouvait donner le change. On observe dans le nouveau gouvernement, l’absence de ministère ou de secrétariat d’Etat dédié à l’industrie et on peut subodorer que cette dernière sera souvent oubliée.
Industries du futur contre industries d’hier ?
Le pragmatisme doit primer et Il ne semble guère pertinent d’opposer une industrie du futur certes plus compétitive mais qui ne crée que peu d’emploi, à des activités susceptibles de procurer du travail à une abondante main d’œuvre souvent peu diplômée et peu qualifiée dont le nombre croissant et le ressentiment de plus en plus difficile à contenir, aggraveront les désordres économiques. Il convient de chercher un équilibre dans un marché du travail devenant bipolaire.
La dédaigneuse et récurrente assertion selon laquelle nous devrions considérer les industries manufacturières des biens de consommation comme dépassées, est significative d’une volonté manifeste de condamner celles-ci à la disparition. Dès le début des années soixante-dix, le discours politique conseillait un abandon de la production de nos biens de consommation aux pays émergents et promettait déjà une nouvelle France industrielle. Puis la politique industrielle préconisée au début des années 2000 par le PDG d’Alcatel Serge Tchuruk faisait également école. Le dirigeant du numéro un mondial de la fibre optique et géant des télécom avec 130 sites industriels et 150 000 salariés, avait déclaré "Alcatel doit devenir une entreprise sans usine". 30 usines et 58 000 salariés étaient rescapés du naufrage industriel.
D’autres groupes industriels choisissaient aussi de confier leur production à des sous-traitants de pays à bas coûts au lieu de continuer à investir dans leurs usines. La France compte maintenant cinq fois moins de robots industriels que l’Allemagne et deux fois moins que l’Italie. Certes, les PME et ETI de l’industrie souhaitent rénover leurs installations mais les banques rechignent à financer des investissements lourds de sous-traitants qui ne peuvent garantir que les donneurs d’ordres rempliront les carnets de commandes. En 2008, les Etats généraux de l’industrie ont exclu des secteurs entiers de l’industrie manufacturière des biens de consommation dont les métiers disparaissent désormais, faute de financements publics et privés.
L’idéologie a remplacé la stratégie industrielle et la politique adoptée ne s’appuie guère sur un fondement économique sérieux. L’économie d’un pays qui ne produit plus repose sur des sables mouvants. Le secteur des services n’échappe pas non plus aux délocalisations et les startups créées ne comblent guère le déficit de croissance et d’emploi. En témoignent maintenant, le déséquilibre de notre balance commerciale, le poids croissant de l’impôt et de cotisations pesant sur un nombre de plus en plus restreint de salariés et d’entreprises qui subséquemment, sont de moins en moins compétitives, le coût d’un chômage qui plombe toute l’économie puis l’augmentation des déficits et de la dette. Le dogme du libre-échange dérégulé, invoque souvent un manque de compétitivité cependant pas toujours avéré et occulte les coûts cachés.
Il serait pourtant tout à fait possible, en usant des mécanismes de mutualisation et de péréquation que nous préconisons, de produire à nouveau en France, une part plus importante de nos biens de consommation.
Pour juguler l’hémorragie, il faut d’abord une volonté politique
Une volonté politique de protéger les entreprises françaises existantes de l’assaut de fonds prédateurs ou de groupes hostiles, est indispensable. Certes, depuis le traité de Maastricht, les restrictions relatives aux mouvements de capitaux entre états membres ou pays tiers sont interdites mais nous pourrions pourtant dans certains cas, parvenir à protéger nos entreprises ainsi qu’Arnaud Montebourg avait tenté de le faire avec le décret de mai 2014 protégeant les intérêts stratégiques.
Autre exemple, le démantèlement de l’empire Taittinger depuis son acquisition en 2005 par le fonds d’investissement américain Starwood. La famille Taittinger avait été contrainte à la vente de ses biens pour s’acquitter de l’ISF. Elle avait finalement empoché 428 millions d’euros avant impôts mais la vente par appartement aura rapporté 7 à 8 fois plus à Starwood. La cristallerie Baccarat créée sous Louis XV qui est passée sous pavillon chinois moins de trois semaines après l’investiture d’Emmanuel Macron, pourrait symboliser la politique gouvernementale passée et à venir. La vente du célèbre cristallier au fonds chinois Fortune fountain capital (FFC) clôture la liste qui comprenait déjà la marque de champagne éponyme et les parfums Annick Goutal mais aussi les palaces Le Martinez, Le Crillon, Le Palais de la Méditerranée, les cinq étoiles Concorde, l’Hôtel du Louvres et Le Lutetia, vendus pour la plupart à des investisseurs Qataris. Les 1120 hôtels du groupe Louvres Hôtels (enseignes Première Classe, Kyriad, Campanile, Tulip in, Golden et Royal) ont été cédés en mars 2015 au fonds chinois Jin Jiang, propriété de la municipalité de Shanghai, avec la bénédiction des ministres Laurent Fabius et Emmanuel Macron. Encouragé par ce succès, le fonds de Shanghai veut maintenant mettre la main sur le premier groupe hôtelier français Accor qui compte 4 100 hôtels et 240 000 collaborateurs.
Les industries high-tech ne sont pas davantage à l’abri de la vente ou de la délocalisation de leur activité. Lors de son passage à Bercy, Emmanuel Macron a également favorisé la vente du stratégique pôle énergie du fleuron industriel Alstom (65 000 salariés) à l’américain General Electric (GE), celle du leader mondial des télécoms et réseaux Alcatel-Lucent (62 000 salariés) au norvégien Nokia et la fusion du spécialiste de l’ingénierie pétrolière et gazière Technip (37 500 salariés) avec le texan FMC et le déménagement du siège à Londres.
Ces fautes stratégiques majeures apparaissent d’autant plus incompréhensibles que nous évoluons dans un climat de guerre économique mondiale particulièrement prédatrice envers l’industrie française et que nous avons déjà subi la perte de nombreux poids lourds de l’économie.
Plan d’austérité, blocage du pays puis braderie des biens de l’Etat, l’histoire pourrait se répéter
Le président Macron a promis à la chancelière Merkel de rester en dessous du plafond de 3 % de déficit budgétaire et d’appliquer les mesures d’austérité conformes aux grandes orientations de politique européenne (GOPE). Mais l’histoire se répétera-elle ? Le premier ministre Edouard Philippe sera-t-il bientôt confronté à des difficultés semblables à celles rencontrées par son mentor politique Alain Juppé, autrefois premier ministre sous la présidence de Jacques Chirac ?
En septembre 1995, le chef du gouvernement s’engageait auprès de Bruxelles à ramener en 2 ans le déficit public à 3 % du PIB mais en décembre près de 2 millions de français descendaient dans la rue pour protester contre son plan d’austérité. Afin de respecter la limite de déficit imposée par le traité de Maastricht, Il vendait des entreprises industrielles pour renflouer les caisses. Mais la privatisation du joyau Pechiney (aluminium) ne rapportait que 3,8 Mds de francs à l’État. Usinor-Sacilor n’était vendu que 10 Mds alors que le développement et les sauvetages successifs de la sidérurgie avaient couté plus de 100 Mds de francs aux contribuables français. Puis la première compagnie maritime française (CGM) était cédée pour seulement 20 millions après que l’Etat ait injecté 1,2 Md. Alain Juppé tentait en vain, la même année, de vendre au Sud-Coréen Daewoo, pour 1 franc symbolique, le fleuron technologique national Thomson après une recapitalisation de l’Etat à hauteur de 11 Mds de francs.
Gestion budgétaire à la petite semaine
La dette publique de la France s’élève à 2 200 Mds auxquels il faut rajouter les engagements hors bilan de l’Etat dont le montant dépasse 3 000 Mds d’euros. Selon une communication de la Cour des comptes au Sénat, fin 2012 un engagement de 1679 Mds concernait les pensions de retraite des fonctionnaires, personnels des armées et agents de la poste et 1 400 Mds relevaient de garanties financières à destination d’acteurs économiques. Par ailleurs, le paiement des intérêts de la dette (charge de la dette) qui avoisine 50 Mds d’euros depuis quelques années, constitue souvent le premier ou deuxième poste de dépenses de l’État. Lorsque l’on ajoute un remboursement annuel moyen de capital de 100 Mds, les annuités (service de la dette) atteignent 150 Mds d’euros soit l’équivalent de la totalité de la dotation annuelle de l’éducation, défense, santé, emploi, justice, etc.
La vente de participations de l’Etat dans les entreprises, ne désendetterait pas notre pays de façon significative, n’assurerait guère la sauvegarde de notre modèle social et ne nous exonérait pas non plus de l’austérité. Seul un changement de paradigme économique incluant une relance massive de la production de biens en France, nous permettrait de renouer avec une vraie croissance susceptible de faire reculer le chômage, le déficit public et la dette.
Mais le rythme des cessions de biens publics ne ralentit pas. La loi Macron d’aout 2015 a permis la privatisation de plusieurs aéroports. Ainsi l’Etat français a cédé au consortium chinois Casil, 49.9 % du capital de l’aéroport Toulouse - Blagnac (ATB) pour un montant de 308 millions d’euros. Désormais, conformément au pacte d’actionnaires, le conglomérat chinois contrôle le quatrième aéroport régional français dont il est maintenant accusé d’en piller les réserves et de préparer l’éviction des autres actionnaires. La privatisation des aéroports de Lyon et Nice a rapporté 1.76 Md d’euros et l’Etat a encore récolté 738 millions d’euros lors de la vente de 9.5 % des parts des Aéroports de Paris (ADP) puis à la fin de l’an dernier, Bercy avait même envisagé la cession de la moitié des 51 % encore détenus.
Après la dilapidation d’une part importante de notre patrimoine au cours des dernières années, on peut redouter que l’ancien banquier d’affaires ne vende au gré des sollicitations de la Commission européenne et à tour de bras, d’autres biens de la collectivité dont une majeure partie des 100 Mds d’euros de participations de l’état dans des entreprises parfois stratégiques, toujours plus d’immobilier, notre réserve d’or et peut être à l’instar de la Grèce, des ports maritimes, des forêts ou des sites culturels et historiques.
Francis Journot tient le site Collectivité nationale.
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FIGARO POLITIQUE Par Francis Journot Publié le 28/03/2017
Le Figaro/Tribune - La présence de la France dans l'Europe et la zone euro est un des enjeux de la présidentielle. Pour Francis Journot, une sortie de l'euro bien maîtrisée serait loin d'être la catastrophe prédite.
Marine Le Pen propose une renégociation des traités et en cas d’impossibilité, un référendum sur la sortie de la France. Cette voie inquiète une part des français mais anticipée ou subie, la fin de de l’euro et de l’UE semble désormais inévitable. Ce débat vital parviendra-t-il à s’imposer dans la campagne présidentielle ?
L’impuissance d’un pouvoir politique dépendant de Bruxelles
Le pouvoir politique ne dispose que de peu de marges de manœuvre économiques et certaines propositions émises par des prétendants à la magistrature suprême, sont incompatibles avec les traités européens.
A défaut de pouvoir proposer une politique industrielle ambitieuse et efficiente, des prétendants à l’élection présidentielle en sont réduits à une surenchère de mesures d’économies s’apparentant davantage à un exercice comptable conforme aux attentes de Bruxelles qu’a un projet présidentiel transcendant et fédérateur.
L’antienne de la renégociation des traités européens resurgit lors de chaque élection présidentielle et la plupart des candidats promettent qu’ils feront fléchir la Commission européenne. Mais on peut douter que celle-ci accepte de modifier sa politique de libre-échange et les règles qui régissent l’UE. On n’imagine pas non plus que les 26 autres pays consentent à participer à une renégociation qui irait souvent à l’encontre de leurs intérêts respectifs.
La cicatrice des traités européens
En 2005, les français ont dit non au traité établissant une constitution européenne (TCE) mais leur refus a ensuite été foulé aux pieds. D’abord en 2007 avec la ratification par voie parlementaire du Traité de Lisbonne, puis du Traité budgétaire européen (TSCG) en 2012. A la suite de notre sondage relatif au mode d’adoption du Traité, réalisé par l'institut OpinionWay et publié dans le journal Les Echos, nous avions alors déclaré : « en l’absence de référendum, la ratification par le parlement serait acquise mais ce passage en force pourrait laisser des cicatrices. Le reste du quinquennat et les prochaines élections pourraient s’en trouver très affectés.»
Finalement, Nicolas Sarkozy a été battu deux fois, François Hollande n’a pu se représenter et on ne peut exclure un même rejet à l’encontre de leurs protégés François Fillon et Emmanuel Macron. Bon nombre d’électeurs jugent les traités illégitimes et se sentent trahis. Cela participe à une abstention qui règne désormais sur les scrutins. La blessure démocratique ne pourrait se refermer qu’après un nouveau référendum mais depuis le scrutin de 2005, les partisans d’un maintien redoutent une consultation et un plébiscite pour le désengagement de la France.
Un Frexit ne ferait qu’avancer la fin de l’euro et de l’UE
Le scénario selon lequel un Frexit isolerait la France est peu plausible. Après le Brexit, la sortie de la deuxième économie condamnerait très certainement l’euro et l’UE à la disparition. D’autre part, si l’on observe la récurrence et la gravité des crises monétaires et politiques qui secouent l’Europe et le monde, la faillite de l’euro et la dislocation de l’union européenne au cours du prochain quinquennat, apparaissent à présent inéluctables.
La BCE ne pourra pas maintenir continuellement la zone euro sous perfusion. Aussi la préparation de notre pays à un changement de paradigme mondial (développement du protectionnisme, remise en question du modèle néolibéral) et à la transition monétaire après l’écroulement de l’édifice européen, est urgente et protégerait mieux l’argent des français mais aussi l’avenir des entreprises. Certes, les marchés financiers et les multinationales ont depuis longtemps intégré les futurs paramètres et anticipé toutes les conséquences mais les partis de gouvernement ne semblent guère avoir pris la mesure du risque. Ceux-ci préfèrent ostraciser le sujet crucial de l’Europe en le taxant de populisme.
A la croisée des chemins
En 2012 le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz prévenait déjà « les premiers qui quitteront l'euro s'en sortiront le mieux » et pointait du doigt la politique européenne « les responsables européens sous la pression d'un consensus financier douteux, sont en train de mener leurs pays au chaos, et la monnaie unique à une disparition presque inévitable.»
Alors on peut au choix, attendre et subir ou décider de notre destin ainsi que notre mouvement le suggérait également en 2015 dans un article publié dans le magazine Marianne intitulé « Il faut sortir de l’euro et de l'UE avant un défaut de paiement »
La France est parmi tous les pays d'Europe, celui qui s'est le plus désindustrialisé mais hors de la contrainte des traités de fonctionnement de l’UE, l’industrie manufacturière pourrait désormais bénéficier de plans de relance sectoriels ciblés et efficaces.
Dans un projet publié en mai et juin 2016 sur le site du Figaro nous proposions la création d’une organisation hors du champ politique qui favoriserait le financement d’entreprises industrielles et artisanales en synergie, mutualiserait des moyens et pondérerait les coûts grâce aux mécanismes de péréquation de ses pôles de développement de filières industrielles.
Une politique ambitieuse permettrait à la France de retrouver en moins d’une génération, un niveau de réindustrialisation et d’activité susceptible de recréer plusieurs millions d’emplois. La fin de l’euro et de l’UE, si toutefois elle était maitrisée, ne devrait pas nous inquiéter. Compte tenu d’une démographie plus dynamique que celle de l’Allemagne, d’atouts plus importants que les autres pays européens, on peut penser que la France, qui par ailleurs n’a jamais fait faillite au cours des deux derniers siècles, pourrait redevenir après quelques années, la première économie d’Europe et auprès des investisseurs, la plus sûre.
Francis Journot tient le site Collectivité nationale. Il est membre du mouvement Rendez-nous notre industrie et de l’association Vêtements made in France
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FIGARO ECONOMIE Par Francis Journot Publié le 28/10/2016
Le Figaro/Tribune - Le gouvernement allemand vient de s'opposer au rachat d'une entreprise technologique par des Chinois. Pour Francis Journot, il est urgent que la France se pose cette question alors qu'elle est un objet privilégié des investissements de Pékin.
Le modèle économique d'une France sans usines qui en revanche bénéficierait d'un tourisme dopé par les classes moyennes des pays émergents, semble avoir pris du plomb dans l'aile. Le pavillon chinois pourrait bientôt flotter sur les fleurons français du tourisme et des loisirs!
Hôtels Sofitel, Novotel, Mercure, Ibis… bientôt chinois?
En mars 2015, le groupe hôtelier Jin Jiang, propriété de la ville de Shanghai, a déboursé 1.3 milliards pour l'achat de Louvres hôtels, deuxième groupe hôtelier européen (1120 hôtels aux enseignes Première Classe, Kyriad, Campanile, Tulip inn, Golden et Royal). Yu Minliang, président du groupe chinois, avait alors annoncé au ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, sa volonté de faire de la France la plateforme de son groupe en Europe.
Le Chinois détient depuis fin mai 2016, 15 % de la chaîne d'hôtels Accor, premier opérateur hôtelier européen et sixième au rang mondial (3 800 hôtels Ibis Hôtel, Sofitel, Mercure, Novotel, Formule 1, Pullman…). Jin Jiang est maintenant le premier actionnaire et pourrait monter à 29 % du capital.
Tout en continuant à dérouler le tapis rouge aux investissements chinois, l'État s'inquiète maintenant d'une prise de contrôle rampante d'Accor. Le groupe pourrait bientôt venir grossir le nombre d'entreprises du CAC 40 qui ont quitté le giron français depuis le début du quinquennat, noircissant ainsi un peu plus le bilan économique du gouvernement. Afin de s'opposer aux velléités de mainmise chinoise, une entrée de l'État au capital à hauteur de 10 % a été envisagée.
Bataille boursière entre groupes chinois
Après Jin Jiang, un deuxième loup pourrait pénétrer dans la bergerie. Selon le JDD, Sébastien Bazin, PDG d'Accor Hôtels, serait maintenant en contact avec le conglomérat chinois HNA group. Ce dernier pourrait entrer dans la bataille boursière et s'opposer à son concurrent chinois. Les actions du groupe français monteraient mais l'issue s'avérerait incertaine.
HNA affiche des ambitions internationales depuis plusieurs années. Outre ses autres emplettes à travers le monde, il s'était déjà offert en 2012, pour quelques dizaines de millions d'euros, 48 % d'Aigle Azur, deuxième compagnie aérienne française derrière Air France.
Puis en novembre 2015, après avoir tenté en vain d'acheter le voyagiste français Fram, devenait actionnaire à hauteur de 10 % du capital de Pierre et Vacances - Center Parcs mais s'octroyait, avec 60 % du capital, le contrôle de la coentreprise créée pour développer les activités en Chine.
Fin mai 2016, après son OPA sur GateGroup, géant suisse de la restauration à bord, le groupe chinois raflait ensuite, face au groupe toulousain Newrest, 49.9 % des parts de Servair, filiale de la restauration d'Air France.
Le leader européen des loisirs également convoité
Pour compléter le tableau des acquisitions ou participations chinoises dans le secteur du tourisme, Le groupe chinois Fosun a acheté le club Med en 2015 et convoite maintenant La compagnie des Alpes. En juin 2016, le journal Le Monde dévoilait une négociation au terme de laquelle Fosun pourrait prendre une participation de 10 à 15 % du leader européen des loisirs qui exploite onze des plus grands domaines skiables dont Tignes, Val d'Isère, Les Menuires, Méribel, les Arcs ou la plagne mais aussi des parcs de loisirs dont le Futuroscope de Poitiers, le Parc Astérix et Walibi ou les musées Grévin. Le PDG Dominique Marcel déclarait ces jours-ci au Dauphiné Libéré, être également en discussion avec d'autres partenaires.
Terminons, bien que la liste ne soit guère exhaustive, avec le fonds Kai Yuan Holdings qui a acheté l'hôtel Marriott des Champs Elysées en 2014 et l'État français qui cédait 49.99 % de l'aéroport de Toulouse - Blagnac au consortium chinois Casil Europe, pour un montant de 308 millions d'euros.
Ainsi, les dépenses des touristes chinois, même lorsqu'elles seront réalisées en France, seront souvent captées par des intérêts chinois, dans le secteur du tourisme mais aussi dans d'autres secteurs. Pour exemple, le groupe textile chinois Shandong Ruyi Technology a acquis récemment pour 1.3 md d'euros, l'entreprise d'habillement SMCP qui regroupe les trois marques françaises dites de «luxe accessible», Sandro, Maje et Claudie Pierlot (1 118 points de vente dans le monde).
Derrière les sociétés d'État, la stratégie de Pékin
Afin de pallier rapidement la baisse de croissance chinoise, le gouvernement de Pékin missionne en Europe, un nombre croissant d'entreprises chinoises. Celles-ci sont souvent des sociétés d'État (SOE) qui constituent ensemble près de 65 % du PIB chinois et représentent 70 % des investissements effectués à l'étranger. En août 2016, dans un article publié dans Marianne, Nouvelles villes chinoises en France: deux ans plus tard, où en est leur implantation? , nous attirions l'attention sur ce risque.
L'État chinois dispose de capitaux illimités et pourrait à terme, s'emparer, dans les pays occidentaux et plus particulièrement dans les pays les plus accueillants d'Europe dont la France, d'intérêts stratégiques.
Le secteur de l'énergie constitue une cible prioritaire. Le fonds souverain China Investment Corporation (CIC) avance ses pions depuis 2011 et possède maintenant une participation de 30 % dans la branche exploration-production de GDF Suez. Par ailleurs, il est à craindre que d'éventuelles complications dans la réalisation du chantier à haut risque des EPR d'Hinkley Point, mettent en péril EDF et Areva déjà au bord du gouffre. Les partenaires et actionnaires CNNC (China National Nuclear Corporation) et CGN (China General Nuclear Power Corporation, postés en embuscade au nom d'une guerre économique chinoise sans merci, tireraient très certainement profit des difficultés voire à terme, d'un démantèlement de la filière française de l'énergie. L'empressement de la Chine qui exhortait Londres à donner son feu vert devrait nous alerter. En abandonnant notre indépendance énergétique à l'État chinois, nous hypothéquerions pour longtemps notre avenir économique mais aussi notre sûreté nucléaire.
Francis JOURNOT Mouvement Collectivité Nationale
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FIGARO POLITIQUE Par Francis Journot Publié le 20/09/2016
Le Figaro/Tribune - Alors qu'un sommet européen à 27 se tenait à Bratislava, Francis Journot remarque qu'après le Brexit, de nouveaux risques pèsent sur l'avenir de l'Union européenne, comme les créances douteuses des banques italiennes.
Au regard de l’histoire, le Brexit marquera sans doute la déroute de l’Union Européenne. Barack Obama et Jean Claude Juncker se sont ingérés dans la politique britannique pour tenter de l’éviter mais leur inquiétude a trahi la fragilité de l’édifice européen et souligné le risque imminent de dislocation. Maintenant, le stade du débat à propos d’un Frexit et d’un référendum, semble dépassé. Peut-être devrions-nous dès aujourd’hui, penser la reconstruction de la France d’après.
Combien de temps l’UE parviendra-t-elle encore à survivre à ses difficultés et au rejet grandissant de ses peuples ? La rupture interviendra-t-elle avant ou au cours du prochain quinquennat ? Quels évènements seront déterminants ?
Grande Bretagne, Danemark et Pays-Bas se sont déjà opposés à une diminution de leur souveraineté ou à un élargissement de l’UE. La consultation en octobre des électeurs hongrois à propos de la politique migratoire européenne, devrait traduire une inquiétude partagée par la plupart des populations des Etats membres de l’UE. L’hexagone, jusque-là moins affecté par l’austérité que la Grèce, l’Espagne, le Portugal ou l’Italie, pourrait bientôt l’être davantage. Après les crises à répétition dont celles de l’euro et l’appauvrissement de populations entières, l’antienne d’une UE qu’il faut sauver coûte que coûte pour la changer de l’intérieur en une Europe plus humaine et sociale, moins libérale mais génératrice de croissance et d’emploi, ne convainc plus.
En France, les candidats à l’élection présidentielle issus des deux partis de gouvernement dont l’ancien sénateur socialiste Jean Luc Mélenchon ou les anciens ministres Emmanuel Macron, Bernard Hamon et Arnaud Montebourg, prétendent, comme leurs homologues Républicains ou Centristes, présenter des alternatives. Pourtant, tous jouent sur ce registre commun et leurs programmes économiques occultent la menace qui pèse sur l’euro et l’UE. On peut comprendre qu’il ne soit guère aisé de reconnaitre l’échec de la politique européenne défendue pendant plusieurs décennies mais cet autisme et l’absence de vision ou de réel projet, démobiliseront encore de nombreux électeurs.
Les instances européennes et les milieux financiers scrutent maintenant la troisième économie européenne. A l’automne, un rejet de la réforme de la constitution réclamée par Bruxelles et conduite par le premier ministre italien Matteo Renzi pourrait conduire à la démission de ce dernier. La crise politique majeure qui s’ouvrirait alors, s’ajouterait à la crise des banques transalpines qui croulent sous 360 milliards de créances douteuses et manquent de fonds propres. Bien que la Grèce en 2010, l’Irlande en 2011 et le Portugal en 2012, aient bénéficié du secours de fonds européens, la chancelière allemande s’oppose aujourd’hui à un prêt et s’appuie sur la règlementation européenne de 2014 qui impose une mise à contribution des épargnants même modestes et des actionnaires des banques, avant une aide de l’Etat. Mais la faillite de banques italiennes pourrait entrainer une récession dans le pays et déstabiliser un peu plus l’euro et l’Union Européenne. Certes, on peut présumer qu’en dernier recours, la BCE optera pour le sauvetage mais on peut aussi se demander quel jeu joue l’Allemagne.
Angela Merkel refuse que son pays soit davantage mis à contribution et ne souhaite pas une intégration financière plus poussée de la zone euro. La chancelière allemande a-t-elle déjà pris la décision, notamment en raison du Brexit, d’en finir avec l’euro et l’UE ?
Déjà, en avril 2014, (quelques mois avant son assassinat dans les bureaux de Charlie Hebdo) l’économiste Bernard Maris prévenait : « Plus de vingt ans de guerre économique ont passé, et l’industrie allemande a laminé les industries italienne et surtout française. L’Allemagne n’a plus besoin de la zone euro. Au contraire : la zone euro commence à lui coûter cher, à tel point qu’elle songe elle aussi à quitter l’euro. Il est bien évident que ni la Grèce, ni le Portugal, ni l’Espagne, ni même la France et l’Italie ne pourront jamais rembourser leur dette avec une croissance atone et une industrie dévastée. La zone euro éclatera donc à la prochaine grave crise de spéculation contre l’un des cinq pays précités. »
La première ministre britannique Theresa May a saisi le sens de l’histoire et veut tirer profit du Brexit. Celle-ci a décidé de tourner le dos à la politique Thatchérienne qui a désindustrialisé la Grande- Bretagne pendant 30 ans. Cette nouvelle volonté politique pourrait préfigurer la fin du paradigme qui prône la toute-puissance des marchés et la déréglementation des échanges, souvent symbolisé par le slogan de Margareth Thatcher, There is no alternative (TINA). Toutefois, le gouvernement anglais n’entamera pas le processus de sortie de l’UE avant le début ou la fin 2017. La sortie effective ne devrait donc se concrétiser qu’en début ou fin 2019, au terme des deux ans de négociations nécessaires. Aussi on peut penser que la Grande Bretagne parie sur d’autres crises voire l’explosion de l’UE et ne souhaite pas s’engager immédiatement dans des négociations qui se révèleraient dès lors hasardeuses ou inutiles. Par ailleurs, on observe depuis quelques années chez son cousin anglo-saxon américain et pays du libre-échange, une volonté de relocalisation de l’industrie et le rétablissement de barrières douanières. Le haro aux USA sur le TTIP nous confirme cette tendance. Aussi, peut-être assisterons-nous au cours des années à venir, à l’émergence d’une nouvelle ère économique.
L’Allemagne projette très certainement de s’extirper de l’UE, la Grande-Bretagne va en sortir et l’Italie qui pourrait bientôt entrer dans une grave récession devra repasser sous les fourches caudines de Bruxelles. Mais notre pays, pourtant déjà endetté de l’équivalent de trois ans de PIB (notre tribune dans le magazine Marianne Il faut sortir de l’euro et de l’UE avnt un défaut de paiement), s’accroche avec nostalgie à un idéal européen promis au milieu du XXème siècle par les fondateurs de la construction européenne dans l’Europe en chantier d’après-guerre dont l’environnement économique n’avait rien de comparable avec celui d’aujourd’hui.
Le déni ne saurait sauver une UE moribonde et déjà condamnée. Alors, peut-être devrions-nous aussi, afin de préparer au mieux notre avenir, en accepter la réalité. Le pragmatisme devrait primer et nous avons le devoir de définir, hors de considérations idéologiques ou politiques, un programme d’intérêt national qui pourrait être rapidement mis en œuvre, quel que soit le gouvernement qui officierait au moment de la désagrégation de l’Union Européenne. Car la France, nouvellement affranchie de la contrainte des traités européens, pourrait alors bénéficier d’extraordinaires opportunités de développement.
Un travail de réflexion entamé il y a plusieurs années, a permis l’élaboration d’un modèle économique qui profiterai à tous, citoyens et entreprises. Ce projet, soucieux des intérêts de la Collectivité nationale, si l’on considère son objet et sa nature, propose les quelques rares solutions concrètes susceptibles de permettre le moment venu, de relancer l’industrie pour à terme, vaincre le chômage de masse tout en favorisant un mode de consommation plus respectueux. Le programme résumé en dix pages a été publié sur le site du Figaro en mai et juin 2016. Il convient maintenant, en collaboration avec l’Etat, des écoles d’ingénieurs et des entreprises, de poursuivre cette étude, dont notamment, l’évaluation des potentialités des métiers des secteurs manufacturiers.
Francis JOURNOT Projet Collectivité Nationale
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FIGARO ECONOMIE Par Francis Journot Publié le 20/05/2016
Le Figaro 1/3 - Pour Francis Journot, la fin de l'UE et de l'euro est inéluctable. Celle-ci pourrait permettre, selon lui un phénomène de réindustrialisation massive de la France et une création d'emplois.
La multiplication des crises de l'euro et de l'UE peut faire présager une issue inéluctable. Une explosion de la bulle monétaire, un effondrement de la monnaie unique, la crise migratoire, un Brexit ou un Grexit pourraient sonner le glas de l'Union Européenne. Mais dans une France désormais affranchie de la contrainte des traités européens, peut-être pourrions-nous enfin réindustrialiser et ainsi entreprendre l'éradication du chômage de masse.
Une accélération de la désindustrialisation depuis 15 ans
En 2002, année de la mise en circulation de l'euro, la balance commerciale de la France présentait un solde positif de 3,5 milliards d'euros. Quatre ans après l'adhésion de la Chine à l'OMC, la fin des quotas textiles marquait l'année 2005 et notre pays accusait un déficit de 24,2 milliards. Puis le solde négatif plongeait en dessous de 74 milliards en 2011 et depuis, n'a jamais été inférieur à 45 milliards d'euros. La France enregistre, depuis le passage à l'euro, un déficit commercial dont le montant équivaut à une perte de plusieurs millions d'emplois directs, indirects et induits. Aussi, l'antienne selon laquelle l'exportation de nos produits innovants et à haute valeur ajoutée, compenserait l'importation de la production délocalisée de la plupart de nos biens de consommation, apparait aujourd'hui pour le moins spécieuse.
On peut pointer la responsabilité des deux principales formations politiques dont la communication tronquée et le jeu de rôle constant donnent le change depuis quarante années.
Le verrouillage de la démocratie, élection après élection, assure la perpétuelle réélection de personnalités politiques autour d'une alternance peu avérée et d'un même dogme du libre-échange.
La désindustrialisation massive n'est pas une fatalité. Bien qu'une majorité de français n'aient pas souhaité, lors du referendum de 2005, que la France abandonne davantage de souveraineté à l'UE, le Parlement français a cependant ratifié le Pacte budgétaire Européen (TSCG) en octobre 2012. En dérèglementant toujours plus la circulation des personnes, biens et capitaux, les traités mondiaux et européens ont institué dumpings et délocalisations. Le chômage est maintenant plus structurel que conjoncturel.
Les fermetures d'usines s'accélèrent et plus de quatre mille sites ont disparu au cours des trois derniers quinquennats, entraînant dans leur chute des pans industriels entiers et provoquant la casse de centaines de milliers d'emplois. Bon nombre de fleurons industriels dont le développement a souvent été facilité par de l'argent public, ont été bradés, avec la complaisance des gouvernements, à des fonds d'investissement et groupes étrangers qui souvent, se sont accaparés savoir-faire, marques et brevets avant d'abandonner leurs proies exsangues. Pourtant, la réussite de chacune de ces entreprises industrielles avait nécessité des décennies ou parfois plus d'un siècle de ténacité de centaines, de milliers ou de dizaines de milliers de salariés souvent fiers de leur travail, dans un monde où, à l'opposé de l'univers politique, la compétence et les résultats, conditionnent les carrières. Certes, chaque année de nouveaux projets industriels voient le jour mais les effectifs sont généralement peu nombreux. Bien que l'État participe couramment au financement de leurs dépenses de R&D, la production, même robotisée, est fréquemment programmée dans les pays à plus bas coûts.
40% de chômage dans le privé
La France est maintenant, parmi les pays d'Europe, celui qui s'est le plus désindustrialisé. En 15 ans, la population française a crû de 5 millions de personnes mais le chiffre d'un peu plus de 15 millions d'emplois dans le secteur marchand n'a guère progressé. Selon les chiffres de la DARES, le nombre de demandeurs d'emploi, toutes catégories et DOM-TOM inclus atteint 6.48 millions en mars 2016.
En décembre 2012, une enquête du quotidien Le Parisien/Aujourd'hui en France, «Le chiffre noir des chômeurs invisibles», dévoilait déjà un chiffre de 9 211 800 personnes touchées par le chômage. Ainsi, parmi une population active de 28.6 millions de personnes en 2013, comptant 5.5 millions d'individus travaillant dans le secteur public mais dont 900 000 sont non titulaires, la probabilité moyenne pour les 24 millions de personnes en emploi ou non et contractuels du public, d'être à des degrés divers, impactés par le chômage, atteignait 38 % et dépasserait maintenant 40 %.
Compétitivité, la quadrature du cercle?
L'équilibre financier des régimes de protection sociale dépend du taux d'emploi et des cotisations.
Mais la désindustrialisation et le départ à la retraite de générations de travailleurs peu souvent remplacés dans le secteur privé, font peser le financement de notre modèle social sur un nombre de cotisants de plus en plus restreint.
Le ratio cotisants/retraités qui atteignait 4.4 au début des années soixante, était, selon la Caisse Nationale d'assurance Vieillesse inférieur à 1.3 en 2013. Le régime général comptait 17,72 millions actifs dont 2.43 millions de travailleurs précaires pour 13,5 millions retraités.
Il est à craindre que l'afflux, selon l'INSEE, de 8 millions de baby-boomers vers la retraite, depuis 2010 et jusqu'à 2020, déstabilise un peu plus les comptes sociaux car souvent leurs anciens postes disparaissent. Aussi, l'effet mécanique que François Hollande escomptait lorsqu'il a promis l'inversion de la courbe du chômage, ne se produit pas.
La Sécurité Sociale (branches maladie, vieillesse, familles, accidents du travail) déplore un déficit moyen de 10 milliards d'euros par an et cumule une dette de 230 Mds. L'assurance chômage UNEDIC enregistrait l'an dernier, un budget en déséquilibre de 4.4 Mds et les régimes de retraite complémentaire ARRCO-ARGIC accusaient en 2015, un déficit supérieur à 3 Mds qui pourrait atteindre entre 8.4 et 11.2 Mds d'euros en 2020. Par ailleurs, le coût des retraites de la fonction publique, financé aux trois-quarts par l'impôt, bien que ne représentant que 15 % des retraites servies aux français, s'est élevé à 75 Mds en 2015. L'Etat devra encore creuser la dette pour honorer son engagement de versement des pensions de fonctionnaires qui s'élève à 1 300 Mds soit l'équivalent des 2/3 de la dette publique de 2110 Mds.
Alors, afin de corriger les déficits de l'État et des régimes de protection sociale, les impôts et cotisations des employeurs et salariés augmentent. Les entreprises sont de moins en moins compétitives, les salariés ont moins de pouvoir d'achat, l'activité est de plus en plus délocalisée etc... Aussi, nous faudra-t-il, afin de nous extraire de ce cercle vicieux, donner le jour, en une génération, à plusieurs millions d'emplois cotisants supplémentaires. Mais seule une relance massive de l'industrie manufacturière des biens de consommation nous permettrait de l'envisager.
A supposer qu'un gouvernement ait, au delà du discours, la volonté de réindustrialiser, il ne lui serait guère aisé de convaincre les 27 autres pays membres, d'accepter une renégociation des traités qui irait à l'encontre de leurs intérêts. Aussi nous devrons-nous certainement attendre la faillite de plus en plus vraisemblable de l'euro puis de l'Union Européenne ou décider notre sortie unilatérale, qui subséquemment, entrainerait la fin de la monnaie unique et de l'UE.
Francis Journot Projet Collectivité Nationale
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Après la fin de l'euro : une vraie politique industrielle française ?
FIGARO ECONOMIE Par Francis Journot Publié le 27/05/2016
Le Figaro 2/3 - Pour Francis Journot, la fin de l'UE et de l'euro est inéluctable. Cette semaine, la deuxième partie de son analyse traite des solutions à apporter en matière de fiscalité et de leur impact sur l'industrie française.
Jusqu'à 50 % de baisse des cotisations salariales et patronales
En 2014, selon les données de l'INSEE, la France ne comptait dans le secteur privé, que 15 298 000 salariés en CDI parmi une population en âge de travailler de 44 millions de personnes. Si l'on parvenait à faire reposer le financement de la protection sociale sur 19 voire 20 millions de cotisants non précaires à temps plein et 4 millions d'indépendants au lieu de 3 aujourd'hui, soit un apport de cotisations annuelles et contributions sociales supplémentaires de 130 à 150 Mds, et à affecter de nouvelles ressources financières aux régimes, une baisse significative des cotisations s'avérerait possible.
Si l'on admet que le niveau de charges patronales et salariales est aujourd'hui trop élevé et peut constituer un frein à la création d'emploi et par conséquent, à l'augmentation du nombre de cotisants qui seraient nécessaires à l'équilibre des comptes sociaux et publics, il apparait essentiel de baisser auparavant les cotisations des entreprises. Mais les diminutions de charges dispensées lors de plans ponctuels sont rarement financées et nécessitent le plus souvent des emprunts qui augmentent la dette. De plus, elles se révèlent peu efficaces.
Fréquemment, des petites entreprises fragiles cessent leur activité quand elles n'en bénéficient plus. Les plus grandes entreprises invoquent souvent un manque de compétitivité qui ne se vérifie pas dans tous les cas si l'on tient compte des gains de productivité induits par la robotisation ou des coûts cachés de la délocalisation. La pression administrative, fiscale, syndicale, le risque de communautarisme et la crainte de voir leur image écornée lors de conflits, motivent certainement tout autant les décisions de délocalisation de production.
De même, les subventions ne semblent pas toujours dissuader les dirigeants et actionnaires des entreprises sous contrôle étranger qui emploient 2 millions de personnes et représentent maintenant le quart des ETI et le tiers des grandes entreprises, de renoncer à des délocalisations souvent programmées depuis l'acquisition. Mais escomptons qu'une baisse conséquente et durable convainque des dirigeants de relocaliser des emplois industriels.
Dans leur livre L'horreur fiscale (Fayard), les journalistes économiques Irène Inchauspé (L'Opinion) et Sylvie Hattemer (Challenges) mettent en évidence la nécessité d'une baisse de 50 % des charges afin de créer un choc de compétitivité qui diminuerait les risques de récession et d'augmentation du chômage. Elles préconisent la mise en place d'un impôt national de solidarité de 2.2 % annuel sur le patrimoine immobilier net d'endettement afin de dégager 200 Mds pendant 5 années. Bien que l'analyse soit pertinente et que la mesure présente l'avantage de ne pas endetter l'État, il est à craindre que les français concernés ne plébiscitent guère une taxation de 11 % de leur patrimoine immobilier.
Des personnalités politiques ont parfois mentionné la piste d'une hausse de la TVA. Mais pour démonstration, le financement d'une baisse de charges de 50 % représenterait, compte tenu d'une recette de 140 milliards en 2015, une augmentation de 28 points! De même, la recette des impôts sur le revenu (IR) et sur les sociétés (IS), n'excède pas 100 Mds et on ne peut guère la multiplier par trois pour payer la baisse. On ne peut davantage, envisager de s'endetter de 200 milliards supplémentaires chaque année. Notre pays ne dispose actuellement que de peu de marge de manœuvre.
Si l'on considère que les réductions de charges, temporaires et désordonnées, n'ont jamais permis de réduire le chômage de masse mais qu'un plan potentiellement efficace qui coûterait 200 milliards par an serait impossible à financer, il faudrait nous résoudre à appliquer des baisses sectorielles et une taxe sur l'ensemble des biens importés, que nous nommerons taxe compensatrice. Cela semble l'unique moyen de procurer les fonds nécessaires.
Afin qu'une baisse de 50 % du montant des cotisations soit efficiente, il serait indispensable qu'elle encourage d'abord la création d'emplois dans les 150 métiers des onze principaux secteurs de l'industrie manufacturière qui incluent également l'artisanat de production car chaque poste créé génèrerait à terme, d'autres emplois, indirects et induits. Pour juguler la désindustrialisation qui touche la plupart des secteurs manufacturiers, la baisse devrait aussi s'appliquer aux postes de production déjà existants.
La diminution de charges concernerait également le domaine agricole mais s'adresserait surtout aux fermes à taille humaine. Peut-être serait-il pertinent de faire bénéficier les entreprises qui s'installeraient dans des territoires en voie de dépeuplement, pour toute embauche effectuée en zone de revitalisation rurale (ZRR), d'une même réduction des cotisations ne se limitant pas à un an d'exonération comme actuellement ou aux entreprises employant moins de 50 personnes. L'impact sur l'emploi local serait important. Cette mesure favoriserait ainsi un désengorgement de l'habitat dans les plus grandes villes et un recul du mal-logement.
Sur la base d'un SMIC de 35 heures, un abattement de 50 % soit 6 000 €/an (ou son équivalent dans la nouvelle monnaie) sur 12 000 €/an environ de charges salariales, patronales et contributions CSG et RDS ferait économiser chaque mois à l'entreprise, un peu plus de 300 € et un salarié verrait son revenu mensuel net augmenter de 200 €. Ainsi, des emplois seraient pérennisés et des métiers parfois jugés moins attractifs, revalorisés.
Un SMIC de 35 ou 39 h qui approcherait 1350 ou 1550 € net, creuserait l'écart avec les minimas sociaux. L'abaissement de 50 % ne concernerait que les salaires inférieurs à 3 600 brut mensuel. Au-delà, des abattements de 40 et 30 % sembleraient plus appropriés. Le coût annuel du dispositif qui pourrait avoisiner 40 à 45 Mds, serait entièrement financé par la taxe compensatrice. Certes, son montant de perception diminuerait ensuite au rythme de la réindustrialisation mais le volume de cotisations sociales ou de recettes autrement perçues par les organismes ou par l'État, augmenterait. Au rythme du redressement de notre économie, Il nous faudrait aussi réorienter des aides alors devenues inutiles et une part des nouvelles rentrées fiscales vers d'indispensables réductions de 10 puis 20 voire 25 % en cas de plein emploi, des cotisations patronales et salariales des emplois ne bénéficiant pas de l'abattement de 50 %.
Une première baisse de 10 % du niveau de cotisations pourrait coûter 35 Mds par an mais la plupart des TPE, PME, ETI et salariés consacreraient ces sommes à d'autres dépenses qui généreraient d'autres emplois, d'autres recettes pour l'Etat etc... Par ailleurs, l'augmentation du nombre de cotisants, pourrait, bien que la durée de vie des français s'allonge, mieux garantir le niveau des pensions et maintenir un âge décent de départ à la retraite.
Néanmoins, les baisses sectorielles et la création de taxes de nature à gêner le libre-échange, sont actuellement proscrites par les traités européens. Si nous passions outre, la Commission Européenne devrait alors choisir entre la modification des traités ou le risque de s'engager dans un bras de fer qui précipiterait la fin de l'UE.
Il serait également indispensable que les parlementaires adhérent à un consensus autour de la reconstruction et renoncent au jeu politicien de l'obstruction ou à la saisine d'un Conseil Constitutionnel dépassé qui parfois retoque alors même qu'il en va de l'intérêt général.
Une taxe indolore
Face aux dumpings, la taxe compensatrice contribuerait au rééquilibrage des échanges commerciaux et atténuerait la concurrence envers l'industrie manufacturière que nous tenterions de reconstruire. Elle rapporterait 8 % d'un montant déclaré des importations de 480/500 Mds. Les régimes de protection sociale seraient ainsi abondés de 40 Mds et 8 Mds de TVA provisionneraient les caisses du Trésor Public. Mais peut-être serait-il envisageable, si toutefois les moyens de la Douane étaient renforcés, d'augmenter de 10 ou 15 Mds, le chiffre annuel de 69 Mds de recettes douanières. En effet, au niveau mondial, 98 % des containers ne seraient pas même scannés et si l'on en croit un rapport OCDE/EUIPO le volume de contrefaçons importées en France atteindrait 12 %.
La contribution financière des importations à l'assainissement de nos comptes sociaux après la destruction de la plus grande part de notre industrie manufacturière, pourrait constituer un juste retour.
L'OMC ne pourrait objectivement nier notre préjudice, la concurrence déloyale et les dumpings. La France serait à cet égard, parfaitement fondée à réclamer des amendes. Les droits de douane (DdD) français comptent parmi les plus faibles. Aussi, il serait peu probable qu'un pays comme la Chine qui a exporté l'an dernier 44 Mds d'euros de marchandises vers notre pays mais dont les droits de douane sont plus élevés, s'engage dans une surenchère. Mais dans l'hypothèse de l'instauration, par rétorsion, d'une taxe équivalente dans certains pays, des charges réduites de 50 % annihileraient l'effet négatif.
De même, il est peu certain que nous devions craindre que nos concurrents économiques renoncent à l'achat de Rafales, d'Airbus ou de centrales nucléaires avant le transfert de nos technologies, que les populations les plus aisées à travers le monde, se privent d'arborer les attributs du luxe français et de voyager en France ou que des pièces indispensables à des industries étrangères soient boycottées.
L'excèdent commercial de l'Allemagne avec notre pays dépasse 34 Mds. Le recours à la main-d'œuvre sous-payée des pays de l'Est et un modèle économique adaptée à un euro fort, lui ont permis de tailler des croupières aux industries françaises, italiennes ou espagnoles tout en reprochant aux Etats, l'augmentation de leurs déficits. La fête finie, notre voisine d'outre-Rhin devrait se résigner à accepter de nouvelles règles.
Les articles importés, fabriqués le plus souvent dans des pays à bas coûts, présentent une faible valeur déclarée en douane. Aussi une taxe moyenne de 8 % ne constituerait, compte tenu de marges élevées, qu'une part mineure des prix de détail, qui ne se traduirait pour les consommateurs, que par une augmentation moyenne effective ne dépassant pas 2.5 ou 3 % du montant des achats de produits importés et moindre sur leur budget total. Il nous faudrait veiller à protéger les français à faible pouvoir d'achat, avec un niveau de taxation modéré sur certaines catégories de biens. Il serait nécessaire que la taxe compensatrice n'impacte guère les matières premières indispensables à notre industrie ou faiblement, si l'on prend l'exemple des blocs dans le secteur de l'automobile.
Un montant qui varierait de 0 à 20 % rétablirait peu à peu un équilibre mais n'aurait pas d'incidence brutale sur les prix de détail. Pour exemple, un vêtement en provenance d'Asie dont la valeur déclarée est de 5 euros à laquelle s'ajoute transport dont assurance et 6.5 % de droit de douane arrive aujourd'hui à 6 € HT. Avec une taxe compensatrice de 20 %, l'importateur acquitterait un peu plus de 7 € HT. Proche de 1 €, celle-ci ne représenterait qu'un faible pourcentage d'un prix de détail se situant entre 25 à 100 €.
Une taxation d'un montant semblable sur certains produits agricoles, associée à la diminution des cotisations sociales, pourrait réduire la distorsion de concurrence avec l'Allemagne ou d'autres pays usant de dumping social.
Des remises accordées par les constructeurs automobiles contrebalanceraient certainement une taxe de 5 % mais cette dernière financerait une baisse des coûts de production des équipementiers ou constructeurs et favoriseraient donc une relocalisation de cette industrie. La compétition est âpre et les enseignes ne répercuteraient pas systématiquement la contribution. Depuis la délocalisation de leur production dans les pays à bas coûts, les enseignes et les marques ne fixent plus leurs prix en fonction de leurs coûts de fabrication devenus fréquemment dérisoires mais raisonnent en termes de pouvoir d'achat des clients de chaque pays sur leur positionnement marketing.
Mais ce modèle de libre-échange qui favorise le dérèglement climatique en déplaçant des centaines de millions de tonnes de marchandises d'un bout à l'autre de la terre, devra peu à peu être abandonné au profit d'une production plus locale. Selon un article du journal britannique The Gardian, publié en 2009, les 15 plus gros porte-conteneurs polluent autant que la totalité du parc automobile mondial. La pollution engendrée par les 90 000 cargos qui sillonnent les mers, causerait 60 000 décès chaque année et couterait 330 Mds de dollars en frais de santé. Par ailleurs, peut-on prétendre se préoccuper du climat (COP21) tout en prônant toujours plus de libre échange et de consumérisme (TAFTA et CETA).
Préparer la reconstruction de notre industrie
La France pourrait à tout moment, se trouver dos au mur. Dans une tribune publiée dans Marianne et titrée «Il faut sortir de l'Euro et de l'UE avant un défaut de paiement», j'indiquais que lorsque l'on ajoute les 4 000 milliards d'euros d'engagements hors bilan (retraites des fonctionnaires, personnel des armées et agents des postes ainsi que garanties financières) au chiffre de la dette publique de 2 000 milliards, l'endettement de l'État dépassent 6 000 Mds. Ce montant équivaut à plus de vingt années de recettes fiscales (278.9 Mds en 2015) et 300 % du PIB annuel.
Aussi, à l'initiative de l'Allemagne et sous les injonctions de la troïka (BCE, CE et FMI) qui entendent nous faire respecter notre engagement de limite du déficit public, nous pourrions bientôt connaitre une curée proche de celles qu'ont subi d'autres pays. La vente d'aéroports ou d'autres biens stratégiques, la hausse de la fiscalité et des propositions de lois tendant à dérèglementer le droit du travail, semblent en indiquer les prémices. Par ailleurs, l'éventualité d'une sortie de la Grande-Bretagne de l'Union Européenne, le «non» néerlandais à l'accord d'association de l'Ukraine avec l'UE interprété comme un rejet de l'UE, la crise financière grecque non résolue et aggravée par l'afflux de migrants, la bulle financière qui menace d'exploser ou les fermetures de frontières remettent l'existence de l'UE en question.
En présence d'un risque ou de l'inéluctabilité de plus en plus évoquée d'une disparition de l'euro et d'un éclatement de l'Europe, peut-être devrions-nous déjà nous préparer à peser sur l'instauration d'une vraie politique industrielle française, jusque-là impossible à mettre en œuvre sans une violation des traités de fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Quelques mesures économiques, aussi ambitieuses soient-elles, ne suffiraient évidemment pas.
La création d'une taxe sur les importations et une baisse des charges, constituent des préalables fondamentaux mais il nous faut réfléchir à la reconstruction de l'industrie manufacturière après la fin de l'UE. Un nécessaire programme industriel pourrait s'articuler autour de plusieurs pôles de développement de filières industrielles (PDFI).
Francis Journot projet Collectivité Nationale
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Après l'"euroxit", le renouveau de l'industrie française ?
FIGARO ECONOMIE Par Francis Journot Publié le 27/06/2016
Le Figaro 3/3 - Pour Francis Journot, la fin de l'UE et de l'euro est inéluctable. Cette semaine, la troisième partie de son analyse traite des solutions à apporter en matière de réindustrialisation de la France.
Un programme et un modèle économique visant à rétablir des équilibres
Le financement de l'industrie nécessite généralement l'apport financier d'actionnaires, qui, en retour, exigent le plus souvent un rendement ne pouvant être obtenu qu'en délocalisant la production. La complémentarité des grandes entreprises potentiellement créatrices d'emplois avec la collectivité qui leur offre infrastructures et subventions, est de moins en moins effective, d'autant que nombre d'entre-elles pratiquent l'optimisation ou l'évasion fiscale pour échapper à un impôt français sur les sociétés (IS) dont le taux facial de 38 % est le plus élevé d'Europe. Pourtant en 2015, sa recette, certes plombée par les crédits d'impôts du CICE, atteignait au cours du premier trimestre, à peine 6 milliards. Puisque notre pays ne parvient pas à endiguer la fuite des sièges sociaux et capitaux et que les taux de marge souvent faibles des plus petites entreprises ne compensent guère le manque à percevoir, il conviendrait, pour accroître cette recette, d'abaisser notre IS à un niveau comparable à celui de l'Irlande dont le taux de 12.5 % séduit bon nombre d'entreprises et lui permet d'afficher la plus forte croissance d'Europe et une importante diminution de son chômage.
Pour réindustrialiser, il nous faudrait initier un modèle d'entreprise tendant à restaurer des équilibres.
Nous devrions d'abord penser une structure qui jetterait les bases de la reconstruction de filières industrielles et fédérerait des entreprises autour du projet. Il serait tout à fait possible de produire à nouveau en France une part importante de nos biens de consommation, en développant des synergies entre les entreprises et en adaptant les modèles de gestion: intranet, mutualisation des moyens de production (modularisation et économies d'échelle pour pondérer les coûts), mais aussi des outils de logistique, de commercialisation et de distribution.
Un groupe constitué à cet effet, acteur industriel mais aussi outil de la collectivité et initiateur de pôles de développement de filières, doté d'une vision panoramique de l'industrie, pourrait œuvrer à l'implantation de nouveaux écosystèmes et favoriser la création d'entreprises souhaitant s'inscrire dans les synergies pressenties. Le programme pourrait nécessiter chaque année, un financement de 10 Mds d'euros. La structure, dont les membres seraient rompus aux ingénieries industrielles et commerciales, pallierait des insuffisances d'un ministère de l'Industrie, spectateur impuissant de notre déclin dont l'ancien et peu inspiré ministre, a eu recours au cabinet anglo-saxon McKinsey, pour définir 34 plans industriels pour la France, réduits plus tard à 10 solutions par son successeur.
Le pilotage des projets issus de plans gouvernementaux est le plus souvent confié a de grandes entreprises qui voient ainsi leurs budgets de R&D abondés en deniers de l'État mais choisissent souvent de produire hors de l'Hexagone.
Depuis la crise économique de 1974, chaque septennat ou quinquennat a produit un plan affichant une volonté industrielle, réelle ou supposée. Le précédent, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, baptisé «États généraux de l'Industrie», a rayé des pans entiers de l'industrie manufacturière et ainsi accéléré la désindustrialisation. Pourtant le pragmatisme devrait primer et il conviendrait de produire des biens que nous consommons.
Entre capitalisme et socialisme financier
Le groupement ne disposerait pas de conseil d'administration protégeant une rente actionnariale. Il serait dirigé par un directeur général qui animerait un comité exécutif, principalement composé du collège de dirigeants des pôles de développement de filières, majoritairement professionnels de l'industrie. Ce type de gouvernance professionnelle, offrirait à la structure, agilité industrielle et réactivité décisionnelle. Par ailleurs, afin de ne pas s'exposer à la volatilité des marchés et à la prédation, le groupe ne s'introduirait pas en bourse. Lors de sa fondation, une participation symbolique au capital du groupe, de l'institution financière publique sous le contrôle de l'État qu'est la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), permettrait de cosigner un pacte d'actionnaires, public. Toutefois, le nombre restreint de parts qui seraient détenues par cet organisme considéré comme un acteur majeur du capital investissement, préserverait les salariés du danger de voir celui-ci ou un gouvernement, revendre un jour leur activité à un groupe étranger ou à un fonds. Parmi les obligations des parties, compte tenu d'un financement significatif du programme par le contribuable, figurerait la cession gracieuse, après quelques années, de la moitié du capital à la collectivité nationale.
La collectivité nationale faite personne morale de droit public
Il conviendrait donc d'inscrire dans la constitution, la création de cette entité distincte de l'État. En cas de dissolution de l'UE, le contenu du titre XV de la constitution, devenu caduc, pourrait être remplacé par les textes de loi encadrant le fonctionnement de la collectivité nationale. Ainsi, celle-ci serait pourvue de la personnalité juridique et régie par le droit public. Son statut, bien que spécifique, serait à certains égards, proche de celui des collectivités territoriales et également soumis à des dispositions juridiques parfois semblables. Des citoyens de la société civile éliraient les représentants de la collectivité. La présence de celle-ci au capital du groupe, garantirait, au fil des décennies, sa propriété, la distribution aux salariés d'un juste intéressement et le réinvestissement dans le développement. A terme, la presque totalité du groupement pourrait revenir à la collectivité nationale. Les français, dont les intérêts économiques sont de moins en moins souvent protégés, se réappropriaient du pouvoir. Par ailleurs, outre ce rôle, la collectivité nationale, qui incarnerait tous les courants de pensée, pourrait, en d'autres domaines, faire émerger une alternative syndicale moins politisée, des personnalités politiques issues de la société civile, réclamer une révision de la constitution ou émettre son avis lors d'enjeux économiques vitaux pour notre pays.
Communauté de moyens
Quoiqu'indépendantes, les entreprises partenaires s'engageraient à créer des emplois en France. Les porteurs de projets, souscriraient, en retour d'aides financières, un engagement limitant la perception de dividendes à une quote-part raisonnable, le versement d'une participation significative et une obligation, en cas de revente d'actions ou de parts sociales, de cession prioritaire à leurs salariés ou à l'une des sociétés impliquées dans le programme. Les membres du groupe et des sociétés liées, pourraient partager, autour de cette communauté de moyens, une même combativité et une volonté de développer de nouveaux projets industriels manufacturiers et commerciaux qui redistribueraient des fruits de la réussite aux salariés. Ce modèle, plus équitable, pourrait s'opposer à un capitalisme souvent jugé court-termiste dont les intérêts vont trop fréquemment à l'encontre de ceux de notre collectivité.
Un lien indispensable entre les écoles d'ingénieurs et l'industrie
Le groupe pourrait devenir un interlocuteur privilégié des chercheurs et ingénieurs à l'issue de leur formation: Emplois, projets de recherche, partenariats et financement de start-ups ou production. La France offre un enseignement d'excellence mais se prive d'un retour sur investissement car faute de financements et de débouchés suffisants en recherche industrielle et haute-technologie, nombre de jeunes français s'exilent. Aujourd'hui, 25 000 chercheurs, ingénieurs et universitaires travaillent aux État Unis et des start-ups prometteuses sont absorbées par des fonds et sociétés américaines ou chinoises. Pourtant, cet extraordinaire capital humain pourrait assurer la bonne santé économique de notre pays.
La reconstruction d'un outil industriel permettrait d'offrir de nombreux postes qualifiés mais aussi de proposer toute une gamme de métiers et de formations à des jeunes dont 2 millions de 15 à 29 aujourd'hui sans diplôme, sans formation et sans emploi. Il serait opportun d'agir en amont en finançant la recherche et l'activité qui créera ensuite des postes au lieu de subventionner à fonds perdus des emplois sans avenir qui souvent disparaissent en même temps que les aides. En s'associant aux programmes de recherche des pôles, des écoles d'élite pourraient jouer un rôle essentiel dans le développement des filières industrielles et relever le défi de la réindustrialisation de la France.
7 pôles de développement de filières industrielles (PDFI)
En délocalisant notre industrie nous avons aussi délocalisé notre croissance. En fabricant à nouveau en France une part importante des produits que nous consommons et en développant d'autres marchés, nous pourrions envisager la sauvegarde et la création annuelle de 100 000 emplois industriels (l'équivalent de seulement 3 emplois par jour et par département) pendant 15 à 20 ans, soit 1.5 million d'emplois souvent artisanaux et industriels dans des entreprises de toutes tailles. Auxquels pourraient s'ajouter entre 3 à 4.5 millions d'emplois indirects et induits à terme générés.
Le programme pourrait s'articuler autour d'un pôle financier et de 7 pôles de développement de filières industrielles: Filières textile-habillement et cuir, luxe. Filières du bois et meubles, habitat, électroménager. Filières loisirs, sports, jouets. Filières environnement et développement durable, énergie. Filières robotique, machines outils, équipements, transports. Filières numérique, informatique, logiciels et télécommunications. Filières produits chimiques, pharmacie, parapharmacie, cosmétologie.
La délocalisation de la production de la plupart de ces biens a été orchestrée par des groupes industriels, qui couramment, continuent à bénéficier des subsides de l'État. Pour exemple, des laboratoires pharmaceutiques bénéficient des remboursements de la Sécurité Sociale et d'aides en R&D mais licencient des milliers de chercheurs. Cependant, il serait possible, sans qu'il soit utile de nationaliser des entreprises, de réinvestir des secteurs dont l'activité a été délocalisée mais une stratégie appuyée par une vraie volonté politique, s'avérerait indispensable.
Nous identifierions dés le début du programme, parmi l'ensemble des activités présentant des potentialités certaines de commercialisation, d'abord des biens dont la plus forte valeur ajoutée serait susceptible de compenser ensuite la marge plus faible de produits moins lucratifs car Il conviendrait d'adopter une vision globale ou systémique.
Le gain plus important réalisé sur des produits positionnés sur les segments haut de gamme et luxe, dont maroquinerie, vêtements ou parfums, pallierait le plus faible bénéfice obtenu sur des vêtements moyen de gamme, celui de produits robotisés, High-tech ou NTIC corrigerait la marge réduite d'autres articles à moins forte valeur ajoutée ou réclamant davantage de main d'œuvre. La pharmacie compenserait d'autres secteurs etc... Par ailleurs, cette forme de péréquation, appliquée au sein du groupe mais bénéficiant aussi aux entreprises partenaires, pourrait exiger que nous développions également certaines activités à très forte valeur ajoutée relevant parfois des services.
Un ensemble d'activités artisanales, industrielles et de services, de faible à très forte valeur ajoutée, susceptible de créer un million et demi d'emplois développant 35 à 400 K€ par an et en moyenne 80 à 120 K€, pourrait nécessiter un financement proche de 180 Mds d'euros, reparti sur 15 à 20 ans.
Le différentiel annuel entre notre contribution européenne et les subventions reversées à notre pays ou la réorientation, parmi les aides inefficientes, de seulement 4 ou 5 % des dépenses pour l'emploi (DPE) et subventions accordées chaque année aux entreprises, pourrait procurer 10 Mds d'euros par an. Le programme viserait, après 2 ou 3 ans, la création annuelle de 100 000 postes industriels et artisanaux surtout dans des TPE, PME mais aussi des ETI avec un coût situé entre 30 000 et 1 million d'euros pour les plus automatisés ou hautement technologiques.
Toutefois, des transferts de marchés, reprises et opérations d'ingénierie financière pourraient alléger considérablement le montant. Si l'on ajoute les fonds propres susceptibles d'être apportés et les remboursements, les sommes pourraient constituer 35 à 50 % du coût du programme. Certes, une part de 90 à 120 Mds d'euros resterait à la charge de l'Etat mais le projet pourrait permettre la création de 4.5 à 6 millions d'emplois directs, indirects et induits.
Le coût ne représenterait alors que 15 à 27 K€ par emploi créé ou sauvegardé. Pour comparaison, le plan de relance de 34 Mds qui devait générer 400 000 emplois en 2009 et 2010, n'a créé, selon la Cour des Comptes, que 18 000 à 72 000 postes soit un coût de 472 K€ à 1 900 K€ par emploi. Il nous faudra attendre fin 2017 pour connaître le nombre d'emplois pérennes du secteur marchand que les 58 Mds du CICE auront permis de générer.
Si l'on examine les économies que le programme permettrait de réaliser ultérieurement, le coût réel pour l'État serait inexistant. A son terme, ce dernier et les organismes pourraient très certainement économiser ou percevoir chaque année plus de 160 Mds d'euros en réduction du nombre d'allocataires, frais structurels et dépenses connexes ou plus éloignées dont santé et justice (- 60/100 Mds) mais aussi augmentation des ressources des régimes de protection sociale (+ 25/35 %) qui retrouveraient un équilibre et nouvelles recettes fiscales directes ou indirectes qui permettraient de réduire significativement la dette publique etc...
Les pôles de développement auraient vocation à muter en 10 puis 15 ou 20 entités de taille critique, qui ensemble, seraient capables d'absorber des chocs conjoncturels et constitueraient la colonne vertébrale d'une industrie manufacturière renforcée par les synergies et la complémentarité des entreprises partenaires, pour devenir à terme des fleurons de notre économie. Le temps d'une génération peut sembler indispensable à la reconstruction d'une industrie susceptible de réduire significativement le chômage. Cependant, une dynamique pourrait se créer et raccourcir ce délai.
En effet, au fur et à mesure de la constitution d'un nouveau tissu industriel, de plus en plus d'entreprises, également encouragées par une baisse des cotisations qui restaurerait les marges de la fabrication en France, une fiscalité allégée et une meilleure fluidité du marché du travail propre aux périodes de retour vers le plein emploi, verraient le jour. La hausse de pouvoir d'achat des salariés ou indépendants financerait une nouvelle demande et générerait ainsi une consommation exponentielle de produits manufacturiers et alimentaires de plus en plus locaux. L'activité produirait de plus en plus d'emplois et un cercle économique vertueux se réinstallerait.
Francis Journot Projet Collectivité Nationale
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Il faut sortir de l'euro et de l'UE avant un défaut de paiement
Marianne - Par Francis Journot Publié le 16/05/2015
Marianne/Tribune - Francis Journot le rappelle : "les difficultés" de la Grèce "ont commencé lorsque ses créanciers ont douté de ses capacités de remboursement". Et d'expliquer que "l’importance de la dette de la France pourrait finir par faire douter de notre solvabilité.". Il en déduit donc qu'il faut prendre les devants, ne pas attendre d'être la proie du FMI et choisir, dit-il, de "sortir de l’euro et de l’UE".
La dette publique de l’État français atteint 6 000 milliards d’euros, équivaut à plus de 20 années de recettes fiscales et prés de 300 % du PIB. Le processus de cavalerie financière de la dette publique auquel les gouvernements ont recours depuis la loi bancaire du 3 janvier 1973, expose plus que jamais la France, à la volatilité des marchés financiers et au défaut de paiement. Des engagements plus confidentiels, hors-bilan et portés par l’État, pour le paiement des pensions de retraites des fonctionnaires ou assimilés, pourraient également s’avérer, à terme, impossibles à honorer. Une sortie de l’UE pourrait s’imposer comme l’unique voie de sortie d’un système de cavalerie qui menace d’exploser.
Un service de la dette de 150 milliards par an
La dette publique de l’État, au sens de Maastricht, est, depuis 40 ans, constamment nourrie de nouveaux emprunts pour assurer le remboursement des anciens et de leurs intérêts mais aussi des nouveaux déficits. Elle atteint maintenant 2037.8 milliards d’euros et équivaut à 95.4 % du produit intérieur brut (PIB) d’un montant de 2134 milliards en 2014. Le paiement des intérêts de la dette (charge de la dette) qui avoisine 45 ou 50 milliards d’euros depuis quelques années, constitue souvent le premier ou deuxième poste de dépenses de l’État. Mais lorsque l’on ajoute un remboursement annuel moyen de capital de 100 milliards, les annuités (service de la dette) atteignent 150 milliards d’euros soit l’équivalent de plus de la moitié des ressources fiscales françaises de 278.9 milliards en 2014 ou de la totalité de la dotation annuelle de l’éducation, défense, santé, emploi, justice etc. soit ¾ du budget alloué aux ministères. Pour financer le remboursement d’un service de la dette de 150 milliards et d’un déficit annuel autour de 85 milliards, l’Agence France Trésor qui gère les dettes de l’État, émet chaque année, de nouveaux emprunts notamment sous forme d’obligations à terme (OAT).
Le montant annuel des emprunts se situait au cours des huit dernières années, entre 190 et 285 milliards soit en moyenne 230 milliards d’euros chaque an.
4 000 milliards d'euros d'engagements hors bilan
Les engagements hors-bilan de l’État, qui, bien que portant principalement sur des sommes à payer dans le futur, n’en demeurent pas moins des dettes à comptabiliser.
Selon une communication de la Cour des Comptes au sénat, les engagements s’élevaient déjà à 3 090 milliards fin 2012. Un montant de 1 679 milliards concernait les pensions de retraite des fonctionnaires, personnels des armées et agents de la poste mais la destination de 1 412 milliards semblait plus floue. Prés de 1 000 milliards relevaient de garanties financières à destination d’acteurs économiques dont une protection du risque des épargnants qui s’élevait à prés de 400 milliards.
Si l’on considère l’importance des sommes dont les montants ont été multipliés par plus de 3 en dix ans, et si l’on tient compte de l’afflux de la génération des baby-boomers, on peut douter de la capacité future de l’État à honorer le paiement des pensions de retraites des fonctionnaires en totalité. Selon le quotidien économique les échos, le total des engagements hors bilan de l’État atteint prés de 4000 milliards d’euros. Lorsqu’il évoque la dette par habitant, l’économiste Jean Yves Archer s’interroge sur l’éventualité d’un scenario proche de celui de Chypre. La dette publique de l’État, tous débiteurs confondus, d’un montant qui dépasse 6000 milliards d’euros, représente 22 années de recettes fiscales et prés de 300 % du PIB.
La loi Pompidou - Giscard de 1973
La dette au sens de Maastricht, ne représentait, à la fin des années soixante-dix, que 20 % d’un PIB annuel de 400 milliards d’euros. Elle a certes, été creusée de 670 milliards de 2007 à 2011, par les plans de sauvetage de banques, d’États en difficulté et de relance de l’économie. Mais, surtout, aucun budget de l’État n’ayant, depuis 1974, été à l’équilibre, les déficits sont, chaque année, comblés par endettement.La fin du financement à taux zéro de la dette publique par la banque centrale (Banque de France), a provoqué une accumulation des intérêts.
En effet, la loi du 3 janvier 1973 dite loi Pompidou-Giscard, présentée pour limiter la création monétaire et l’inflation, a modifié le fonctionnement de la Banque de France (BDF) et mis fin a son pouvoir de battre monnaie. Depuis, l’État français est obligé d’emprunter sur les marchés financiers au lieu de se financer à taux nul auprès de sa banque centrale. Puis cette obligation prenait la forme de l’article 104 du traité de Maastricht en 1992 et ensuite de l’article 123 du Traité de Lisbonne et interdisait dorénavant aux États membres de l’Union Européenne de se financer auprès de leurs banques centrales respectives ou de la Banque centrale européenne (BCE). Par ailleurs, le traité de Lisbonne, n’aurait jamais dû être adopté. En effet, son texte a été ratifié en 2008 par le parlement français conformément au souhait de la Commission Européenne, mais contre la volonté exprimée par 55 % des français lors du référendum de 2005.
La loi n’a évidemment pas systématiquement empêché l’inflation mais a surtout soumis notre pays à ses créanciers et transformé, au fil des années une dette raisonnée en rente ruineuse. Il est à craindre que notre pays soit, aussi longtemps qu’il fera partie de l’UE, toujours contraint de se financer auprès de banques privées et ne puisse avoir recours à la Banque de France ou à la BCE. Certes, cette dernière rachète temporairement depuis mars 2015, de la dette publique d’État, mais en acquérant sur le marché secondaire des dettes déjà émises, celle-ci ne déroge pas au traité de Lisbonne.
Il est par ailleurs, assez peu probable que la Commission Européenne, si toutefois, le gouvernement français acceptait de lui en faire la demande, consente à abroger l’article 123 du Traité de Lisbonne. Néanmoins, compte tenu de l’importance de la dette, nous devons admettre qu’aujourd’hui, les fonds de la Banque de France ne suffiraient plus à financer les emprunts de l’État français.
Bas niveau des taux d'intéréts, jusqu'à quand ?
Le marché français de la dette publique a aujourd’hui les faveurs d’investisseurs qui disposent d’une surabondance de capitaux et privilégient des placements à faible taux dans des pays qui, pensent-ils, pourraient toujours lever de nouveaux impôts en cas de difficultés. Selon France Trésor, le taux moyen d’emprunt ne dépassait pas 1.54 % à fin 2013. L’injection de 60 milliards d’euros par mois depuis mars 2015 et jusqu’en septembre 2016, dans le cadre du plan de relance monétaire dit "quantitative Easing" ou QE, conduit par la Banque Centrale Européenne (BCE), a fait baisser les taux d’emprunt en Espagne, en Italie ou au Portugal. Néanmoins, le taux français des OAT à 10 ans affichait déjà 0.6 % avant l’annonce de la BCE. Aussi, la baisse et ses effets sur notre dette pourraient s’avérer moindres. Cependant, bien que la BCE ait invoqué les objectifs de rachat de la dette publique des états pour alléger leur fardeau et de lutte contre un risque de déflation générateur de récession, l’inquiétude, quant au risque de faillite de la France et d’éclatement de l’Europe, pourrait également avoir motivé le plan monétaire de 1140 milliards. Mais celui-ci ne nous préservera guère de voir malgré tout, les taux d’intérêts particulièrement bas dont nous bénéficions actuellement, s’envoler en cas de doute des investisseurs à propos de notre capacité à rembourser. La Grèce emprunte en ce moment à 10 % et nous avons-nous-même subi en France, des taux qui ont parfois culminé à 17 % en 1983, 11 % en 1990, plus de 8 % en 1995, prés de 6 % en 2000 ou 4.15 % en moyenne entre 2001 et 2007.
Un risque élevé de défaut de paiement
Tout processus de cavalerie financière ayant généralement vocation à s’écrouler, il nous faut être clairvoyant. L’importance de notre dette, elle-même entretenue par ses intérêts et de nouveaux emprunts pour combler des déficits permanents, pourrait finir par faire douter de notre solvabilité. Croissance atone, augmentation continue de la dette qui s’est accrue de 112.5 milliards d’euros en 2014, de 84.4 milliards en 2013 et de 116.1 milliards en 2012. Aussi, en présence d’un risque qui augmente au rythme de l’endettement, on peut craindre deux scenarios susceptibles de mettre à bas le fragile stratagème de financement. Les taux d’emprunt remontent à des niveaux comparables à ceux que nous avons précédemment connus au cours des années quatre-vingt ou quatre-vingt-dix. Les nouveaux taux doublent ou triplent le coût des intérêts puis à terme, compte tenu de la structure de la dette, celui des annuités. Nous parvenons un temps, à assumer la charge de la dette mais ne pouvons payer le service de la dette. Ou, les investisseurs cessent d’acheter les nouvelles émissions d’emprunts. Nous ne pouvons plus faire face au remboursement des anciens emprunts ni à la totalité de nos dépenses courantes. Dans les deux cas les difficultés s’enchainent et l’effondrement menace. En trois semaines, entre le 16 avril et le 7 mai, les taux d’émission des obligations françaises à 10 ans ont plus que triplé en passant de 0.3 % à 1.1 %. Prémices d’une crise ?
La Grèce, dont les difficultés ont commencé lorsque ses créanciers ont douté de ses capacités de remboursement, avait reçu de l’UE et du FMI en 2010 et 2013, 250 milliards d’euros de prêts. Mais à l’échelle de la France, si l’on considère que notre dette, tous débiteurs compris, est vingt fois plus élevée, les besoins, en cas d’incidents de paiement en cascade, pourraient dépasser l’inimaginable. L’UE et le Fonds Monétaire International (FMI) jetteraient-ils l’éponge, même si, par ailleurs, cela devait conduire à l’éclatement de la zone euro et de l’Europe ou entreprendraient-ils de réunir les fonds colossaux nécessaires au secours de la France ?
Si l’on retient la deuxième hypothèse, le FMI apporterait plusieurs centaines de milliards. Le mécanisme Européen de Stabilité (MES) qui prévoit, en cas de crise, une levée de fonds sur les marchés, pouvant atteindre 700 milliards d’euros, interviendrait. La BCE réorienterait vers notre pays, une plus grande part des 1140 milliards du plan de relance monétaire. Un abandon d’une part de la dette par les créanciers achèverait de placer la France sous la tutelle de la Troïka et des marchés financiers. Cette opération désespérée de sauvetage ne ferait que repousser à plus tard, une issue que chacun soupçonne et le remède s’avérerait certainement pire que le mal.
En effet, les plans d’austérité plongeraient encore davantage notre pays dans la récession avant l’inévitable faillite de l’État. Celle-cipourrait avoir des conséquences extrêmement graves sur nos vies : Banques en difficulté après des retraits massifs, comptes d’épargne bloqués par l’État, épargnants ruinés, effondrement du système financier et de l’économie, fermetures d’entreprises en cascade, millions de licenciements dans le public et dans le privé, baisse des traitements de fonctionnaires, des pensions de retraite, suppression d’allocations chômage et minimas sociaux. Explosion de la misère et de l’insécurité. La France serait décrédibilisée pour longtemps et nous aurions désormais les plus grandes difficultés à financer nos besoins. Alors peut-être ne devrions-nous pas attendre pour sortir de l’euro et de l’UE.
Sortir de l'euro et de l'Europe sans dommage
Une dette relibellée en francs pourrait occasionner un surcoût mais un effet de 5 à 10 % serait compensé. Le financement à taux nul d’une part des besoins financiers ferait diminuer les intérêts. Le pouvoir souverain de créer à nouveau monnaie et une nouvelle politique industrielle, pourraient pour la première fois depuis 40 ans, permettre d’espérer enfin une diminution de l’endettement. D’autre part, il est certain que l’Europe ne pourrait survivre à la sortie de la France de l’UE. Aussi, dés lors, la France ne connaitrait pas de fort phénomène d’inflation ou de dévaluation. D’autant que la valeur de l’euro a considérablement baissé et se trouve maintenant quasiment à parité avec le dollar.
La relance de l’industrie manufacturière des biens de consommation que nous appelons de nos vœux depuis plusieurs années, désormais possible, contribuerait à la diminution des importations et donc de l’inflation importée. Il serait également envisageable de pourvoir à l’instauration de mécanismes de rééquilibrages des échanges commerciaux, dont le déficit atteint, certaines années jusqu'à 60 milliards d’euros. En effet, quelques années après l’abolition des quotas d’importation, l’Organisation Mondiale du Commerce(OMC), a ensuite aménagé, le 7 décembre 2013 à Bali, une exemption accrue des droits de douane, signée par 157 pays. Les groupes industriels et de distribution se sont révélés être les principaux bénéficiaires de cette convention qui ne semble guère avoir permis de hausse des salaires ouvriers des pays concernés ni de baisse de nos prix a la consommation.
Les nouvelles perspectives économiques d’une France désormais débridée, pourraient davantage rassurer, qu’inquiéter des marchés financiers qui continueraient à préférer placer leur masse monétaire dans les dettes souveraines d’un pays, qui n’a pas, en tout cas pas depuis deux siècles, fait défaut et dont la crédibilité était meilleure avant le passage à l’euro.
Un nouvel élan économique
La fin des quotas d’importation, imposée par l’OMC, la politique de libre-échange non régulé de l’UE et l’accompagnement à la délocalisation parfois dispensé par les gouvernements, ont provoqué la disparition de pans entiers de notre industrie. Ainsi, notre pays a sombré dans la torpeur et des régions entières sont exsangues. Mais en nous libérant des contraintes de l’UE, un nouvel élan pourrait naître. L’extraordinaire capital humain dont la France dispose, pourrait permettre la reconstruction d’un outil industriel moderne, capable de recréer en quelques années, plusieurs centaines de milliers d’emplois et deux à trois fois plus d’emplois indirects et induits.Il serait tout à fait possible de fabriquer à nouveau en France, une part importante de nos biens de consommation. Certes, nous devrions, face au dumping social, générer des synergies entre les entreprises, mutualiser des moyens de production et de commercialisation, faire des économies d’échelle pour pondérer les coûts tout en usant de modèles de gestion plus adaptés.
Le différentiel annuel entre notre contribution européenne et les subventions reversées à notre pays, approche 8.5 milliards d’euros. Pour exemple, un montant semblable, affecté à la relance de l’industrie manufacturière, permettrait le financement de 100 000 postes de travail avec un coût de création situé entre 30 000 et 1 million d’euros pour les plus automatisés ou hautement technologiques. Les nouvelles usines ainsi créées, pourraient produire, entre-autres, une part de nos biens de consommation courants ou de produits parfois subventionnés par l’argent public, mais dont l’importation participe aujourd’hui à notre déficit commercial. 500 000 emplois industriels et 1 à 1.5 million d’emplois indirects et induits créés en 5 ans pourraient ensuite rapporter chaque année, jusqu'à 30 ou 40 milliards d’euros de nouvelles recettes fiscales et cotisations. De plus, l’état économiserait probablement 15 à 20 milliards en allocations, aides diverses et dépenses d’accompagnement ou d’insertion. Un choc sur l’emploi manufacturier nous acheminerait vers un cercle vertueux économique susceptible de faire baisser mécaniquement la dépense publique. En effet, au rythme de la baisse du nombre de chômeurs et de l’augmentation du nombre de cotisants, les déficits diminueraient. Subséquemment, une baisse proportionnelle du montant des charges sociales des PME pourrait encore favoriser l’emploi et à terme, diminuer d’autant, les déficits et l’endettement.Les entreprises et l’État pourraient investir davantage, le chômage continuerait à décroître et les salaires seraient en hausse pour plus de pouvoir d’achat et une consommation de produits de meilleure qualité et respectueux de l’environnement, plus souvent fabriqués en France etc.
Raisonnement de repli sur soi et d’isolement ou au contraire, de reconquête de l’économie et de rayonnement de la France ? Citons l’excellent et regretté Bernard Maris : " L’économie c’est pas compliqué. Il faut que les gens qui travaillent, bouffent et consomment ce qu’ils produisent ". Certes, la reconstruction d’une nouvelle industrie manufacturière, si l'on tient compte de la disparition de filières entières et de leurs savoir-faire, sera difficile et pourrait prendre le temps d’une génération. Bien qu’elle remette en question la pertinence de dogmes admis et puisse inquiéter nombre d’entre-nous, l’hypothèse d’une sortie de la France de l’euro et de l’UE, devrait, compte tenu du risque élevé de défaut de paiement, être envisagée.
Francis Journot Projet Collectivité Nationale
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Traité budgetaire européen :
L'Elysée va t-il faire ratifier un traité non constitutionnel ?
Marianne - Par Francis Journot Publié le 08/09/2012
Le traité budgétaire européen sera présenté au vote des parlementaires fin septembre ou au début d’octobre et devrait être adopté avec une majorité simple et sans révision de la constitution française comme un projet de loi ordinaire.
Le débat autour des contraintes et de l'abandon de souveraineté
Selon des économistes et universitaires spécialistes du droit constitutionnel, le traité budgétaire européen porte atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale. Il serait, contrairement aux conclusions du Conseil constitutionnel, susceptible de procéder à des transferts de compétences en matière de politique économique ou budgétaire et aurait dû à ce titre, nécessiter une révision de la constitution.
En effet, la cour de justice européenne peut soumettre les états membres à ses décisions et pourrait bientôt leurs infliger de lourdes sanctions financières s’ils dépassaient un seuil de dépenses sur une période donnée. Certes, la limite du déficit des États à 3 % du PIB existe depuis la création de l’Union européenne mais n’était respectée que par quelques rares pays et son dépassement était peu sanctionné.La nouvelle règle qui fixe la limite de déficit structurel à 0.5 % du PIB pourrait se révéler plus contraignante.
Cet objectif difficile à atteindre pour la plupart des pays d’une Europe globalement en récession, pourrait constituer une nouvelle astreinte que les opposants à la ratification du traité, interprètent également comme un abandon de souveraineté.
Pourtant, les juges constitutionnels ont estimé que le texte n’induit pas de nouvelles contraintes car selon eux, c’est au conseil constitutionnel qu’il appartiendra de contrôler l’application de la « règle d’or ».De même, ils ont jugé que le texte ne provoque pas de nouveaux transferts de compétences car des règles limitant les déficits des États sont déjà inscrites dans la constitution française depuis la ratification des traités de Maastricht et Lisbonne en 1992 et 2008.
Les membres du conseil constitutionnel allemand n’ont pas fait la même analyse que leurs homologues français et ont pensé que leur constitution devait être transformée.Ainsi, chez nos voisins allemands, le traité a dû être ratifié à la majorité des deux tiers par les deux chambres du parlement allemand. La cour de justice européenne vérifiera si les états ont bien retranscrit le traité dans leur droit national et l’interprétation française sera soumise à leur appréciation mais le traité pourrait être ratifié avant.
Geste politique ?
L’évaluation de la constitutionalité du traité budgétaire en France est loin de faire l’unanimité et des opposants se demandent si les « sages » n’ont pas obéi à des impératifs plus politiques que juridiques.
Effectivement, le gouvernement, fort de la décision du conseil constitutionnel ne réunira pas le parlement en congrès à Versailles et ne sera pas non plus obligé de consulter les français par référendum.La majorité des 3/5e obligatoire lors d’un changement de constitution, n’aurait peut être pas été atteinte par le parlement réuni en congrès et un référendum aurait peut être recueilli un « non » comme ce fut le cas en 2005 lors du projet de constitution européenne.
Le projet de loi autorisant la ratification devrait être présenté au cours des prochains jours. Puis, le traité budgétaire, au sein d’un paquet européen comprenant également des textes sur le pacte de croissance, la supervision bancaire et les transactions financières, serait simplement soumis au parlement à l’assemblée nationale au cours d’une nouvelle session parlementaire extraordinaire où une majorité simple suffira à le ratifier.
Une posible rupture avec des électeurs et des personnalités politiques de "gauche"
La ratification du Traité de Lisbonne par le parlement malgré le « non » des français a marqué en 2008 une rupture d’une part des citoyens avec le monde politique. Aujourd’hui, des électeurs qui ont voté le « changement » au deuxième tour des élections présidentielles, pourraient aussi se sentir floués de voir le gouvernement adopter le traité cher à Nicolas Sarkozy et qui incarne pour beaucoup d’entre eux, une politique européiste et néolibérale dont ils ne voulaient précisément pas.
Le passage en force du traité budgétaire européen pourrait constituer une faute politique majeure et historique dont les lourdes conséquences économiques et politiques ne semblent pas encore avoir été appréhendées par le gouvernement et le PS. Des économistes renommés et regroupés au sein de l’association « manifeste pour un débat sur le libre échange », craignent que l’abaissement de l’objectif de déficit structurel à 0.5 % du PIB, fasse encore augmenter le chômage en France et, à terme, participe au démantèlement de notre modèle social.
Le sondage Opinionway/Vêtements made in France du 24 juillet 2012 dévoilait que 52 % des français veulent un référendum et peut être conviendrait-il de soumettre la ratification du traité budgétaire européen à l’approbation du peuple français. Un sondage Csa/l’humanité publié fin aout confirme cette tendance avec 72 % d’opinions en faveur d’un référendum.
Certes, nul aujourd’hui ne peut vraiment prédire le verdict des urnes. En optant pour une ratification par cette voie, le gouvernement pourrait essuyer un refus mais il ménagerait la crédibilité de la « gauche » qui s’éviterait ainsi une crise de confiance avec une partie du peuple.L’Élysée s’épargnerait également une désolidarisation d’une part grandissante du parlement et du gouvernement, hostile à la ratification du TSCG.
Car en l’absence de référendum, ceux-ci et un nombre important de français ne manqueraient pas de pointer ensuite du doigt pendant le reste du quinquennat, la responsabilité de l’Élysée et de son traité budgétaire dans l’aggravation de notre crise économique et notamment dans la hausse d’un chômage qui menace d’atteindre des sommets. La cote de popularité de François Hollande après 100 jours de présidence s’avère être est la plus basse jamais enregistrée par un président nouvellement élu.Il est certes difficile de déterminer si l’attitude présidentielle dans le traitement du traité budgétaire a influencé les sondés mais on peut se demander si l’Élysée peut encore raisonnablement se permettre d’ignorer la demande de référendum des français.
Francis Journot est membre de l'association citoyenne indépendante Vêtements made in France
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Article de la redaction de Marianne du 24 juillet 2012 à propos de notre sondage
52 % des français pour un référendum
sur le traité budgétaire
François Hollande souhaite soumettre au Parlement l'adoption du Traité budgétaire ainsi que les autres plans adoptés par l'Union européenne. Mais pourquoi pas un referendum ? C'est la question - un peu tabou depuis le TCE - qu'a voulu poser une association aux Français.
Ce sera peut-être l'un des sujets chauds de la prochaine rentrée : le traité budgétaire européen. A l'origine, le candidat Hollande l'avait déclaré inacceptable en l'état. Mais après l'adoption d'un volet croissance de 120 milliards, le président a finalement décidé de le soumettre au Parlement. Ce devait être choses faite avant la rentrée. Mais l'exament nécessaire du texte par le Conseil consitutionnel va conduire le gouvernement à attendre la fin septembre pour faire adopter le texte.
Ce projet, qui renforce la discipline budgétaire et risque de priver l'Etat de certaines prérogatives doit-il être ratifié par la voie parlementaire ou celle du referendum ? On retrouve ici le fameux dilemme apparu après le référendum sur le Traité constitutionnel européen. Prudent, Nicolas Sarkozy n'avait pas risqué, au début de son quinquennat de soumettre aux électeurs un texte qu'ils avaient refusé dans les urnes. Nul doute que, une fois n'est pas coutume, François Hollande a l'intention de se mettre sur les traces de Sarkozy.
Quoiqu'il en soit, il était intéressant de demander aux Français quel était leur avis sur le sujet. L'association VETEMENTS MADE IN FRANCE, qui milite pour la renaissance d'une industrie textile en France, a décidé de les tester sans attendre.
Résultats du Sondage
Sondage Opinion Way - Etude réalisée pour VETEMENTS MADE IN FRANCE
Le gouvernement proposera cet été aux députés et sénateurs français, l’adoption du traité budgétaire européen (Traité sur la Stabilité, la coordination et la Gouvernance, TSCG). Ce traité recommande l’équilibre des comptes publics et expose à des sanctions financières, les pays dont le déficit structurel dépassera 0.5 % du PIB. Il institue le contrôle préalable des budgets nationaux par la commission européenne. La commission disposerait d’un droit de regard sur l’ensemble des dépenses publiques des États, qu’il s’agisse de protection sociale, de fonctionnement de l’Etat, de dépenses de santé, de remboursement de la dette ou d’investissement.
Pour la ratification de ce traité vous êtes plutôt favorable à ... ?
Mieux vaut un vote que rien. Comme toujours, les Français manifestent plutôt de l'appétit pour les consultations électorales. La majorité qui se dégage en faveur d'un referendum est plutôt composite. L'hypothèse referendaire fait le plein chez les électeurs lepénistes et mélenchonistes (respectivement 76 et 62%), séduit 57% des électeurs sarkozyste, tandis qu'une majorité d'élecgteurs hollandistes fait confiance à « ses » parlementaires.
Méthodologie
- Étude réalisée pour VÊTEMENTS MADE IN FRANCE auprès d’un échantillon de 1001 personnes inscrites sur les listes électorales, issu d’un échantillon de 1062 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
- L’échantillon a été constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, de catégorie d’agglomération et de région de résidence.
- Mode d’interrogation: L’échantillon a été interrogé en ligne sur système Cawi (Computer Assisted Web Interview).
- Dates de terrain: les interviews ont été réalisées les 18 et 19 Juillet 2012.
- OpinionWay rappelle par ailleurs que les résultats de ce sondage doivent être lus en tenant compte des marges d'incertitude : 2 à 3 points au plus pour un échantillon de 1000 répondants.
Suite sur Marianne
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Edition du mardi 24 juillet 2012
Traité budgetaire :
une majorité de français demande un référendum
Par Stéphane Dupont
Plus de la moitié des personnes interrogées par OpinionWay pour l'association VETEMENTS MADE IN FRANCE disent qu'elles approuveraient le pacte de discipline budgétaire européen s'il était soumis au vote populaire comme elles le souhaitent.
Sept ans après le rejet de traité constitutionnel, les Français retourneraient bien aux urnes pour se prononcer sur la construction européenne. Plus de la moitié des personnes interrogées par OpinionWay pour l'association VETEMENTS MADE IN FRANCE (52 %) souhaitent en tout cas que la ratification du pacte de discipline budgétaire soit soumise à référendum, contre 38 % qui préfèrent la voie parlementaire. Le taux grimpe respectivement à 76 % et 62 % dans les électorats de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, les deux candidats à la dernière présidentielle qui réclament une telle consultation populaire. Et même à 57 % chez les électeurs de Nicolas Sarkozy.
Pour une partie du peuple de droite, « il s'agit de mettre dans l'embarras François Hollande », décrypte Bruno Jeanbart, le directeur général adjoint d'OpinionWay. Le chef de l'Etat était opposé à la ratification du traité budgétaire jusqu'à ce qu'il obtienne fin juin du Conseil européen, comme il le demandait, l'adjonction d'un pacte de croissance.
« Une séquence électorale très longue »
Claire, cette majorité n'est pas non plus écrasante, tempère Bruno Jeanbart. Parce que le texte en question est complexe et technique. Et parce que « les Français sortent d'une séquence électorale très longue », explique-t-il.
Une nette majorité de sondés (53 % contre 20 %) assure en outre qu'elle voterait « oui » si un tel référendum était organisé. Y compris dans les électorats de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. « La lutte contre la dette et les déficits est devenue populaire dans l'opinion », analyse Bruno Jeanbart. Et les Français « restent globalement attachés à la construction européenne », ajoute-t-il, malgré leur « non » au traité constitutionnel en 2005.
Ce résultat reste toutefois à prendre avec précaution. Début 2005, deux tiers des Français se déclaraient encore favorable à la Constitution européenne, avant de la rejeter quelques mois plus tard. Les personnes sondées par OpinionWay ne savent pas toutes précisément ce qu'il y a dans le pacte budgétaire et le débat public sur les implications concrètes de ce texte n'a encore pas réellement eu lieu. « Si un référendum était organisé, le "oui" ne ferait certainement pas un tel score », prévient Bruno Jeanbart. L'hypothèse paraît très peu probable. Le dernier référendum sur l'Europe en 2005 avait provoqué de profondes divisions au sein du PS que François Hollande dirigeait alors. Le futur président en avait été très marqué.
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Traité budgetaire européen :
vers un passage en force ?
Marianne - Par Francis Journot Publié le 18/07/2012
Peu enclin à laisser un débat public s’installer à la rentrée autour du TSCG (traité sur la stabilité, coordination et gouvernance), l’Élysée pourrait, si le conseil constitutionnel ne juge pas utile de modifier la constitution, saisir rapidement le parlement et faire ratifier le traité en procédure d’urgence durant la session extraordinaire de l’assemblée nationale et du sénat, qui s’achèvera le 31 juillet. Le gouvernement éviterait ainsi la réunion du parlement en congrès à Versailles et s’épargnerait des discussions avec l’opposition et son propre camp pour obtenir la majorité des 3/5e.
Un premier pas vers une Europe fédérale
Le Mécanisme Européen de Stabilité (MES)), premier volet ratifié du dispositif, constituera selon ses partisans, "un premier pas vers une Europe fédérale avec son propre Trésor public et un budget conséquent"(le Monde, février 2012). En ratifiant maintenant le TSCG, la France pourrait abandonner une part de sa souveraineté budgétaire. Désormais, la commission européenne disposerait d’un droit de regard sur l’ensemble des dépenses publiques françaises dont celles de protection sociale et de santé, (41.4 % et 14.8 % des dépenses publiques françaises) et de fonctionnement de l’État (27 %).
La crainte d'un nouveau non en cas de référendum
Lors de son discours de politique générale à l’assemblée nationale, le premier ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé la décision de l’Élysée et du gouvernement de ne pas organiser de référendum. Le TSCG sera donc soumis au parlement au sein d’un paquet européen comprenant également des textes sur le pacte de croissance, la supervision bancaire et les transactions financières. De nombreuses voix s’élèvent pour réclamer une consultation du peuple, mais il semble peu probable que le gouvernement consente à modifier son calendrier. André Chassaigne, député PCF et chef de file du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) interpellait le 3 juillet à l’assemblée nationale, le ministre des Affaires étrangères et exigeait la tenue d’un référendum. La sénatrice Nicole Borvo Cohen-Seat, chef du groupe des communiste du sénat (CRC), appuyait la requête de son collègue communiste : "Le président de la République veut faire ratifier le traité rapidement. Vous avez plusieurs fois évoqué les citoyens : nous voulons qu’ils soient consultés par référendum sur un traité qui met en cause la souveraineté nationale". Des économistes et universitaires, dont Jacques Sapir, Emmanuel Todd, jacques Nikonoff, Fréderic Lordon et Philippe Murer, s’inquiètent également d’une perte d’indépendance budgétaire et des effets négatifs qu’une grande rigueur pourrait avoir sur notre économie. Plusieurs personnalités politiques parmi lesquelles, Marine le Pen, Jean Luc Mélenchon et Nicolas Dupont-Aignan, profitent de chaque interview pour exiger un referendum. FO et la plupart des branches des autres syndicats, de nombreuses associations citoyennes et petits partis politiques expriment également leur indignation. Le Parti Ouvrier Indépendant (POI) a déjà collecté 60 000 signatures de travailleurs qui s’opposent au TSCG. En 2005, les français avaient dit non au projet de constitution européenne et refusé le transfert de souveraineté imposé par le traité de Lisbonne. Les parlementaires avaient alors décidé d’ignorer le verdict des urnes et avaient ratifié le traité en 2008.
Un traité quasiment ratifié
Lors du congrès de Versailles de 2008, parmi les 577 députés et 331 sénateurs, 181 parlementaires avaient exprimé leur refus du traité de Lisbonne. Le traité budgétaire initié par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy devrait être plébiscité par les députés et sénateurs UMP. En 2008, la moitié des socialistes avaient exprimé un non mais aujourd’hui on n’imagine guère des députés et sénateurs fraichement adoubés par le parti socialiste, prendre le risque de contrarier l’Élysée et gouvernement. L’Assemblée nationale et le Sénat comptent 925 parlementaires dont 490 députés et 261 sénateurs, membres et apparentés PS et UMP, qui devraient, hormis quelques dissidents, approuver le traité. Certes, en l’absence de référendum, la ratification par le parlement à l’assemblée nationale ou réunis en congrès à Versailles, serait acquise mais ce passage en force pourrait laisser des cicatrices. Le reste du quinquennat et les prochaines élections pourraient s’en trouver très affectés.
Francis Journot