Monsieur Macron, une stratégie adaptée nous permettrait de réindustrialiser la France
Face à la mondialisation, les missions de réflexion et les actions gouvernementales n’ont pas permis de juguler la désindustrialisation et le chômage de masse en France. Il nous faut explorer de nouvelles voies plus adaptées, ambitieuses et innovantes, tout en renouant avec des fondamentaux de l’économie pour enfin mettre en œuvre une vraie stratégie industrielle française. C’est pourquoi je vous propose, après plusieurs années de recherche, le projet baptisé Collectivité nationale. Apres le Brexit et à l’approche des élections européennes de 2019, ce projet de réindustrialisation pourrait bénéficier, auprès des instances de Bruxelles, d’une mansuétude inédite. Ainsi, nous pourrions renouer, après plusieurs décennies de recul de l’industrie, avec une hausse significative et durable de l’activité et de l’emploi, une augmentation des recettes de l’Etat et une diminution des déficits.
L’impasse économique de la France
Confrontées au dumping des pays à bas coûts, les industries manufacturières hier pourvoyeuses de nombreux emplois, continuent de disparaitre.
Le déficit du commerce extérieur ne cesse d’augmenter depuis le début des années 2000 et bat un nouveau record. Il atteint 60 Mds dont 48.4 Mds pour l’industrie manufacturière. Aujourd’hui notre consommation enrichit surtout des concurrents économiques dont la Chine qui fait son marché parmi nos fleurons nationaux ou ce qu’il reste de notre industrie manufacturière. La théorie de la «destruction créatrice» de l’économiste Joseph Schumpeter, ne s’est hélas guère vérifiée en France et il est peu certain que la création de quelques startups, suffise à pallier l’hécatombe industrielle et la disparition de plusieurs millions d’emplois. Désormais, le poids de l’impôt et des cotisations est grandissant et repose sur un nombre de plus en plus restreint de salariés et d’entreprises qui subséquemment, sont de moins en moins compétitives. Le coût du chômage, des minimas sociaux et des dépenses connexes affecte l’économie. Les déficits et la dette augmentent sans cesse.
Le projet Collectivité nationale
Aussi pour briser ce cercle vicieux et tenter de rééquilibrer l’économie française, il nous faut d’abord bâtir une structure économique investie de missions d’intérêt public dont certaines s’apparenteraient à celles anciennement dévolues au ministère de l’Industrie ou à la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR). Outil de la collectivité rompu aux ingénieries industrielles et financières, acteur industriel dynamique et investisseur avisé doté d’une vision panoramique de l’industrie, l’entité économique dédiée, s’attèlerait à la difficile tâche de création ou de renforcement de filières industrielles.
Aux côtés des organes de financement de l’économie, les 7 pôles de développement de filières industrielles (PDFI) et le pôle financier favoriseraient en toute cohérence, la création et le développement d’entreprises industrielles et artisanales en synergies. Filières textile-habillement et cuir, luxe. Filières du bois et meubles, habitat, électroménager. Filières loisirs, sports, jouets. Filières environnement et développement durable, énergie. Filières robotique, machines-outils, équipements, transports. Filières numérique, informatique, logiciels et télécommunications. Filières produits chimiques, pharmacie, parapharmacie, cosmétologie. Les entreprises partenaires profiteraient de mécanismes de péréquation, d’une mutualisation des moyens et d’une pondération des coûts : modèle de gestion adapté, intranet, moyens de production partagés pour une modularisation et des économies d'échelle, R&D, outils de logistique, de commercialisation et de distribution en France et dans le monde etc.
Outre la coordination financière de l’ensemble, pourraient figurer parmi les fonctions du pôle financier, des activités assurantielles et bancaires avec la création ou la reprise d’une compagnie d’assurances, d’une banque et d’un fonds d’investissement. Ainsi, le groupe se doterait d’un socle financier solide et croissant qui permettrait de faciliter l’émergence et la progression d’activités externes certes parfois gourmandes en main d’œuvre et moins profitables mais non moins vitales en termes de réduction de chômage, des déficits et de rééquilibrage de la balance commerciale. Un chiffre d’affaire annuel de 15 à 25 Mds d’euros après quelques années, réalisé en interne principalement dans des secteurs à haute valeur ajoutée de l’industrie, finance et services, optimiserait la capacité d’intervention. La structure aurait vocation à se développer rapidement pour atteindre en une décennie, une taille financière critique de 150 à 200 Mds, qui lui permettrait de corriger au mieux des déséquilibres économiques ou monétaires et ainsi contribuer fortement à une diminution des déficits.
Le rôle ou l’esprit du projet Collectivité nationale pourrait rappeler à certains égards mais avec un statut différent, celui de la Caisse d’amortissement des dettes créée en 1800, devenue ensuite Caisse de dépôts et consignations (CDC). La dépense annuelle d’investissement de l’Etat dans le dispositif (dotations, subventions, prêts etc.) que l’on doit considérer comme un investissement générateur de croissance, avoisinerait 10 Mds d’euros, aujourd’hui empruntables à taux quasiment nul. Le groupe serait régi par le droit privé et sa création, financée sur fonds propres. Mais surtout abondé en fonds publics, il aurait légitimement vocation à devenir à terme, propriété de la collectivité nationale sans devenir pour autant une entreprise publique ou d’Etat dont le type d’administration pèserait, au détriment de la réactivité, sur les processus de décision. Néanmoins, celle-ci détiendrait, après l’inscription de son statut dans la constitution et conformément à ses prérogatives en tant que personne morale de droit public, un droit de regard qui devrait garantir durablement, quel que soient les futures influences politiques ou tentations, la pérennité de l’édifice.
Un allègement de 50 % sur les cotisations des emplois de production
Les derniers plans ponctuels comme le plan de relance de 2009, le grand emprunt ou le CICE ont déjà couté près de 150 Mds aux contribuables mais n’ont pas produit les résultats escomptés. Selon les rapports de la Cour des Comptes, les 20 Mds d’euros consacrés en moyenne chaque année, n’auraient permis de créer ou de sauvegarder au gré des ans et plans, que quelques dizaines de milliers d’emplois et parfois moins de dix mille. Ces chiffres ne représentent qu’une très faible proportion d’une population active de 18.5 millions de travailleurs dans le secteur marchand ou des 6.6 millions d’inscrits à Pole emploi et l’éradication du chômage nécessiterait plusieurs centaines d’années.
Ainsi que l’expérience nous l’enseigne, une baisse mal ou peu ciblée, bien qu’exorbitante, peut répondre à des aspirations mais crée peu d’emploi. Aussi il est à craindre que la conversion envisagée du CICE en abaissement général et permanent de 6 points de cotisations patronales et salariales, soit peu opérante sur l’emploi.
Pour être efficiente, une réduction du montant des cotisations doit être ciblée et lisible.
Les effets d’une diminution de 50 % des cotisations salariales et patronales (dégressive à partir de 3600 euros brut) appliquée aux emplois de production en France (150 métiers des onze principaux secteurs de l'industrie manufacturière dont artisanat de production), seraient démultipliés car les postes industriels qui auraient été créés, génèreraient ensuite le plus souvent trois ou quatre fois plus d’emplois. Consubstantielle au projet Collectivité nationale, la mesure en renforcerait l’efficacité.
De nombreuses entreprises industrielles ou artisanales verraient le jour et la restauration des marges sauverait des entreprises en difficulté. Une meilleure compétitivité de l’industrie gonflerait les carnets de commandes et nous pourrions tabler sur la création ou la sauvegarde de plusieurs centaines de milliers d’emplois directs, indirects et induits chaque année.
Le coût de cet allègement qui pourrait, selon les critères d’éligibilité définis, se situer en 30 et 45 Mds s’avérerait cependant nul si l’on considère les économies ensuite réalisées. La suppression du CICE d’abord judicieusement destiné à l’industrie (rapport Gallois) mais ensuite détourné de sa cible, ferait économiser 20 Mds par an. Selon les chiffres de la DARES, le montant annuel des dépenses pour l’emploi (DPE) a franchi en 2014, la barre des 100 Mds d’euros.
Le nouveau dispositif remplacerait d’autres exonérations inefficientes et la diminution du nombre d’allocataires indemnisés participerait également à une importante réduction de la facture de l’Etat. De même, de faibles cotisations convaincraient des entreprises de privilégier la formation en leur sein et d’occasionner ainsi d’autres économies dans le budget aujourd’hui mal exploité de la formation professionnelle dont le montant atteignait 32 Mds en 2016.
Le message simple mais fort que constituerait une baisse de 50 % des charges dans l’industrie, convaincrait des entreprises qui hésitent ou renoncent actuellement à former et à recruter. Des banques prêteraient plus facilement aux artisans et industriels. Des investisseurs seraient davantage disposés à engager des capitaux dans les entreprises locales.
Cela pourrait marquer la naissance d’un pacte national d’adhésion à un projet fédérateur de reconstruction, propice à une réconciliation avec la politique gouvernementale, auquel pourraient souscrire bon nombre de français. Jeunes ou moins jeunes en quête d’avenir professionnel, élus locaux luttant contre la désertification de leurs territoires, industriels souhaitant augmenter la part de leur production en France ou consommateurs, accueilleraient avec bienveillance un programme industriel sans équivalent depuis plusieurs décennies.
Angela Merkel prête à céder du terrain ?
Le projet initial, publié en mai et juin 2016 sur le site du Figaro, était bâti sur l’hypothèse, d’une reconstruction de l’industrie française dans un contexte de disparition de l’euro et de l’UE mais maintenant réadapté car une brèche dans le sacrosaint dogme du libre-échange prôné par l'UE, semble s’être récemment ouverte et peut-être convient-il de s’y engouffrer sans attendre.
Apres le Brexit et un scrutin français qui lui a donné des sueurs froides, Angela Merkel déclarait pendant le dernier sommet européen, probablement en accord avec les dirigeants de l’UE : Nous voulons transformer l'union européenne pour qu'elle réponde aux exigences de la mondialisation. Qu'elle remette de la prospérité aux citoyens, de l'emploi. Avec des lois nationales, si nous pouvons le faire avec des textes simples. S'il faut des règles plus larges, peut-être faut-il modifier les traités».
La France n’a plus de stratégie industrielle depuis longtemps. Elle est ainsi devenue, parmi tous les pays d’Europe, le pays qui s’est le plus désindustrialisé. Maintenant, le poids de l’industrie dans le PIB allemand est deux fois plus important que celui de la France et l’excédent commercial de l’Allemagne atteint 252 Mds d’euros. Mais Angela Merkel pourrait céder du terrain.
Avec un tel excèdent et un PIB de 3 000 Mds d’euros qui consacrent le règne sans partage de l’économie allemande sur l’Europe, la Chancelière prend conscience du risque d’isolement de son pays et de l’hostilité de partenaires européens qui jugent l’Allemagne, impérialiste. Aussi on peut penser, qu’Angela Merkel, si elle était réélue, voudrait rompre avec un leadership embarrassant et aurait besoin d’une France moins affaiblie pour donner l’illusion d’un couple solidaire.
Aussi, elle ne blâmerait guère, du moins pas ouvertement, notre volonté de réindustrialisation. Certes, la candidate à sa propre succession doit pour l’heure, afin de contenter son électorat, réclamer le respect du déficit public et une reforme Hartz en France même si elle n’ignore sans doute pas que la politique de Gerhard Schröder a joué un rôle moins important dans la compétitivité allemande que le recours massif à la main d’œuvre des pays à bas coûts d’Europe ou l’importation de pièces à plus bas prix pour la fabrication de machines-outils et de véhicules haut de gamme sans concurrence réelle dont les clients aisés acceptent généralement de payer le prix, quel que soit le taux de change de l’euro.
Un calendrier idéal pour le retour d’une stratégie industrielle française
Evidemment, nous devrions, pour parvenir à nos fins, nous autoriser quelques libertés dans l’interprétation de certains articles dont celui qui interdit les aides d’Etat susceptibles de fausser la concurrence (article 107 du TFUE). Néanmoins, certaines dispositions semblent compatibles : «Promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou remédier à une perturbation grave de l'économie d'un Etat membre » ou « Favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ». La France est la deuxième économie de l’UE et la survie de cette dernière dépend de la situation de la France, actuellement proche de l’explosion sociale. On peut donc considérer que le programme collectivité nationale constituerait un projet d’intérêt européen qui pourrait remédier à de graves perturbations et favoriser le développement économique de territoires à forte misère sociale.
Par ailleurs, ainsi que l’a déjà fait Angela Merkel, nous pourrions, hors du cadre de l’UE, installer des mesures nationales tendant à corriger des abus ou à protéger notre industrie. Le 12 juillet 2017, la chancelière faisait voter un décret permettant d'empêcher la vente d'entreprises stratégiques allemandes à des investisseurs extra-européens. Le retour d’une stratégie industrielle française ne ferait guère l’unanimité mais avant l’élection européenne à haut risque de mai 2019, la Commission européenne pourrait se montrer conciliante. De plus , le projet de réindustrialisation générerait un grand nombre d’emplois en France mais aussi dans l’ensemble de l’espace européen car bon nombre de fabricants français, compte tenu de la disparition de fournisseurs ou de savoir-faire mais aussi pour réduire les coûts et ainsi élargir leur clientèle, réalisent couramment une part des opérations dans d’autres pays de l’UE.
Cependant, quel que soit la position de l’UE, la finalité d’une action, dans l’hypothèse d’une mise en œuvre du projet en janvier 2018, n’interviendrait pas avant trois années soit au plus tôt 2021 ou trois ans après les élections de mai 2019. Bruxelles ne pourrait pas alors exiger le démantèlement de la structure au service de la collectivité et l’abandon d’une stratégie industrielle qui aurait généré après 3 ans ou 5 ans, un ou deux millions d’emplois directs, indirects et induits. Entre temps l’euro et l’UE auraient peut-être déjà succombé à leurs crises mais nous aurions ainsi gagné un, deux ou trois ans de reconstruction de l’industrie et de baisse du chômage.
Monsieur Macron, ni la loi travail, même si certains de ses aspects sont pertinents, ni " l’industrie de demain", antienne idéologique martelée depuis quarante ans, ne permettront de résoudre les problématiques économiques françaises. Il nous faut adopter une nouvelle vision moins parcellaire et seule une stratégie industrielle plus globale, pragmatique et volontaire, permettra d’enrayer le chômage et le déclin de la France.
Francis Journot Site Collectivité nationale