Usine 5G et centres R&D Huawei en France: une scandaleuse collaboration avec la Chine totalitaire
Tribune de Francis Journot - Bras armé technologique du Parti communiste chinois, Huawei facilite la répression des opposants à la dictature sanguinaire. Ce groupe qui souhaite voir la Chine régner sur le monde, profite de la crise meurtrière pour installer sa 5G. Mais les USA, l’Australie, l’Inde et des pays d’Europe sont défavorables à un réseau contrôlé par ce géant chinois. En juillet 2020, face à la réticence de l’UE, la Chine a menacé de s’en prendre à Ericsson et Nokia. On cherche en vain une cohérence lorsque le gouvernement français exige le retrait des antennes 4G Huawei d’ici 2028 mais en même temps approuve, en se félicitant au passage de l’attractivité de la France, le renforcement dans l’hexagone de la présence de cette société chinoise dont nul n’ignore les méthodes et objectifs.
Le choix de lieux symboliques et stratégiques
Huawei a choisi d’implanter son sixième centre de R&D de l’hexagone au 103 rue de grenelle à Paris. A cette adresse hautement symbolique, trône la célèbre Tour Chappe, siège du télégraphe inventé à la fin du XVIIIème siècle et vestige de l’ère pré numérique. Ce lieu demeura longtemps au centre des communications d’une France qui a fait autorité en ce domaine jusqu’au démantèlement de fleurons. Par ailleurs, la présence au cœur du quartier des ministères, entre l’Elysée et Matignon, d’une annexe du groupe né en 1988 au sein de l’armée populaire de libération chinoise, maintes fois accusé de dumping et d’espionnage, pose questions. En effet, Huawei ressemble davantage à une émanation du PCC au service de son régime dictatorial et de ses ambitions hégémoniques ou militaires qu’à une entreprise réellement indépendante respectant les lois du marché et de la concurrence.
Le groupe chinois franchit encore une étape dans sa conquête des télécommunications européennes. Le 17 décembre 2020, Il faisait part de l’implantation en février 2021 d’une usine d’équipements 5G dans la ville de Brumath située à moins de vingt de kilomètres du parlement européen à Strasbourg. La vice-présidente d’Huawei Catherine Chen a annoncé le 26 janvier 2021 lors d’une conférence de presse au siège de la Région Grand Est que l’usine "pourrait produire la première station mobile courant 2023". On peut s’inquiéter d’une installation au milieu de l’une des plus fortes concentrations d’unités militaires françaises sensibles du pays dont certaines relevant de la Direction du renseignement militaire (DRM) et peu éloignée aussi du Quartier général du corps européen. Par ailleurs, après un bilan français dépassant maintenant 75 000 morts dues au Coronavirus dont la propagation hors de Chine aurait pu être évitée, le cynisme d’Huawei et l’indécence d’élus qui se prêtent à cette opération de communication guidée par Pékin, peuvent choquer. L’arrivée hostile d’Huawei sur les terres européennes de ses deux principaux concurrents Nokia et Ericsson, teste la faiblesse de la France et de l’UE. Notre pays dénonce souvent la signature d’accords bilatéraux entre des pays de l’UE et la Chine qui veut ainsi diviser les 27 mais on voit maintenant au sein de l’hexagone, des élus régionaux séduits par une promesse d’emploi dont on peut douter de la sincérité, prêts à compromettre la sécurité nationale ou des intérêts européens. On peut aussi s’interroger à propos des conséquences de la signature en décembre 2020 de l’accord de principe relatif au Traité d’investissement UE-Chine car Huawei pourrait considérer que le marché européen de la 5G fait partie de la corbeille de mariage ou y verrait au moins la promesse d’un assouplissement de la position de l’UE.
L’espionnage pratiqué par Huawei pour le compte du PCC est depuis longtemps une certitude
Dans son rapport de 2011 « La cyberdéfense : un enjeu mondial, une priorité nationale » l’ancien sénateur du Haut Rhin Jean Marie Bockel accusait déjà Huawei d’espionnage. Longtemps avant l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, un rapport du renseignement américain préconisait le bannissement industriel. Dans une tribune publiée dans le magazine l’express, Jean Marie Bockel déclarait à propos de la conférence d’Huawei à Dubaï : « les représentants d'Huawei ont indiqué que, pour mieux assurer la sécurisation des flux de ses clients, Huawei "analysait" (grâce aux techniques dites de "deep packet inspection"), l'ensemble des flux de communications (courriers électroniques, conversations téléphoniques, etc.) qui transitaient par ses équipements.» puis concluait : « Si les représentants de l'entreprise voulaient démontrer avant tout les capacités de leurs "routeurs" en matière de détection de "logiciels malveillants", ils ont ainsi confirmé les capacités potentielles de ces " routeurs " à analyser, intercepter et extraire des données sensibles, voire à les altérer ou les détruire. ». L’année suivante, le groupe Huawei dépensait 3 millions d’euros en lobbying à Bruxelles pour tenter de faire oublier ces accusations d’espionnage.
Une part importante de la technologie 5G est élaborée en France
Bien que prétendant être à l’origine de nombreuses innovations technologiques, la Chine se contente en réalité le plus souvent d’améliorer des technologies inventées par des entreprises surtout occidentales. L’Europe et les USA forment ses futures élites et lui fournissent les compétences intellectuelles de leurs chercheurs. Au cours d’une interview réalisée il y a plusieurs mois par Europe 1, Zhang Minggang, directeur général adjoint de Huawei, concédait qu’« une partie de la technologie 5G est élaborée en France. » L’entreprise a également récemment déclaré à propos de l’implantation à Brumath : « Avec cette usine implantée au carrefour de l’Europe, Huawei vient enrichir sa présence sur le continent déjà forte de 23 centres de R&D, de plus de 100 universités partenaires, de plus de 3100 fournisseurs et d’une chaîne d’approvisionnement performante ». Pour exemple, le quatrième centre Huawei de R&D en Ile de France, spécialisé dans la recherche fondamentale en calcul et mathématiques, profitera des ressources et expertises de l’Ecole Normale Supérieure Paris (ENS) , de l’Institut Henry Poincaré (IHP) de Sorbonne et du Collège de France au sein d’une région qui héberge 40 % de la recherche française en mathématiques et dans une France dont le nombre de médaillés Fields rivalise, en tête des classements, avec celui des USA.
Généreuses subventions en R&D, mise à disposition des ressources d’universités et de milliers de chercheurs européens, il est peu certain que les contribuables des pays concernés soient heureux de financer l’avancée d’une 5G chinoise qui pour l’heure, favorise la surveillance du peuple chinois et permet ainsi le maintien au pouvoir d’une dictature meurtrière prompte à condamner aujourd’hui les récalcitrants, au camp de travail et à la mort mais qui pourrait bientôt aussi entamer les libertés et la démocratie dans le reste du monde.
Alcatel-Lucent aurait pu renaitre de ses cendres
Compte tenu des atouts de notre pays, une volonté industrielle renforcée par des partenariats stratégiques et financiers, aurait pu permettre à l’ancien numéro un mondial des télécoms Alcatel-Lucent de renaitre de ses cendres mais Manuel Valls et Emmanuel Macron en avaient décidé autrement. En 2014, le premier ministre assurait au fondateur d’Huawei Ren Zhengfei et toujours membre du PCC, le soutien du gouvernement dans son projet d’implantation de quatre nouveaux centres de R&D (après Sophia Antipolis en 2013) et d’intensification de ses partenariats avec des entreprises de haute technologie, PME et start-up du secteur. Il offrait ainsi à la Chine l’opportunité de prendre une avance technologique dans le domaine de la 5G. En 2015, le ministre de l’économie adoubait la cession d’Alcatel à Nokia et enterrait ainsi définitivement toute ambition française en la matière.
Deux décennies d’aveuglement et de complaisance à l’égard de la Chine
Dans notre article « L'emploi industriel? On dirait qu'ils s'en foutent...» publié début 2011 dans Marianne, nous écrivions déjà (Mouvement Rendez-nous notre industrie et association Vêtements made in France) que l’ancien premier ministre Jean Pierre Raffarin, fervent partisan de l’entrée de la Chine dans l’OMC et de la fin de quotas d’exportation chinois au début des années 2000, ne devrait pas ignorer que ce concurrent économique qui a maintenant broyé notre industrie avec la bénédiction des gouvernements, ne s’arrêtera pas en si bon chemin mais que nous n’étions sans doute pas tous prêts à voir la France devenir un pays vassal, même si les dirigeants Chinois pensent déjà que nous sommes un pays faible, prêt à lui obéir et à renier nos valeurs pour obtenir quelques contrats. Mais après le sénateur Raffarin, d’autres politiciens sont allés à Pékin pour proposer leurs services. Ainsi, nous avons dû combattre en 2014, deux projets pharaoniques dont l’un prévoyait déjà l’installation d’une usine Huawei : « Nouvelles villes chinoises en France : un scandale industriel annoncé ? ». Nous informions alors plus de 700 députés européens du danger que pourraient représenter pour l’Europe, des structures surtout dédiées à l’importation de biens finis ensuite étiquetés made in France ou Europe. Elles auraient pu causer la perte de millions d’emplois manufacturiers en Europe. Nous avions également saisi la Cour des Comptes à propos de financements disproportionnés de la collectivité et de l’origine parfois trouble de capitaux d’investisseurs.
Projets avortés d’"EuroSity" à Châteauroux dans l'Indre et de "TerraLorraine" en Moselle, concept fantaisiste d’usines de vêtements de luxe à Maubeuge pour lequel l’importateur Jian Chen promettait début 2020 d’investir 200 millions d’euros ou aujourd’hui centres R&D et usine Huawei près de Strasbourg, les gouvernements successifs et des élus locaux semblent vouloir ignorer la duplicité de Pékin depuis 20 ans et facilitent l’installation d’entreprises chinoises dans l’hexagone mais la France et d’autres pays de l’UE dont l’Allemagne, ne pourront pas toujours jouer sur les deux tableaux et il leur faudra choisir entre un avenir démocratique et le danger d’une hégémonie chinoise.
Francis JOURNOT est consultant, entrepreneur et ancien éditeur de presse professionnelle économique et sociale. Il est l’initiateur des projets économiques Plan de régionalisation de production Europe Afrique, Africa Atlantic Axis et International Convention for a Global Minimum Wage